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"Il y a deux sortes de pitié: L'une, molle et sentimentale, qui n'est en réalité que l'impatience du coeur de se débarrasser au plus vite de la pénible émotion qui vous étreint devant la souffrance d'autrui, cette pitié qui n'est pas du tout la compassion, mais un mouvement instinctif de défense de l'âme contre la souffrance étrangère. Et l'autre, la seule qui compte, la pitié non sentimentale mais créatrice qui sait ce qu'elle veut et est décidée à persévérer avec patience et tolérance jusqu'à l'extrême limite de ses forces et même au-delà."
Afficher en entier« J'avais toujours cru jusqu'alors, avec mon peu d'expérience, que la pire souffrance était celle de l'amour non partagé. Je me rendais compte maintenant qu'il en existe une plus terrible encore : être aimé contre sa volonté et ne pas pouvoir se défendre contre cette passion qui vous importune et vous harcèle; voir à côté de soi un être humain se consumer au feu de son désir et assister impuissant à ses tourments, sans avoir le pouvoir, la force, la possibilité de l'arracher aux flammes qui le dévorent. Celui qui aime d'un amour malheureux peut arriver à dompter sa passion, parce qu'il n'est pas seulement celui qui souffre, il est aussi le créateur de sa souffrance. S'il n'y parvient pas, il souffre du moins par sa propre faute. Mais perdu sans recours, celui qui est l'objet d'un amour auquel il ne peut répondre; car ce n'est pas en lui qu'est la mesure et la limite de la passion, mais en dehors de lui et de sa volonté […]
Situation effroyable, insoluble: l'instant d'avant encore, on se sentait libre, on s'appartenait et on ne devait rien à personne, et soudain on est poursuivi et assiégé, but et proie d'un désir étranger. Troublé jusqu'au plus profond de l'âme, on sait que jour et nuit une femme pense à vous, languit et soupire après vous, elle, une inconnue! Elle vous veut, vous désire, exige que vous soyez à elle de toutes les fibres de son être, de toutes les forces de son corps et de son sang. Vos mains, vos cheveux, vos lèvres, votre corps, elle les veut, vos nuits et vos jours, vos sentiments, votre sexe, et tous vos rêves et pensées. Elle veut s'associer à votre vie, vous prendre et vous aspirer avec son souffle. Toujours, que vous soyez éveillé ou que vous dormiez, il y'a désormais dans le monde un être qui vit avec vous et pour vous, qui vous attend, qui veille et rêve en pensant à vous. C'est inutile que vous vous efforciez de ne pas penser à elle, qui sans cesse pense à vous, que vous cherchiez à fuir : vous n'êtes plus en vous, mais en elle. Comme un miroir ambulant, un être étranger vous porte en lui, et encore un miroir ne saisit votre image que quand vous vous offrez volontairement à lui. Elle, la femme, l'étrangère qui vous aime, elle vous a déjà absorbé dans son sang. Elle vous a en elle, vous porte en elle, où que vous fuyiez. Vous êtes le prisonnier d'une autre, vous n'êtes plus jamais vous même, plus jamais livre et sans soucis, toujours vous êtes traqué, poursuivi, tenu à des devoirs. Cette pensée d'autrui, vous la sentez comme une succion brûlante et constante. Rempli de haine et d'effroi, il vous faut endurer ce désir de quelqu'un qui souffre à cause de vous. La torture la plus affreuse qu'un homme puisse éprouver, à présent je le sais, c'est d'être aimé malgré soi. Et c'est un tourment à nul autre pareil, que cette culpabilité dans l'innocence. »
P.282-283-284
Afficher en entier« C'est seulement à partir de ce moment que je commençais à comprendre (ce que taisent la plupart du temps les écrivains) que les malades, les estropiés, les gens laids, fanés, flétris, les êtres physiquement inférieurs aiment au contraire avec plus de passion et de violence, que les gens heureux et bien portants; ils aiment d'un amour fanatique, sombre, aucune passion sur terre n'est plus violente et avide que celle de ces désespérés, de ces bâtards de Dieu qui ne trouvent que dans l'amour d'autrui et pour autrui leur raison de vivre. Le fait que c'est précisément de l'abîme le plus profond de la détresse que s'élève plus furieusement le cri panique du désir de vivre, ce terrible secret, jamais, dans mon inexpérience, je ne l'avais soupçonné. »
P.275
Afficher en entier« Tout à coup elle éclata en violents sanglots, mais c'étaient des sanglots de bonheur. Elle pleurait tout en riant et riait tout en pleurant. »
P. 230
Afficher en entier"Sans toi il n'y a pas de jour et pas de nuit, mais seulement le désespoir."
Afficher en entier"J'entrevis pour la première fois que le pire en ce monde ne résulte pas toujours de la méchanceté ou de la violence, mais plus souvent de la faiblesse."
Afficher en entier« "… Non, non!" suppliai-je encore. Je ne trouvais pas d'autres mots pour conjurer l'orage menaçant. Cependant les pleurs refoulés avaient déjà éclaté. Ce n'étaient pas des sanglots sauvages, bruyants mais - chose plus terrible - des pleurs émouvants, silencieux, des pleurs dont elle avait honte et qu'elle ne pouvait contenir. »
P.358
Afficher en entier« Notre ami se laissait peu à peu envahir par l'émotion. Il y avait un tel vide, une telle solitude autour de cette femme et une telle indifférence dans la façon dont elle acceptait son sort, qu'il se souvint lui-même, de sa vie instable. Dans le désarroi de cette femme, il sentit son propre désarroi. »
P.180
Afficher en entier"On blesse facilement celui que le sort a déjà frappé."
Afficher en entier"Mais je crois vous avoir déjà averti, c'est un sentiment dangereux, à double tranchant, que la pitié. Celui qui ne sait pas s'en servir doit y renoncer. C'est seulement au début que la pitié - comme la morphine - est un bienfait pour le malade, un remède, un calmant, mais elle devient un poison mortel quand on ne sait pas la doser ou y mettre un frein."
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