La Prière du nomade

"- Amed, Vise le Soleil -

Amed n’est ni bon ni mauvais élève

Mais les pages de son cahier sont remplies de rêves

À longueur de journée, et du haut de ses 10 années

Amed passe le plus clair de son temps à dessiner

Avec ses Bics d’écoliers et sur des feuilles un peu déchirées

Il crayonne des hôpitaux, des pompiers, des docteurs, des infirmiers

Mais lui ce qu’il voudrait c’est devenir ambulancier

Il aurait pu sauver sa mère, malheureusement décédée

Un beau matin alors que le soleil venait tout juste de se lever

Un beau matin alors qu’elle venait tout juste de l’accoucher

Vise le soleil

Vise le soleil

Et n’écoute pas ceux qui disent que ça peut brûler tes ailes

Vise le soleil

Au village, beaucoup d’humanité mais très peu d’ONG

Et l’état de toute façon est régi par l’OMC

Les transports sont rares, voire inexistants

Lorsque l’infirmier lance l’alerte, tout est bien trop lent

Accouchement dit « compliqué », les choses s’enchainent

Tout le monde court, rien ne vient, et ça traine

Amed venait au monde le jour où sa mère rentrait dans une tombe

Tout ça, on ne lui a jamais raconté

Il l’a entendu une nuit alors que ses yeux ne voulaient plus se fermer

Cette nuit-là, il a pleuré toutes les larmes de sa vie

Et le lendemain, les yeux petits et tellement rougis

Lorsque ses amis lui demandèrent : « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

Il répondit : « Un jour je serais ambulancier,

Ce sera ma façon à moi de me venger »

Alors Amed sait ce qu’il veut faire, il n’a aucun doute

Et peu importe le prix que ça lui coûte

Vise le soleil

Vise le soleil

Et n’écoute pas ceux qui disent que ça peut brûler tes ailes

Vise le soleil

15 ans plus tard, Amed a fait ses preuves

À trop dessiner ses ambitions, il a réalisé son rêve

Pétri d’empathie, lorsqu’Amed croise un jeune qui s’ennuie

Il a toujours un bon mot, jamais un « tant pis »

« Tu peux prendre, mais n’attends pas qu’on te donne,

Y’a de l’argent mais très peu d’espoir dans un Western Union »

Alors il sillonne les villages et les dispensaires

Dans le regard de toutes ces femmes, il voit les yeux de sa mère

Meurtri mais fier d’être enfin quelqu’un sur sa propre terre

Celle de ses ancêtres, même s’ils n’étaient ni des princes ni des rois

S’il était né en France, on aurait plutôt dit prolétaire

Vise le soleil

Vise le soleil

Et n’écoute pas ceux qui disent que ça peut brûler tes ailes

Vise le soleil

Amed c’est lui, mais Amed c’est toi

N’oublie pas qu’on est toujours maître de ses choix

Même si des chaînes sont liées à nos mains et à nos pieds

Avec la volonté, la persévérance, on peut toujours les briser

Vise le soleil

Et n’écoute pas ceux qui disent que ça peut brûler tes ailes

Amed n’était ni bon ni mauvais élève

Mais les pages de son cahier étaient remplis de rêves."