Extraits

Je me suis promis d'être forte pour elle, mais j'en suis incapable. Je suis trop émotive. Alors, je craque et j'éclate en sanglots. Elle me prend dans ses bras, comme le font les mères.

- Dis moi que tout va bien se passer, maman, je murmure. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi.

Je ne m'attendais pas à ce qu'elle parle. Et pourtant, elle répond.

Sa voix est faible et éraillé. Mais elle parle. Pour moi.

- Il dit... commence-t-elle péniblement. Qu'il te protégera.

- Quoi ? dis-je en clignant des yeux avec le besoin urgent d'en savoir plus.

Mais elle ne reprend plus la parole.

Elle sourit et attire mon visage vers elle pour m'embrasser sur le front. Puis elle ferme les yeux et retombe dans l'inconscience.

Ronan est toute ma vie. Mon oxygène. Ma seule raison d’exister parfois. Je sais que ça paraît fou, mais c’est ce que je ressens. Nous avons été placés sur cette Terre l’un pour l’autre. Et quand il me regarde avec ses grands yeux marron, comme il le fait en cet instant, je sais que nous partageons une chose unique. Une supernova. Un amour si rare, si inégalé qu’il brille plus fort que tout ce qui existe.

Je reporte mon attention sur mes outils, à la recherche d'une idée pour la suite. Mais les mots qui franchissent alors les lèvres de Donny me prouvent que j'ai tort. Contre toute attente, il est bien capable de me faire sortir de mes gonds.

- Elle le faisait pour te protéger. Tu le savais ? Cette sale pute croyait devoir te protéger. Je t'ai vu, ce soir-là, Ronan. Je t'ai vu traîner le corps de Blaine jusqu'à ta voiture. Et Sasha m'a vu. Elle savait que je pouvais te balancer à tout moment. Alors, elle s'est assurée de mon silence en m'offrant sa bouche comme paiement.

Après la réunion, tout le monde sort en file indienne de la salle et je reste seul avec Crow. Il doit bien se douter que j’ai envie de parler avec lui en privé. C’est le cas, mais ce n’est pas le sujet auquel il pense.

Il nous sert un autre verre avant de m’accorder toute son attention.

— J’ai besoin d’un bébé, lui dis-je.

Il garde le silence pendant un long moment, faisant tourner la boisson dans sa main avant de l’avaler d’un trait.

— Je ne suis pas certain d’avoir bien entendu, dit-il. En fait, je crois bien que je n’ai pas compris.

— Pour m’entraîner.

À présent, lui aussi me regarde comme si j’étais devenu fou.

— Ne me dis pas que tu n’en as pas besoin, toi aussi. À quand remonte la dernière fois où tu as été proche d’un bébé ?

Il hausse les épaules.

— Je n’en ai pas la moindre idée, Fitz.

— C’est ça, dis-je en hochant la tête. Alors, trouve-nous un bébé.

Je suis une excellente menteuse. Experte en manipulation. J’ai même élevé ce talent au rang d’art. Ma façon de les regarder, la tête légèrement penchée… Ils pensent à toutes les saletés qu’ils pourraient me faire. Et moi, pendant ce temps, je pense à ma mère mourante à la maison. À ma haine pour cette vie et pour ceux qui la hantent. J’ai tellement de haine emmagasinée que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle explose à la face du monde.

Mais sur scène, je peux être tout ce qu’ils désirent. Une sainte ou une pécheresse. La bonne copine ou la prostituée. La seule chose qui m’est interdite, c’est d’être moi-même.

Parce que cette fille-là a disparu il y a longtemps et je ne serais même plus capable de vous dire qui elle est. C’est le problème avec les mensonges. Au bout du compte, ils commencent à devenir bien réels. Et à son tour, on finit par les croire.

Je n’ai jamais cru aux contes de fées. Dans mon histoire, il n’y a pas de chevalier blanc. Il n’y a que moi. Et je ne suis pas le genre de fille à finir avec un prince. Je suis la fille qu’il se tape quand il en a l’occasion.

« Conor dit que c’est un Corgi. D’après Google, c’est normal que leurs pattes soient petites. J’ai vérifié.

— Bon sang, et qu’est-ce que tu fous avec ça ?

— C’était chez Donny.

— Alors tu as décidé de le garder ? Tu sais t’occuper d’un chien, toi ?

— Aucune idée. C’est Conor qui lui donne à manger.

— Eh bien, on dirait qu’il a faim, observe Crow.

— C’est pour ça qu’elle n’arrête pas d’aboyer ?

Il hausse les épaules.

— Qu’est-ce que j’en sais, moi ? »

- Je la protégerai. Je veillerai sur eux.

- Je sais. Je n'en doute pas, Fitzy. Tu seras le meilleur.

Spoiler(cliquez pour révéler)Devant nous, la voiture change de voie et je distingue plus nettement le Denali. Celui où Sasha est embarquée. Ma Sasha. Et mon bébé. Parce que je vais devenir père.

Je n'ai pas eu grand chose dans la vie. Crow, sa mère et le syndicat. Jusqu'à présent, je m'en suis contenté, mais maintenant, c'est différent. Ma vie tout entière se trouve dans cette voiture, droit devant. Je vais massacrer les hommes qui ont cru pouvoir me prendre ça.

« Et maintenant j’en ai la certitude, je ne peux pas la laisser partir. »

Ronan

« Sur la pointe des pieds, je m’avance dans le couloir en suivant les babillages qui s’échappent d’une porte entrouverte. Et quand je l’ouvre, je découvre la dernière chose à laquelle je m’attendais.

Ronan et Lachlan sont tous les deux penchés sur une table et ils regardent le bébé allongé dessus comme s’ils essayaient de résoudre une énigme. Alexei surveille la scène, tout comme Daisy au ras du sol.

— Non, regarde. Ces petits rabats vont ici, dit Ronan en désignant la couche sur la table.

— Je ne crois pas, Fitz, objecte Crow. Ça ne se met pas là.

— Vous devriez peut-être les scotcher, propose Alexei.

Je me racle la gorge sur le pas de la porte et les trois hommes se tournent vers moi comme un cerf dans les phares d’un camion. Ronan rougit et Lachlan aussi. Je n’aurais jamais cru le voir rougir un jour. Je viens de surprendre le chef et le sous-chef de la pègre irlandaise, cramoisis devant un bébé.

— Euh, les gars, dis-je en désignant le petit garçon à moitié nu au milieu de la table. Vous devriez peut-être faire quelque chose avant que…

Un jet d’urine jaillit brusquement, atteignant Lachlan au bras. Il baisse les yeux, interloqué, avant de s’empresser d’attacher la couche avec l’aide maladroite de Ronan.

— Apporte le ruban adhésif ! lance Ronan à Alexei comme s’il s’agissait d’un état d’urgence.

— Vous avez besoin d’aide ? je propose.

— Non, répondent-ils ensemble. »