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Toi qui as su me voir, m'aimer. Me trouver, derrière le monstre que tout le monde rejette.
Afficher en entierElle plaça une chaise sous la fenêtre ouverte, grimpa dessus. A défaut de platane, elle voyait le toit du bâtiment d'en face, un morceau de clôture en barbelés. Le mirador et le surveillant armé d'un fusil d'assaut qui devait s'ennuyer autant qu'elle. Une légère brise polluée lui chatouilla les narines. Le brouhaha qui montait de la cour lui écorcha les oreilles. L'attente était interminable...
Afficher en entierLundi 4 avril
Marianne ouvrit un oeil pour interroger le vieux réveil estropié qui trônait sur la table en faux bois. Tout était faux ici, de toute façon.
Bientôt l'heure de la récré. Dehors, les autres en profitaient déjà. Mais pour elle, ce serait plus tard. Comme ces enfants punis par Pinstit, qui trépignent en classe pendant que leurs petits camarades s'ébattent dans la cour.
La cour... Marianne se remémora celle de son école primaire. Les grands arbres, un peu tristes, comme s'ils avaient poussé trop vite au milieu des carrés de chiendent. Et les bancs en métal vert et troué... Et les cris des gosses. Leurs rires. Leurs pleurs, parfois.
Le bonheur ? Non. L'enfer.
De toute façon, ça avait toujours été l'enfer. Partout, tout le temps.
La cour... Carré de goudron entre quatre murs coiffés de barbelés. Inhumaine, comme tout le reste. Mais un peu d'air, putain que c'est bon !
Surtout quand on a pris perpète.
Non, jamais ils ne me laisseront sortir. Peut-être quand j'aurai soixante piges et des rhumatismes jusque dans la racine des cheveux. Dans plus de quarante ans...
Une traînée de givre descendit de sa nuque jusqu'à la cambrure de ses reins, comme à chaque fois qu'elle réalisait...
Trop dangereuse, avait dit le psy. Un gros con, ce maudit toubib !
Trop violente, incapable de maîtriser sa colère ou de discerner le bien du mal. Si. Un fixe d'héroïne, c'est bien. Le manque, c'est mal.
Afficher en entierMarianne, vingt ans. Les miradors comme unique perspective, les barreaux pour seul horizon. Perpétuité pour cette meurtrière. Une vie entière à écouter les grilles s'ouvrir puis se refermer. Indomptable, incapable de maîtriser la violence qui est en elle, Marianne refuse de se soumettre, de se laisser briser par l'univers carcéral sans pitié où elle affronte la haine, les coups, les humiliations. Aucun espoir de fuir cet enfer. Ou seulement dans ses rêves les plus fous. Elle qui s'évade parfois, grâce à la drogue, aux livres, au bruit des trains. Grâce à l'amitié et à la passion qui l'atteignent en plein cur de l'enfermement. Pourtant, un jour, l'inimaginable se produit. Une porte s'ouvre. On lui propose une libération… conditionnelle. « La liberté Marianne, tu dois en rêver chaque jour, chaque minute, non ? » Oui. Mais le prix à payer est terrifiant. Pour elle qui n'aspire qu'à la rédemption…
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PROLOGUE
Tous les soirs se ressemblent, les nuits aussi. Et les jours, c’est pareil.
À quoi se raccrocher, alors ?
Aux repères, ceux qui rythment le temps, évitant qu’il ne devienne une hideuse masse informe.
S’y cramponner, comme à des arbres au milieu d’une plaine infinie, à des voix au cœur du silence.
À chaque heure, quelque chose de précis. Gestes, odeurs ou sons.
Et, au-delà des murs, le train.
Décibels de liberté venant briser l’aphasique solitude. Celle-là même qui vous dévore lentement, morceau après morceau. Qui vous aspire sans heurt vers les abîmes du désespoir.
Afficher en entierLa voiture part dans le décor. Marche funèbre avec grandes orgues pour le rythme. Jusqu'à ce que le sarcophage fracasse la barrière d'un chantier et plonge dans un énorme trou d'où un immeuble comme tout juste à émerger. Marianne a cessé de hurler. Etonnée d'être encore en vie. Elle déboucle sa ceinture, passe la main dans les cheveux de Thomas. Du sang, partout. Ils me l'ont tué. Ils me l'ont tué, ces salauds ! Elle s'extirpe de la voiture tandis que les uniformes sont déjà en haut de la tombe béante.
- Police ! Arrêtez-vous ! Levez les mains !
Tu parles ! Elle cavale entre les fondations, son flingue dans la main droite. Le visage inondé de larmes brûlantes. Elle court à une vitesse hallucinante, à peine essoufflée. Ils me l'ont tué. Tué.
Afficher en entierIls ont mieux à faire que de pister une mineure qui a fugué avec une petite frappe en emportant le butin... Faut diminuer le chiffre de la délinquance, augmenter celui des amendes. Se montrer et encaisser. Un peu comme les putes, finalement. Les politiciens comptent là-dessus pour se faire élire la prochaine fois, ne pas l'oublier !
Afficher en entier11h09. Le train s'éloignait déjà. Pourquoi passait-il toujours si vite ? Marianne gardait les yeux fermés. Comme pour emprisonner ce chant de liberté dans sa tête. Qu'il continue encore et encore. Des images revenaient, floues et précises à la fois...
… Ils arpentent le quai à la recherche du bon numéro.
- C'est quoi, déjà ? demande Thomas.
- Voiture 13, place 14 et 15... Pas compliqué ! Le tiercé dans l'ordre !
Ils grimpent dans le compartiment, Marianne s'assoit près de la fenêtre ; sur le quai, un couple enlacé ne parvient pas à se dissoudre malgré le compte à rebours qui a commencé. Ils s'embrassent, s'embrasent, se serrent, se fondent presque l'un dans l'autre. Marianne les observe, subjuguée.
- Qu'est-ce qu'il y a ma puce ?
Elle sursaute. Sourit. Prend sa main et murmure :
- Regarde-les...
Il aperçoit les deux amants, qui ne semble former qu'un.
- Y en a un qui va rater le train ! dit-il en riant.
- Ils ne devraient pas se séparer... Tant pis pour le train...
Thomas allume une cigarette, ouvre son coca. Soudain, la femme du quai empoigne son sac, recule d'un pas. Marianne n'arrive pas à y croire. La bulle d'amour vient de se déchirer. Elle ressent la fissure à l'intérieur de son propre corps. Elle saisit le bras de Thomas, avec force.
- Elle est montée dans le train !
- Ben, évidemment ! Elle était là pour quoi faire à ton avis ?!
Justement, la voilà qui s'avance dans le couloir, s'arrête à quelques mètres d'eux. Elle pleure. Marianne aussi.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive ma puce ?
- Rien... C'est des larmes de joie. J'suis tellement heureuse de partir loin avec toi...
- Moi aussi... Tu verras, tout ira bien maintenant. Tu vas pouvoir les oublier, ces deux cons !
Une secousse annonce le départ, Marianne dévisage l'homme du quai. Lui aussi, pleure. Elle a envie de hurler à la femme de descendre, de le rejoindre. Pas le droit de se faire si mal. Rien ne peut en valoir la peine. Rien...
L'homme du quai est loin, désormais. Marianne demande :
- Tu... tu crois qu'on s'aimera comme ça un jour ?
… Marianne rouvrit les yeux. Le train était loin, depuis longtemps. Aujourd'hui, elle avait la réponse à sa question.
Non, jamais ils ne s'étaient aimés comme ça. On n'a pas eu le temps, peut-être. Le temps n'y aurait peut être rien changé. Comment savoir ?
A chaque fois, la blessure se rouvrait dans son ventre. Douleur intacte, indemne, malgré le choc des années de taule.
Est-ce qu'un jour, on m'aimera comme ça ?
Afficher en entierJamais, tu ne sortiras jamais d'ici. Jamais. Pourquoi je les ai tués ?
Afficher en entierMais maintenant, ils sont deux. Ils sont forts.
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