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Vers quatorze ans, mes seins n’avaient guère grossi, mon visage était désormais constellé d’acné, et mes épaules, à force de nager, auraient pu défoncer des portes. Je m’étais un peu remplumée, certes, musclée aussi, mais pas suffisamment pour qu’on arrête de me qualifier de maigre, d’anorexique, souvent. Avec 1,62 m pour 40 kg, j’étais la moche, le laideron, le sac d’os, celle à qui on mettait -1 sur une échelle de beauté allant de zéro à dix. Ou +10, dans le top ten des thons. Rien ne contribuait à mon épanouissement personnel. Je n’avais aucune envie de me défendre, je leur donnais raison. Ça m’a rendue agressive, amère, antipathique et infréquentable. J’étais malheureuse comme une pierre, mais je ne laissais aucune chance à personne, on ne pouvait pas m’approcher. Puis le déclic a eu lieu.
Afficher en entierMoi qui suis devenu médecin pour dompter ma peur de la mort, moi qui pensais qu'aider les autres me permettrait d'oublier mes propres souffrances, moi qui croyais en avoir fini avec mes angoisses, Camille a fait voler en éclats toutes mes certitudes. Aujourd'hui, je réalise que c'est elle et elle seule qui m'a guéri : je n'ai plus peur de ma mort. C'est la sienne qui me terrifie. Je ne m'en remettrai jamais ...
Afficher en entier- Une femme dotée d'un courage et d'une détermination exceptionnels, répète-t-il, mais cette obstination, Dieu que je l'admire et la hais.
Afficher en entierCe sont les trois jours que j’ai passés chez mes parents pour les fêtes de fin d’année qui ont déclenché la première crise alimentaire m’envoyant tout droit à l’hôpital. Parce que ma mère me trouvait anormalement maigre, elle avait veillé à cuisiner des plats gras et sucrés à souhait. Je savais que si je ne mangeais pas, j’irais au-devant de remontrances, critiques et discussions moralisatrices que je voulais éviter à tout prix. Mes parents n’avaient pas leur pareil pour mettre en œuvre toutes leurs notions de pédagogie dans le but de me faire plier. J’allais sur mes vingt-cinq ans, j’étais indépendante socialement et financièrement, mais je n’étais pas suffisamment bien dans mes baskets pour ne pas être affectée par le harcèlement psychologique. Ils n’avaient pas conscience d’en faire preuve, et pourtant…
J’ai donc mangé sans rechigner, même quand on m’a resservie, encaissant avec brio les réflexions de mes oncles et de mes tantes sur mon poids. « Camille, mange ! Tu es maigre comme un coucou ! Tu n’as que la peau sur les os, on dirait un squelette ! Tu étais bien plus jolie avant ! »
Afficher en entierJe me souviens être restée un long moment à la dévisager, à suivre ses moindres faits et gestes, jusqu’à ce que ma mère me fasse remarquer que ce n’étaient pas des façons. Mais cet instant devait rester gravé dans ma mémoire à jamais. J’allais avoir seize ans, et j’avais enfin compris qu’il était temps de me prendre en main, qu’inverser la vapeur ne dépendait que de moi, car alourdi par la mésestime de soi, l’humain ralentit. Les doutes le font stagner. La peur, reculer. Je devais avancer au risque de pourrir de l’intérieur. Mon futur en dépendait. Sans même le savoir, cette femme à l’insatiable appétit venait de changer le cours de mon destin. J’ai pris une décision, celle de devenir quelqu’un d’autre, une jeune femme dont j’aimerais le reflet, l’allure et l’existence. Quelqu’un comme tout le monde.
J’avais une solution toute faite. Arrêter la natation. Manger. Dévorer.
Dans un an, j’aurais un corps de rêve.
Trois ans plus tard, en juillet 2006, on se retrouve dans le même restaurant, à la même table, j’ai un bac fraîchement en poche et vingt-cinq kilos en plus. 1,65 m, 65 kg.
Afficher en entier- Une femme dotée d'un courage et d'une détermination exceptionnels, répète-t-il, mais cette obstination, Dieu que je l'admire et la hais.
Afficher en entier- Vous êtes mon seul ami. La personne en qui j'ai le plus confiance. Je suis devenue plus proche de vous en quelques semaines que je ne l'ai jamais été de quiconque.
Il se presse l'arrête du nez.
- Je ne sais pas quoi dire. Ca demande réflexion.
Je baisse la tête sur mon assiette vide, le coeur gros.
- J'ai gâché la soirée.
- Ne dites pas ça. Vous m'avez pris au dépourvu, mais vous n'avez rien gâché du tout.
Il me soulève le menton, et quand je le regarde, je me sens si démunie.
Spoiler(cliquez pour révéler)- N'avez-vous rien à dire à mon sujet, Dr Peeters ?
Il retira sa main et s'accoude à la table sans me quitter des yeux.
- Au contraire, Camille, j'aurai énormément de choses à dire à votre sujet que la morale de votre famille réprouverait.
Afficher en entier« sachez que je vous ai aimé, et que depuis vous, la nuit est devenue jour. » Camille
Afficher en entierÊtre libre de mourir comme on le souhaite, c’est aussi être libre de vivre comme on l’entend.
Afficher en entierRien ne contribuait à mon épanouissement personnel. Je n'avais aucune envie de me défendre, je leur donnais raison. Ça ma rendue agressive, amère, antipathique et infréquentable. J'étais malheureuse comme une pierre, mais je ne laissais aucune chance à personne, on ne pouvait pas m'approcher. Puis le déclic a eu lieu.
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