Extraits

— Non, mais t’avais quinze ans, Jake, reniflé-je en retirant mes lunettes de soleil pour les balancer sur la table entre nous. Tes couilles n’étaient encore que des noyaux de cerises et tu éjaculais très certainement encore les restes du liquide amniotique de ta mère.

— Alors ? On est bons pour ça, les mecs ?

Je claque des doigts devant Kay et Hanno pour récupérer l’attention de mon pote, en espérant qu’il daigne, en prime, ôter ses mains de sous la chemise de son mec et arrêter de lui lécher l’oreille.

— Je rappelle à toutes fins utiles que je n’ai pas baisé depuis des siècles, parce que mon régulier est à présent marié et que le prince qui me fait bander est justement un prince, OK ? Alors, allez vous branler ailleurs, espèce de dégénérés. Quel manque de tenue, je suis choqué, j’ose le dire !

Le chanteur des Sublim Vomit esquisse un rictus sardonique et dresse son majeur dans ma direction

— Un contrat ? Un contrat de quelle sorte, exactement ? demandé-je en plein duel de regards avec lui.

— Très certainement du même acabit que le tien. J’en ai longuement discuté avec mon agent, et il est d’accord. Le projet est ébauché, il ne reste plus qu’à le porter par écrit.

— Votre… Ton… agent. L’affaire prend donc des proportions… plus larges que prévu.

— Pas vraiment, puisque je suis mon propre agent. Bref, c’était une parabole pour expliquer que j’étais en phase avec moi-même à ce sujet.

[...]

Je crois que tenter de comprendre Axel White est une opération risquée. J’en veux pour preuve ce contrat qu’il a décidé d’opposer au mien…

[...]

Le prince de Verdens Ende face au roi du métal… J’aurais dû me douter que l’affaire ne serait pas simple.

Puis… je tente de trouver un moyen de grimper jusqu’au balcon de l’étage, discrètement, et… juste de grimper, déjà, ce serait pas mal. Le néoclassicisme, c’est pas dégueu, mais niveau prise pour escalader les murs, c’est un peu mal pensé, selon moi. Trop… lisse.

— Vous avez besoin d’un coup de main ?

La voix féminine qui m’interpelle manque de me coller une attaque. Je me retiens en urgence à un sapin taillé en cône pour pivoter vers… Lara Croft.

Forcément.

Elle se dirige vers moi d’une démarche détendue, fringuée d’un costume normal, pour une fois. Flingues gros comme ma queue accrochés à sa ceinture, bien en vue.

Ce qui ne m’impressionne pas du tout. Même pas un peu. Je suis aussi bien monté qu’elle, et moi, c’est naturel.

— Vous avez laissé tomber le look bombasse ? lui demandé-je alors qu’elle me rejoint.

— Vous vous lancez dans une carrière d’espion à la petite semaine ?

Je me tourne enfin vers lui, les nerfs à vif aiguisés par cette course-poursuite imprévue. Les sens affutés et hypersensibles dans ce monde au parfum de roses semblant hors du temps. Le désir au garde-à-vous, parce que je ne supporte plus cette étrange relation que nous lions lui et moi.

Et encore une fois, alors qu’il repousse une mèche brune de son front, que ses lèvres entrouvertes tentent de trouver son oxygène après cette course, je ressens cette attirance presque palpable qui me pousse vers lui.

— Ma Majesté… soufflé-je en me rapprochant de lui. Je vais me montrer très clair avec toi. Je vais t’embrasser dans moins de trente secondes. Si tu ne le souhaites pas, c’est maintenant qu’il faut le dire. Après, il faudra me frapper pour me décrocher de toi.

Plus nous approchons et plus la voix de Jared me remet dans le bain. Ce type possède un don pour répondre à la guitare de son mec, c’est impressionnant.

Je me suis souvent demandé s’il ne s’était pas fait greffer des cordes de gratte dans la gorge. Et si, par extension, son mec ne lui réglait pas les potards en lui baisant la bouche savamment avant chaque concert.

Pour la seconde partie, je pense que le postulat est exact. Ces mecs baisent non-stop, c’est presque de notoriété publique.

Bon, OK, je l’avoue, j’ai parfois des idées bizarres à propos de mes potes. Mais, pour ma décharge, il faut dire que Jared et Corey sont des putains de bêtes de scène trop sensuelles quand ils jouent ensemble.

— ... Mais en fait, de quoi parlons-nous, exactement. Tu veux te marier ?

— Hein ? Non, mais ça va pas ? Jamais ! Never ! No Way ! La bite à Dudulle, Jake. On n’enferme pas Axel White avec une bague.

— Même si elle comporte quelques diamants ?

— Euh… bon, éventuellement. Mais il faudrait qu’il y en ait tant qu’ils me cloueraient l’annulaire au sol…

Je nous vois déjà en pleine chevauchée fantastique, lui en armure étincelante et moi hennissant entre ses cuisses, ou monté comme une jument en pleine saillie.

Épique ! Bordel, le côté royal m’inspire comme jamais. Ça en devient presque émouvant.

Je me perds dans ses iris charbon, le laissant me guider à travers ses royaux secrets, ses fantasmes souverains.

— Sur cette terre au soleil trop présent, l’or noir d’un regard deviendra ma nuit. La royale caresse de l’obscurité comme seule confidente, unique remède à mon âme défaillante.

Bon, OK, quand je m’envole vers un mec, je deviens un peu mièvre, mais j’aime magnifier les moments.

Ses lèvres s’étirent imperceptiblement pour esquisser un rictus entendu…

- ...Et je ne suis pas amoureux. Mon cœur s’est simplement incliné, tel un prince qui reconnaît sa défaite, face à la vérité nue. La suprématie divine et royale d’un mec qui en un seul regard a su transformer ma queue en obélisque glorieusement massif et vertigineusement haut.

— Amoureux, et en plus bourré. Je sens le concert bien parti…

L’attente qu’il m’a imposée depuis une heure a eu raison de moi et de ma volonté première de le faire mariner. À présent, j’aurais bien envie de me branler cordialement des convenances et de lui rouler une pelle tellement décapante qu’elle nous conduirait tout droit au royal coït dans un coin de ce palais un peu chichitant.