Ajouter un extrait
Liste des extraits
Le livre de poche, p. 157
« [J]e n'ai rien fait pour mériter cela.
Rien transgressé, rien outrepassé, rien tué. C'est la montagne. Encore une fois, le manque de chance. Le hasard. Bien sûr, je me demande, pourquoi moi ? Et pourquoi nous. Qu'il n'y ait pas de réponse, cela me sidère. Alors la porte est ouverte à tous les excès et toutes les injustices. »
Afficher en entierLe livre de poche, p. 89
« C'est idiot mais à un moment, les yeux levés vers la montagne blanche, je me suis dit que j'allais mourir ici. Là, en une heure ou deux, je me suis écroulée, anéantissant vingt-cinq ans de joie de vivre, de projets et de force. Tellement bête que cela m'a fait sourire, et j'ai murmuré pour moi-même : “Patate”. Je me suis aussi rappelé qu'en venant, j'étais certain que mon avion s'écraserait — et cela n'est pas arrivé, et je sortirai de la montagne. Incroyable, les idées que donne la trouille. On ne vaut pas grand-chose face à la nature, ses déchaînements incompréhensibles, et notre réflexe stupide de chercher une explication. »
Afficher en entierLe livre de poche, p. 19
« La clope, j'aime ça. Question d'habitude sans doute — j'ai commencé à quatorze ans. C'est une compagnie, une manie, mon doudou à moi, comme d'autres vont croquer un carré de chocolat ou se ronger les ongles [...]. »
Afficher en entierLe livre de poche, p. 17
« Tuer est un art qui se maîtrise, une communion avec la nature, l'animal et les dieux. Pas un acte barbare, non : un présent pour consacrer un mariage, un anniversaire, un baptême, un départ. Une requête. Une prière. Avec la conscience que rien ne nous est dû, mais que, derrière l'offrande, nous attendons un retour. Pauvre équilibre dont nous sommes toujours les dupes. Du sang pour un peu de bonheur. »
Afficher en entier« La chaleur qui monte doucement me semble inespérée. Je tends mes mains vers elle, les pose sur les joues bleutées d’Elias. Sa bouche glacée. Incapable d’articuler son nom. Alors comme a dit
Vigan, je reprends : Comment tu t’appelles ? À son regard je vois bien qu’il m’entend mais ses muscles ne répondent pas, et je continue, le feu, mes mains, le pousser près, plus près. Dès que l’eau tiède permet de faire un premier mauvais thé, Vigan passe les gobelets pour Etienne, Lucas et Elias.
Sous le choc. Mon pauvre ange. En portant la tasse à ses lèvres, les larmes me viennent soudain. Et s’il mourait. S’il tombait là, et que mon avenir soit une vie sans lui. »
Afficher en entierÇa gratte toujours à mon oreille. Je voudrais protester, qu’on me laisse tranquille. Une petite plainte. Presque inaudible. Ça gratte plus fort. Je reprends mon souffle pour crier — pas de souffle. Respiration bloquée, et d’un coup je m’affole, j’appelle. Silence. De l’air. De l’air ! Je fais de grands gestes mais mes bras sont coincés. Une prison. Impossible de bouger même une main. Mes yeux s’ouvrent d’épouvante. Le noir. Le froid. Une fraction de seconde, je pense à ces gens qui se font prendre sous les lacs glacés, et qui ne retrouvent pas le trou qu’ils ont fait pour sortir. Et je comprends. Je suis sous la neige.
Une onde de terreur. Sous la neige et vivante. Par pitié.
J’ouvre la bouche pour hurler. Rien.
Engloutie sous l’avalanche. Quelques secondes, quelques dizaines de secondes à vivre.
Afficher en entierPeut-être simplement parce qu'il est fou, et que cela le toque à cet instant précis. Je sais que sur mon visage rien ne transparaît de l'adrénaline qui me secoue, et pourtant : j'ai senti mon coeur s'emballer.
Afficher en entierNous sommes rentrés à la fin du semestre sans diplôme, mais ensemble.
Afficher en entierTandis que nous rampons vers le foyer et que nous nous frictionnons les uns les autres, il met la casserole pleine de neige sur le feu, borde les braises avec des pierres. Nous pourrions presque être dans les tentes, et que les flammes nous lèchent les pieds. La chaleur qui monte doucement me semble inespérée. Je tends mes mains vers elle, les pose sur les joues bleutées d’Elias. Sa bouche glacée. Incapable d’articuler son nom. Alors comme a dit
Vigan, je reprends : Comment tu t’appelles ? À son regard je vois bien qu’il m’entend mais ses muscles ne répondent pas, et je continue, le feu, mes mains, le pousser près, plus près. Dès que l’eau tiède permet de faire un premier mauvais thé, Vigan passe les gobelets pour Etienne, Lucas et Elias.
Sous le choc. Mon pauvre ange. En portant la tasse à ses lèvres, les larmes me viennent soudain. Et s’il mourait. S’il tombait là, et que mon avenir soit une vie sans lui. Terrifiante perspective, et je me mets à trembler, le visage défait
Afficher en entierNous traînons Arielle en nous épuisant. Nous avançons deux fois, dix fois moins vite que nous le pourrions même dans le blizzard, achevant nos chances de survie l’une après l’autre. Arielle la chanteuse, la joyeuse insouciante, abattue par les plaies, les fractures et le chagrin. Arielle aux cheveux rouges, victime d’une montagne qui ignore les sentiments, blessée au cœur, sans retour. Oui, Arielle.
Cette conne qui va tous nous faire crever.
Afficher en entier