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- Si seulement je pouvais comprendre, a-t-elle dit.
- Ne t'en fais pas. Personne ne comprend personne, pas tout à fait. On est tous coincés à l'intérieur de nous-mêmes.
- Tu te détestes, c'est ça? Tu détestes être toi?
- Il n'y a pas de moi à détester. Quand je me livre à une introspection, je ne vois pas de moi - juste des pensées, des comportements et des situations. Qui, pour la plupart, ne m’appartiennent pas(du moins, c'est l'impression que j'ai). Ce ne sont pas des choses auxquelles j'aimerais penser ou qu'il me plairait de faire, ou je ne sais quoi. Et quand je cherche mon vrai moi, je ne le trouve jamais. Tu sais, c'est comme les poupées russes, celles qui sont creuses, quand tu en ouvres une, il y en a une plus petite à l'intérieur et ainsi de suite jusqu'à ce que tu tombes sur la dernière, minuscule, qui elle est pleine. Mais en ce qui me concerne, je ne pense pas en avoir une pleine. Mes poupées sont juste de plus en plus petites. (p291)
Afficher en entierJe tremblais un peu en appuyant sur l'icône de la vidéo. Son visage est apparu, gris à la lumière fantomatique de son téléphone. J'ai posé un doigt sur ma bouche et j'ai chuchoté : "Chut!" On s'est regardés en silence, nos visages et nos corps à peine perceptibles à la faible lueur de nos écrans, dans une intimité que je serais incapable de partager dans la vraie vie.
En le regardant me regarder, je me suis rendu compte que ce qui le rendait visible à mes yeux était le fruit d'un cycle : nos écrans nous éclairaient l'un et l'autre grâce à la lumière provenant de nos chambres respectives. Je ne le voyais que parce qu'il me voyait. La peur et le plaisir que je ressentais à ce que nous soyons l'un en face de l'autre baignant dans un halo argenté grumeleux me donnaient l'impression que je n'étais pas vraiment dans mon lit et lui dans le sien. Nous étions dans un espace où les sens n'avaient pas lieu d'être, comme si chacun pénétrait la conscience de l'autre, une proximité que la vraie vie, avec ses vrais corps, ne pourrait jamais égaler.
Après qu'on a raccroché, il m'a envoyé un texto.
J'aime ce que nous sommes. Vraiment.
Et, d'une certaine manière, je l'ai cru. (p229)
Afficher en entier- Ce que je veux dire, c'est que, comme je ne contrôle pas mes pensées, elles ne m'appartiennent pas vraiment. Et comme ce n’est pas moi qui décide si je transpire, si j'ai un cancer, la CD ou je ne sais quoi d'autre, mon corps ne m'appartient pas vraiment. Je ne décide rien de tout ça - ce sont des forces extérieures qui s'en chargent. Je suis une histoire qu'elles racontent. je suis des situations.
[...]
- C'est juste que... je ne suis pas certaine d'être réelle, au sens strict du terme. (p200)
Afficher en entier- Toi aussi, tu t'inquiètes.
- Sans doute. C'est vrai que je me fais du souci pour toi.
- Je n'ai rien contre les gens inquiets. S'inquiéter est la bonne façon de voir le monde. La vie est inquiétante. (p71)
Afficher en entierLe truc, c'est que, quand on perd quelqu'un, on se rend compte qu'on finira par perdre tout le monde. (p105)
Afficher en entierJ'ai l'impression de ne pas être derrière le volant du bus de ma conscience.
Afficher en entierNous sommes des êtres qui nous appuyons tellement sur le langage que, dans une certaine mesure, nous ne connaissons pas ce que nous ne pouvons pas nommer. Et nous en concluons que ce n'est pas réel. Nous nous réfugions dans des termes fourre-tout, comme "fou" ou "douleur chronique", des mots qui ostracisent et minimisent en même temps. "Douleur chronique" ne suffit pas à décrire la souffrance épuisante, constante, incessante, à laquelle on ne peut échapper. Et le terme "fou" nous parvient dénué de la terreur et l'angoisse avec lesquelles vous vivez. De plus, ces deux termes n'évoquent ni l'un ni l'autre le courage que peuvent développer les personnes qui sont dans un tel état de souffrance. C'est la raison pour laquelle j'aimerais vous encourager à désigner votre condition mentale par un autre mot que "folle".
- D'accord.
- Pouvez-vous le dire? Que vous êtes courageuse?
J'ai fait une grimace.
- Ne me forcez pas à faire ces trucs de thérapie.
- Ces trucs de thérapie fonctionnent.
- Je suis une valeureuse guerrière, en plein cœur de sa bataille intérieure de Valhalla, ai-je dit, impassible.
(pp 114-115)
Afficher en entierD'un autre côté, j'avais une vie, une vie quasi normale qui suivait son cours. Pendant des heures, voire des jours ,les pensées me laissaient tranquille et j'étais capable de me rappeler l'avertissement de maman, une fois : "Ton maintenant n'est pas ton toujours." J'allais en cours, j'avais de bonnes notes, je rédigeais mes devoirs, je parlais à ma mère après le déjeuner, je dînais, je regardais la télé, je lisais. Je n'étais pas toujours coincée à l'intérieur de moi-même ou à l'intérieur de mes différents moi. Je n'étais pas que folle. (p119)
Afficher en entier- Ta mère fait gaffe, tu sais? La plupart des adultes sont vides à l'intérieur. Tu les regardes s'efforcer de se remplir avec de l'alcool, de l'argent, Dieu, la célébrité ou tout autre objet d'adoration, et ça les pourrit de l'intérieur jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien à part l'argent, l'alcool ou Dieu pour les sauver. Mon père ressemble à ça - en fait, il a disparu depuis bien longtemps, ce qui explique sans doute pourquoi je ne me prends pas trop la tête. J'aimerais qu'il soit là, bien sûr, mais c'est une envie que je ressens depuis longtemps. Les adultes sont persuadés qu'ils tiennent les gens par le pouvoir alors qu'en fait, c'est le pouvoir qui les tient.
- Le parasite est convaincu d'être le porteur, ai-je dit.
- Oui, c'est ça. (p177)
Afficher en entier-Tu connais le passage de Yeats, dans La Seconde Venue, où il dit : "Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires se gonflent de l'ardeur des passions mauvaises"?
-Oui, on l'a lu en anglais.
- En fait, pour moi, le pire est de ne plus croire en rien. Parce qu'on se laisse porter. On n'est plus qu'une bulle sur la marée de l'empire. (p176)
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