Tout est fraternel en toi

"Lorsque Sarah et Olivier traversèrent le tunnel côte à côte, ils virent Willy et Hakim chacun d’un côté du chemin. Comme deux gardiens, ils se postaient là comme pour en interdire l’accès. Willy réprimait difficilement sa déception en constatant qu’Olivier avait dominé sa haine. Comme une bête fauve, il fulminait intérieurement de voir en son ami une telle ignominie. Il avait grandi auprès d’Olivier dans les mêmes rues et dans les mêmes quartiers. Ils avaient ensemble été des chenapans et de mauvais garçons faisant les 400 coups au mépris des parents et de l’école. Il ne comprenait pas ce qu’il considérait comme de la tiédeur. Il souffrait de constater que son ami n’était plus son alter ego. Il se prenait même à s’avouer qu’il ne l’avait jamais été, lui qui était bon élève, quand Willy se trouvait bloqué en fin de classement depuis toujours. Willy était comme un fauve blessé à l’entrée de ce tunnel. Il ne pouvait passer outre son amertume et se dévoilait l’envie qui était devenue l’essence même de son caractère laissé en friches par des parents inconséquents, par des nuits passés dehors, par la nécessité dans laquelle il était affectivement de compter sur des copains. Il avait poussé comme l’aubépine, rose dévoyée à jamais gâtée par la nature. Sa bouche se crispa en un rictus hautain mais il n’était alors que déchirure car Olivier avait été la seule mémoire de son enfance. Et ce miroir rassurant se brisait en mille éclats : autant de morceaux, autant de facettes de la personnalité d’Olivier qu’il avait ignorées jusqu’à aujourd’hui, autant de blessures qui fracturaient son cœur déjà endurci. La confusion de Willy fut de croire que cette colère qui l’animait était en lui la preuve de sa maturité. Il crut être rendu à l’âge de raison et débordé par sa force, il était devenu loup."