Extraits

Il connaissait mal Sébastien, ne l’avait vu que quelques fois à la boutique et, généralement, il avait lâchement fui dans le labo pour ne pas subir son flot de paroles. Sébastien était une de ces personnes bien trop extraverties pour lui. Il avait des difficultés à le cerner et la preuve était qu’il n’avait pas la moindre idée de ce que le jeune homme allait lui révéler.

— Je dois avouer que je te suis incroyablement reconnaissant d’avoir accepté d’héberger Nat. Je voulais bien le garder avec moi, mais c’est vrai que c’est un peu petit dans mon F1. Ça le stressait tellement cette histoire de recherche d’appartement à cette saison. Il ne parlait que de ça : comment il allait s’organiser, comment il allait visiter des logements, comment il allait finir dans un truc miteux, exploité par un propriétaire qui lui louerait une merde sans nom parce qu’il n’avait pas de caution et pas le temps de trouver mieux, etc. Je ne parviens toujours pas à croire que cet idiot ait pu penser que je le laisserais faire. Bref… Je ne savais plus comment le rassurer. Comme si se faire cocufier n’était pas suffisamment traumatisant. J’ai eu l’impression qu’il revivait, hier, quand il est rentré. Il était surexcité, à tel point qu’il m’a bien fallu dix minutes pour comprendre ce qui se passait. J’ai pensé qu’Éric s’était fait castrer, ça m’aurait rendu heureux.

Sa main qui bougeait jusque-là pour souligner chacune de ses paroles s’arrêta.

— Tout ça, s’exclama Sébastien alors que son index cognait sur le plexus solaire de David, c’est grâce à toi !

Il ponctua chacun de ses derniers mots d’un petit coup comme pour bien enfoncer le clou. Puis, il attendit une réaction, parce qu’il releva le visage, repoussa d’un mouvement de tête une de ses mèches blondes et le fixa.

— Euh… oui, eh bien, si ça peut l’aider. Cette chambre ne me sert à rien, alors…

— Oui, mais c’est quand même super de ta part et ça devrait aussi éviter que cette souillure d’Éric essaye de le récupérer.

Sébastien semblait lui en vouloir bien plus que Nathan. Mais David n’était pas là pour juger.

— C’est bien. Après, il verra, hein ?

Sébastien passa son bras sur les épaules de David et il se demanda si ce serait vraiment malpoli de se défaire de cette étreinte.

— Tu sais, Nathan est une crème. Tu ne voudras plus qu’il reparte et, entre nous, je te comprendrais !

— Oh, euh… Eh ben, heureusement, je n’ai pas l’habitude de séquestrer des gens contre leur gré, hein ! essaya de plaisanter David.

— Qui te dit que ce serait contre son gré ?

Ils rirent et, chacun chargé de sa pile de cartons, s’avancèrent vers l’immeuble de Nathan où un groupe faisait le pied de grue.

- Hé, vous venez pour le déménagement ? demanda l’un d’eux.

- Non, on aime promener des cartons, répondit Nicolas.

Puis, devant les mines qui leur firent face, il ajouta :

- Désolé, jeune papa, fatigue, plus de filtre, tout ça, tout ça. Mais oui, c’est ça.

- C’est cool, mec. Je suis Danny, là, c’est Momo, Djibril, Popo et Zaz.

- On se connaît déjà, dit ce dernier en s’avançant vers David.

Et effectivement, il se souvenait l’avoir croisé plusieurs fois à la boutique.

- En effet. Ravi de te revoir.

Ils se serrèrent la main.

- David, se présenta-t-il aux autres, et Nicolas, un ami.

- Ah, super, vous êtes là !

- On t’attendait, Séraph.

- Eh bien, me voilà !

- Tu sais si Éric sera présent ? demanda David.

- Aucune idée. Nathan ne m’a rien dit à ce sujet.

Un petit souffle méprisant annonça l’arrivée de Sébastien, juste avant qu’il ne réponde à la question de David :

- J’espère bien que ce titanesque anus ne nous fera pas cet affront !

Vêtu d’un grand manteau en moumoute blanche, ses cheveux blond platine au carré parfaitement lissés, il provoqua des réactions plus ou moins discrètes de surprise.

- Sérieusement, si je le croise, je teste ma bombe anti-agression sur sa sale tronche.

« Le bear, le twink, la gothique et… comment pouvait-il décrire Séraphine ? L’amazone des temps modernes ? Hum. Il faudrait qu’il trouve. En tout cas, ils allaient faire une sacrée équipe. »

« — Bon… Bonjour, Na… than.

Qu’est-ce que Nathan foutait avec un costume de lutin sur le dos perché en haut d’un escabeau ? Il était tombé dans une autre dimension, un truc du genre ?

— Tu… Qu’est-ce que tu…

— Je cherchais ça !

Nathan lui montra des emballages qu’ils avaient utilisés deux ans plus tôt.

— Tu peux me les attraper, s’il te plaît ? continua Nathan en lui tendant un petit carton que David saisit comme un automate.

Pourquoi les voulait-il ? Excellente question. Il allait la poser quand Nathan se retourna, se mit sur la pointe des pieds et David eut toutes les peines du monde à se concentrer sur autre chose que les fesses qui étaient de nouveau à quelques centimètres de son visage. Cela lui donnait des idées parfaitement déplacées.

— Ah, David !

L’exclamation de Séraphine le fit reculer et il lui adressa un regard coupable. »

- Je retourne chez moi, il nous manque de la bombe argentée pour le décor et j’en ai une à la maison. Enfin, si ça ne te dérange pas.

- Non, mais tu es sûr ? Ça peut peut-être attendre demain ?

Nathan lui adressa un grand sourire.

- Dis quelque chose, David, ou Nathan va nous faire une syncope.

David releva le nez du croquis ; Nathan avait les yeux rivés sur lui, ses jolies lèvres serrées, les mains de nouveau nouées l’une autour de l’autre, attendant la sentence. Merde !

- Je sais, mais je sais aussi que je t’énerve quand je rate des trucs.

- Mais non. Enfin, oui, mais tu me connais, je suis un peu trop bourru.

Nathan lui offrit un grand sourire, ses deux petites fossettes se faisant plus prononcées.

- Passionné, pas bourru, le contredit-il.