Extraits

p 344 Si tu savais à quel point... Je me suis empêchée de t'aimer, toi. J'ai peut-être eu raison, finalement, de me retenir de t'aimer. J'ai déjà tellement mal.

Je m'allongeai à côté de lui en remontant les couvertures sur son corps. J'abandonnai ma tête sur son épaule. Il réussit à me serrer contre lui. On échangea un long regard, il n'y avait plus besoin de mots entre nous. Il me fit son sourire boudeur, un dernier effort pour embrasser mes lèvres. Son visage se dirigea vers la fenêtre, une pression de son bras autour de moi. Ensuite, il fut happé par la mer.

Pacôme avait été un voyage, un voyage bouleversant, passionnant et passionné, qui m'avait nourrie, qui m'avait fait grandir, mais qui était arrivé à son terme. On rentre toujours d'un voyage.

Ca faisait mal d'aimer. Peu importe qui on aime. On perd toujours ceux qu'on aime. On finit par perdre ses parents, le plus tard possible tant qu'à faire. Mais j'avais tendance à croire que, même à plus de soixante-dix ans, perdre ses parents était violent et douloureux. Je n'oublierais jamais le chagrin de mon père devant le cercueil de ma grand-mère. On ne fait pas des enfants pour les garder près de soi, on doit les laisser partir pour qu'ils vivent leur vie. Alors, même si le plus beau des bonheurs, c'est qu'ils existent, on a mal de les aimer. Aimer d'amour. Aimer un homme. Aimer une femme. Un jour, on perd cet être aimé, désiré, avec une séparation, avec la mort. Et ça fait mal, ça fait toujours mal, ça arrache un bout de soi.

Que représentait une année face à la paix intérieure, face au fait de savoir qui on était, face à la certitude d'être en phase avec soi-même?

Est-ce que cela se passait de cette façon pour chaque mère? Est-ce qu'un beau matin, on se réveille, on voit son enfant et on réalise qu'à partir de maintenant, c'est d'égal à égal, d'adulte à adulte? On réalise qu'on a perdu son bébé, même si au fond de notre coeur, il le reste jusqu'à la fin de nos jours, simplement on n'a plus le droit de le lui dire, de lui en faire la démonstration sous peine de le vexer, sous peine qu'il revendique plus fort son indépendance.

Ils s'aimaient si fort, ils n'avaient pas besoin de se parler pour se comprendre, ils étaient beaux, ils ne faisaient qu'un. Ils étaient faits pour être ensemble.

Il y a des moments où tout s'arrête, où l'on voit sa vie défiler en l'espace d'un quart de seconde. C'est effrayant, c'est déstabilisant, surtout qu'on ne peut pas lutter contre. Il y aurait un avant, un après.

-Considère qu'avec tes mensonges, ce nous, comme tu dis, n'a jamais commencé. Tu es rayé de la carte. Ton seul mérite aura été de me faire comprendre de toujours rester maître de ma vie.

Le temps était exécrable en arrivant à Saint-Malo, il pleuvait des larmes, le vent soufflait le chagrin et la souffrance, et je sentais mon coeur se disloquer un peu plus.