Extraits

Ça ne me dérange pas d'être l'homme le plus intelligent du monde. Je souhaiterais seulement que ce ne soit pas de ce monde-là.

Journal de Rorschach, 12 octobre 1985.

Ce matin, chien crevé dans la ruelle, trace de pneus sur le ventre. La cité me redoute. Je connais son visage.

Les rues sont une extension des égouts, les égouts charrient du sang. Un jour, ils déborderont et noieront toute la vermine.

L'écume de toute cette crasse de sexe et de crimes les engloutira jusqu'à la taille. Putains et politicards en appelleront alors au ciel... "Sauvez-nous !"

Je les toiserai d'en haut ... Et dirais non.

- Je me souviens qu'Adrian m'a dit que les égyptiens considéraient la mort comme un voyage...

- Hurm. Idée plaisante si l'on peu s'offrir la première classe avec les pharaons...

... Mais à en juger d'après nos départs, la plupart d'entre nous voyage dans la soute.

Assis sur le lit. J’ai regardé la tache de rorschach. Essayé de prétendre qu’elle a l’air d’un arbre déployé au dessus de son ombre. Je n’ai pas pu. Elle ressemblait plutôt à un chat mort que j’ai vu un jour. Plein d’asticots gras et grouillants qui se montaient dessus en fuyant frénétiquement la lumière. Mais même ça, c’est dénier la véritable horreur. Voici l’horreur : à la fin, c’est simplement l’image d’une noirceur vide et dénuée de sens.

Vivre sa vie faute d’avoir mieux a faire. Inventer la raison plus tard. Né dans l’oubli : engendrant des enfants promis à l’enfer comme nous ; retour à l’oubli. Il n’y a rien d’autre. L’existence est un hasard. Aucun sens. Sauf ce qu’on imagine à la contempler trop longtemps. Aucune signification, sauf ce que nous y mettons. Ce monde sans gouvernail n’est pas formé par des vagues forces métaphysiques. Ce n’est pas dieu qui tue les enfants. Ni la malchance qui les massacre, ni le destin qui les fait dévorer par les chiens. C’est nous. Rien que nous.

- Tu sais ce que je voudrais ? Je voudrais que toute la vermine de la Terre n'ait qu'une seule gorge et que je la serre entre mes mains.

- Du matériel lourd pour serrer des putes et des pickpockets, ça sert à quoi sérieusement ?

"Sèche tes yeux. Tu es la vie, plus rare qu'un quark, plus imprévisible que les rêves d'Heisenberg... l'argile dans laquelle les forces qui modèlent l'univers laissent leur empreinte la plus nette. Sèche tes yeux. Rentrons chez nous."

"Nous sommes tous des pantins. Moi, je vois mes ficelles, c'est tout."

"Toutes ces histoires, l'horreur, la folie, ça l'attire. C'est son élément. C'est là-dedans qu'il vit, dans la nuit sordide et violente, dans son ombre."