Extraits

Alors même que les mots franchissaient mes lèvres, je sus qu’il avait fait bien plus que ça. J’ai déjà été roulée... y compris par Jean-Claude, lors de notre première rencontre. Mais les pouvoirs surnaturels capables d’embrumer l’esprit des humains sont légion ; beaucoup de vampires en possèdent un. Les plus jeunes doivent capter votre regard pour l’exercer ; les plus vieux n’ont besoin que de se concentrer un peu sur vous. Je suis immunisée contre la plupart d’entre eux, en partie par mes capacités naturelles de nécromancienne, en partie grâce aux marques de Jean-Claude. Mais je ne suis pas immunisée contre Asher.

La croix continuait à briller, et les vampires à se protéger les yeux. Alors même qu’ils se cachaient de la lumière blanche, j’avais toujours envie d’eux... mais, désormais, je me demandais quelle partie de ce désir venait de moi, et quelle partie provenait des manipulations mentales d’Asher. Et merde.

Dolph nous rejoignit dans la cuisine pendant que j’aidais Jason à mettre ses gants chirurgicaux. C’est tout un art de les enfiler correctement, et il ne l’avait encore jamais fait, de sorte qu’il était comme un petit garçon face à sa première paire de gants en laine : trop de trous, pas assez de doigts.

Dolph entra par la porte de la salle à manger, comme nous une minute auparavant ; à ceci près qu’il remplissait presque l’encadrement, alors que Jason et moi étions passés ensemble sans que nos épaules se touchent. Dolph est bâti comme un lutteur professionnel, et il mesure deux mètres. Je m’y suis habituée, depuis le temps mais, en le voyant, Jason eut la même réaction que la plupart des gens. Il dut lever les yeux, encore et encore. Mais il se garda de toute remarque, ce qui était un petit miracle venant de lui.

Je voulais sentir sa bouche sur la mienne, sa peau satinée sous mes doigts. Micah me fait cet effet depuis que je le connais. J'ai toujours l'impression qu'il est un morceau manquant de moi, que je dois me serrer le plus fort possible contre lui, comme si nos corps pouvaient fusionner.

" Et je découvre qu'il faut prendre le temps de faire les choses importantes. Il faut se battre pour sculpter de petits bouts de bonheur dans sa vie, sans quoi, les urgences du quotidien dévorent tout." p. 656

" - J'aimais ma mère de tout mon coeur et de toute mon âme; elle était mon univers. Quand elle est morte, ça m'a presque détruite. (Je repensai à tout ce que Jason venait de dire, et je ne pouvais ni prétendre le contraire, ni faire comme s'il se trompait du tout au tout.) Je ne veux plus jamais remettre ma vie entre les mains d'une seule personne, Jason. Si elle meurt, je ne veux pas en crever aussi.

- Donc, tu préfères priver chacun de tes partenaires d'un petit bout de toi.

- Non. Je préfère garder un petit bout de moi pour moi. Personne ne peut tout avoir de moi, Jason. Personne, sauf moi." p.274

Et je lui adressai un sourire qui ne monta pas jusqu’à mes yeux parce que mon regard était rivé sur la poitrine de Musette. J’ignorais la forme spectrale qui l’enveloppait, me concentrais sur la robe blanche souillée de sang. Et plus je me concentrais, plus l’image se dédoublait. Je voyais Musette avec mes yeux et la silhouette de Belle avec mon esprit. Du coup, je me demandai dans quelle mesure les autres voyaient Belle, si je ne la percevais pas mieux à cause de ma nécromancie. Je pourrais toujours poser la question plus tard. Beaucoup plus tard.

Je reculai, m’équilibrai autant que possible sur mes talons hauts et levai le flingue de Bobby Lee. Je visai la tête, et je l’atteignis. Le crâne du vampire de droite explosa dans une giclée de sang et de cervelle. L’écho de la détonation parut résonner pendant une éternité, et je n’entendis pas le cri que poussa le second guerrier en me chargeant. Sa tête explosa comme celle de son copain. Toute votre maîtrise du combat au corps à corps ne vous servira à rien si votre ennemi ne vous laisse pas approcher suffisamment.

Musette resta plantée là, trop choquée pour bouger, me sembla-t-il. Ses cheveux blonds et son visage n’étaient plus qu’un masque écarlate au milieu duquel clignaient ses yeux bleus. Sa robe blanche était à moitié repeinte en rouge.

Chimère était l’ancien chef de leur pard et de plusieurs autres groupes de lycanthropes : une sorte de parrain du milieu métamorphe. Après sa mort, nous nous sommes partagé ses gens. La plupart d’entre eux s’en sont réjouis, parce que Chimère était un sadique, un psychopathe et un salopard de première. Mais quelques-uns, qui aimaient l’aider à concrétiser ses fantasmes pervers, semblent le regretter. Comme Chimère est l’une des créatures les plus effrayantes que j’aie rencontrées, parmi une liste qui compte des aspirants à la divinité et des vampires vieux de plusieurs millénaires, je ne fais pas confiance aux nostalgiques de son règne. Or, Caleb en fait partie.

Je fus tirée de mon sommeil par la sonnerie du téléphone. Je me pelotonnai sous les draps et tentai de me rendormir. Dieu que j’étais fatiguée... Le matelas remua sous moi comme si quelqu’un tâtonnait en quête de l’appareil. Mais je ne me réveillai complètement qu’en entendant Jason dire « allô » à voix basse, sans doute parce qu’il voulait justement éviter de me réveiller. Que fichait-il dans ma chambre ?

La réponse à cette question m’apparut dès que j’ouvris les yeux. Je n’étais pas dans ma chambre. En fait, je ne savais pas où diable j’étais. Bien que king-size, le lit devait se contenter d’une profusion d’oreillers, sans baldaquin ni quoi que ce soit d’autre... très moderne, très normal. La seule lumière provenait d’une petite porte située face à son pied. Par l’entrebâillement, j’aperçus une baignoire ou un bac de douche. Les murs de pierre nue m’apprirent que je me trouvais toujours quelque part à l’intérieur du Cirque des Damnés.

Musette se tenait près de la cheminée de brique blanche. C’était sûrement elle, parce qu’il n’y avait pas d’autre mini-Barbie blonde dans la pièce... pour reprendre l’expression de Jason, qui a beaucoup de défauts mais qui ne manque pas de sens de la formule quand il s’agit de décrire une femme.

Et de fait, elle était petite : environ huit centimètres de moins que moi, à vue de nez, ce qui signifiait qu’elle atteignait tout juste le mètre cinquante. Et si elle portait des talons hauts sous sa longue robe blanche, elle était encore plus minuscule que ça.

Ses cheveux tombaient sur ses épaules en vagues blondes, mais ses sourcils étaient noirs et parfaitement arqués. Ou bien elle se teignait, ou elle était une de ces rares blondes dont la couleur des poils ne correspond pas à celle des cheveux. Ce qui arrive, mais pas souvent. Dans son visage très pâle brillaient des yeux bleus comme un ciel printanier, d’une teinte à peine plus vive que ceux de Jason, mais que ses sourcils et ses cils noirs accentuaient.