Luvan

Receuil de nouvelles des plus intriguants, tantôt fantastique tantôt science-fiction. Le thème "les réfugiés" est ancré dans l'actualité. Il donne à réfléchir sur ce qu'il se passe et sur ce qu'il se passera lorsque l'environnement ne sera plus le même.

Certaines nouvelles semblent liées entre elles de manière inattendue.

Bien que de qualité inégale au gré des nouvelles (le dernier texte me laisse perplexe même après plusieurs lectures), c'est une lecture très intéressante.

Les auteurs des nouvelles de science-fiction présentes dans ce recueil n'ont pas une vision joyeuse du monde du travail dans le futur, c'est le moins qu'on puisse dire : travailler jusqu'à la mort, multiplier les jobs pour réussir à s'en sortir avec l'ubérisation poussée à son paroxysme, vente de son corps, nouvelles technologies au service de l'exploitation des hommes et des femmes où l'intimité même disparaît, la quête de l'argent remplace l'art, tout le monde est lui-même évalué. Certaines nouvelles m'ont fait penser à des thèmes d'épisodes de la série d'anticipation Black Mirror.

Comme dans toute anthologie, la qualité des oeuvres est variable, ou en tout cas certains thèmes m'ont moins plu. Le principe même de la nouvelle empêche de s'attacher à certains personnages avec la rapidité et l'effet de chute.

Et puis... il y a la nouvelle d'Alain Damasio, à la fois cruelle et poétique, virtuose et touchante, avec une belle femme créatrice et vivante. L'important, ce n'est pas le travail au sens du trepalium romain, l'instrument de torture, mais l'art et l'amour.

J'ai beaucoup apprécié ce recueil, que ce soit pour les histoires, les concepts ou les styles que nous proposent les différents auteurs. A travers un contenu divertissant et accessible, ces nouvelles permettent de prendre conscience des dérives de certaines pratiques du monde du travail.

Ce recueil m'a vraiment interpellée à sa sortie, et pour cause: pointant au chômage, tandis que je galérais à obtenir formations et stages pour faire aboutir ma reconversion professionnelle, j'étais plus qu'intriguée de savoir ce que les auteurs de SF imaginaient de beaux pour le futur alors que je galérais au présent.

Le moins qu'on puisse dire après avoir pris connaissance de toutes les nouvelles, c'est que la vision des auteurs français est sacrément sombre. Les lendemains heureux, c'est vraiment pas pour tout de suite et certainement pas pour demain. Il semblerait même que pour eux l'expression "se tuer au travail" soit à prendre au pied de la lettre. Pas très joyeux pour qui recherche une petite lueur d'espoir ! Donc oui, il ne vaut mieux pas être un chômeur ou un travailleur mal dans sa situation quand on lit ce livre...

Passé ce sentiment général de lendemains noirs et déprimants qui donnent envie de se liquider tout de suite pour couper court, on ne peut que constater l'inégalité des nouvelles. Probablement parce que certaines plumes sont diamétralement opposées. Entre celles qui jouent sur le flou des mots, celles qui submergent de vocabulaire technique inventé, celles qui se raccrochent à notre réalité ou celles qui réinventent le monde, il y en a à peu près pour tous les goûts et toutes les sensibilités.

Personnellement, je me suis plus laissée toucher par celles qui faisaient preuve d'un brin d'optimisme et de poésie. Malheureusement, ce sont celles qui étaient en toute petite minorité. C'est ainsi que la nouvelle d'Alain Damasio est vraiment ressortie du lot et m'a plus que convaincue qu'il était grand temps que je m'attaque à un de ses romans. Pour les autres, ma progression dans le recueil a été très laborieuse. Trop de pessimisme, de noirceur, de glauque même. Trop de langage technique aussi. Vraiment pas ce dont j'avais envie et pas totalement ce à quoi je m'attendais en ouvrant ce livre qui, de fait, présente un sérieux déséquilibre.

Je n'ai jamais mis autant de temps à lire un recueil de nouvelles ! Il faut dire que mon état de fatigue n'a pas aidé: enceinte jusqu'au yeux sur la fin, je butais sur pratiquement tous les mots et ne parvenais à progresser de façon conséquente que quand le sujet et l'approche piquaient réellement mon intérêt, sans quoi je m'endormais au bout de peu de pages, et ce, malgré la brièveté de pas mal de nouvelles.

Au final, je garde une impression plutôt mitigée. Mais j'ai quand même eu le plaisir de noter les noms de quelques auteurs pour les découvrir sur des oeuvres plus longues et plus abouties.

J'ai bien apprécié ce recueil de nouvelles qui m'a été permis de lire gratuitement grâce aux opération du confinement. Un bon moment à passer

Il faut être plutôt aventureux pour décider de lire ce livre, car l'absence totale de renseignement sur son contenu sur la couverture - pas même une illustration qui pourrait nous aiguiller - n'est franchement pas très vendeur. Je n'y serais clairement pas allée sans les bons conseils d'un libraire. Mais ça vaut le coup de se lancer car, même s'il est parfois inégal, c'est un recueil de nouvelles de qualité, qui a le double mérite d'être engagé et original.

Il se décompose en trois parties. La première "pendant" me semble décrire la situation du monde actuel, elle est terre à terre et réaliste, même si on ce permet de petites touches fantastiques. La seconde "après" nous plonge dans un futur proche, en tirant parfois vers la dystopie. Enfin, la dernière, "plus tard", propose des nouvelles purement SF.

Je ne connaissais pas cette petite maison d'édition, Dystopia, mais je tiens a signaler leur bon travail d'édition, à un prix très accessible. Avec leurs jolies illustrations, l'originale couverture à rabat, la mise en page variée et l'épais papier, ils font clairement beaucoup mieux que "Le livre de poche" par exemple, pour un tarif et un format équivalent.

=> Pendant

* Mahrem

C'est une entrée en la matière qui a le mérite d'interpeller ! Ce qui nous marque tout d'abord, c'est l'originalité décor, on est en Afrique - on ne sait pas exactement où dans un premier temps - et on suit une archéologue et ses ouvriers dans un chantier de fouilles. C'est déjà pas courant comme thèmes. Mais l'intrigue avance, et ce qui nous marque ensuite, c'est qu'on se trouve en fait en Erythrée, un des pays les plus pauvres du monde, un État totalitaire, avec ses horribles souvenirs de guerre. Les mines notamment.

Ça donne le ton pour la suite. On comprend dès cette première nouvelle on va lire un texte puissant et engagé, qui dans tous les cas, bon ou mauvais, sera original et marquant dans sa vie de lecteur. Et rien que pour ça, on peut dès maintenant remercier l'auteur.

Le format relativement long de cette nouvelle permet une vraie progression dans l'intrigue. Si j'ai trouvé le début de la nouvelle très accrocheur, je regrette cependant sa fin un peu précipitée et abrupte. On bascule sans trop prévenir dans une ambiance fantastique, qui ne colle pas trop au sujet très sérieux et terre à terre, je trouve.

* Le rugeux, le lisse

Cette nouvelle est plus courte que la première - donc forcément moins fouillée - mais toujours aussi engagée. On est cette fois en Grèce, qui voit arriver sur ses plages des vagues de réfugiés Syriens ; avec la dose de violence et de morts que ça implique. Le basculement dans le fantastique, avec le personnage de Lamia (rien que son nom avait de quoi interpeller), est beaucoup plus naturel dans l'histoire que dans la nouvelle précédente. Cette chute m'a beaucoup plu.

* L'ombre

Une des nouvelles les plus glaçantes du recueil à mon sens. Les descriptions de l'aride désert d'Arizona, que tente de traverser des migrants d'Amérique Latine, sont extrêmement fortes. La fin m'a surprise, je ne m'attendais clairement pas à ça.

* Bruit noir

Mon premier flop du recueil ! Je n'ai pas accroché ni au style d'écriture (trop d'onomatopées, trop de paragraphes courts au rythme trop saccadé), ni aux personnages qu'on ne développe pas suffisamment pour les rendre attachants, ni à l'intrigue elle même, que je n'ai pas vraiment comprise. Trop lunaire, trop détaché du réel pour moi, d'autant plus au vu du ton des premiers textes.

* The gig

J'étais plutôt septique au début de ma lecture. Je ne comprenais pas trop où on voulait m'amener, puisque le sujet de l'histoire reste assez flou au départ, et on n'arrête pas de changer de personnage principal. Mais la chute réussi miraculeusement à tout rattraper et à donner du sens à l'ensemble. Une très belle réussite finalement !

=> Après

* Turnovers

Une nouvelle en demi-teinte pour moi. Certes, il est agréable de suivre cette rock star italienne sur le retour, et on développe des idées intéressantes. Mais je trouve qu'on s'est un peu noyée dans les trop nombreux thèmes. On a voulu trop en faire, à mon sens. On manque finalement de traiter à 100% ne serait-ce qu'un seul des thèmes.

* Origin story

On renoue ici avec les nouvelles plus puissantes émotionnellement. Si on manque peut-être un peu de contexte, nous obligeant à nous faire notre propre histoire, cette situation d'enfermement reste très saisissante. La narration à la première personne apporte de l'empathie et une dimension supplémentaire à l'histoire.

* Compromissons

La construction de cette nouvelle est très originale, et même ambiguë. Deux lectures ne sont pas de trop pour comprendre toutes les subtilités et cette pourtant très touchante histoire de rencontre sous fond de guerre irlandaise. Je crois que c'est ma nouvelle préférée du recueil.

* Delta Blues

J'ai été séduite par le décors ambiance sud des États-Unis / Bayou, qui a énormément de charme et se prête aisément au message écologiste qu'on entend faire passer. En revanche, l'intrigue n'est vraiment pas accrocheuse... Elle m'est complètement passé au-dessus même.

* Nul n'est prophète

J'ai trouvé la construction de cette nouvelle efficace. Il est très intéressant de plonger comme cela dans la folie de la narratrice, même si ça reste quelque chose de relativement peu original et d'un peu tiré par les cheveux au niveau de l'intrigue.

* Rien

J'ai adoré le début de cette nouvelle aux accents militaires. J'ai vraiment de suite pris plaisir à suivre le personnage de Klein et les souvenirs brumeux du colonel. Mais il est vrai que la fin me laisse un peu dubitative, malheureusement.

* L'ombillic

J'ai retrouvé dans cette nouvelle le même problème d'équilibre que j'ai trouvé dans Turnovers, et un peu dans Delta Blues également. On en fait trop à mon goût. La multitude de thème rend l'ensemble peu percutant. L'information finale sur les Jeux Olympiques de 2004 et les chiens était hyper intéressante, car c'est un fait très peu connu (même en faisant une recherche Google, il est difficile de trouver des articles à ce sujet !). Mais cette info se perd dans tout le reste. Etait-il bien nécessaire, par exemple, de reparler d"immigration, alors qu'on en avait déjà parlé (bien mieux) dans d'autres nouvelles ?

* Pierre-Feuille-Ciseaux

Encore une nouvelle aux accents antimilitaristes. On y parle plus précisément de l'usage des drones, ce qui la rend très actuelle, et lui apporte une vraie singularité, car je ne pense pas avoir déjà lu une oeuvre de fiction à ce sujet.

=> Plus tard

* Extraction

J'ai beaucoup aimé l'ambiance SF décalée, presque humoristique, ce qui est plutôt rare - du moins rarement bien fait. Ce n'est pas du tout lourdingue. La construction de la nouvelle est efficace et permet l’émergence rapide de plusieurs héros. Après, je trouve quand même que l'univers aurait mérité des développements plus conséquents. Il est difficile d'en comprendre tous les aspects, qui semblent même superflus par moment (pourquoi toutes ces références à l'Australie ? ça n'apporte rien au texte).

* Digression

Encore une nouvelle futuriste placée sous le signe d'un humour absurde. Là encore, c'est bien réussi. L'ensemble est plus aboutis, mais un peu moins ambitieux, que la précédente. La construction sous forme de dialogue est très rythmée et accrocheuse. J'ai réellement lu cette nouvelle avec plaisir.

* Fritzi Von Bodelschwing

Cette dernière nouvelle du recueil est l'une de mes préférées. Je l'ai trouvé simplement envoûtante avec son côté philosophique. La construction antéchronologique est très percutante et mystérieuse. De la vraie belle SF comme on en voit trop peu.

Une très belle anthologie, qui m'a fait découvrir de nombreux horizons très variés. Certaines nouvelles ont été un gros coup de coeur, d'autres une belle ballade, certaines encore je ne les ai pas comprises... Mais j'apprécie beaucoup cette initiative, qui m'a permis de retrouver ces plumes françaises que j'appréciais déjà et de découvrir celles que je n'avais pas encore eu l'occasion de rencontrer.

En plus, grâce à la librairie "le Nuage Vert", que j'apprécie énormément, j'ai pu avoir plusieurs dédicaces sur mon exemplaire, car une rencontre avec les autaires avait été organisée <3