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2017
Pointe sud du Cap d’Antibes. Le 13 mai.
Manon Agostini gara sa voiture de service au bout du chemin de la Garoupe. La policière municipale claqua la porte de la vieille Kangoo en pestant intérieurement contre l’enchaînement de circonstances qui l’avait conduite ici.
Vers 21 heures, le gardien d’une des plus luxueuses demeures du Cap avait téléphoné au commissariat d’Antibes pour signaler un pétard ou un coup de feu – en tout cas un bruit étrange – qui aurait été tiré sur le sentier rocheux jouxtant le parc de la propriété. Le commissariat n’avait pas fait grand cas de l’appel et l’avait redirigé vers les bureaux de la police municipale, qui n’avait rien trouvé de mieux que de la contacter elle, alors qu’elle n’était plus en service.
Lorsque son supérieur l’avait appelée pour lui demander d’aller jeter un œil sur le sentier côtier, Manon était déjà en tenue de soirée, prête à sortir. Elle aurait voulu lui répondre d’aller se faire voir, mais elle n’avait pas pu lui refuser ce service. Le matin même, le bonhomme avait accepté qu’elle conserve la Kangoo après ses heures de boulot. La voiture personnelle de Manon venait de rendre l’âme et, en ce samedi soir, elle avait absolument besoin d’un véhicule pour aller à un rendez-vous qui lui tenait à cœur.
Le lycée Saint-Exupéry, où elle avait été élève, fêtait ses cinquante ans et, à cette occasion, une soirée rassemblerait les anciens élèves de sa classe. Manon espérait secrètement y revoir un garçon qui l’avait marquée autrefois. Un garçon différent des autres, qu’elle avait bêtement ignoré à l’époque, lui préférant des types plus âgés qui s’étaient tous révélés de sombres crétins. Cet espoir n’avait rien de rationnel – elle n’était même pas certaine qu’il serait présent à la soirée, et il avait sans doute oublié jusqu’à son existence –, mais elle avait besoin de croire qu’il allait enfin se passer quelque chose dans sa vie. Manucure, coiffure, shopping : Manon s’était préparée tout l’après-midi. Elle avait claqué trois cents euros dans une robe droite en dentelle bleu nuit et en jersey de soie, avait emprunté un collier de perles à sa sœur et des escarpins à sa meilleure amie – une paire de Stuart Weitzman en daim qui lui faisait mal aux pieds.
Juchée sur ses talons, Manon alluma la torche de son téléphone et s’engagea sur le chemin étroit qui, sur plus de deux kilomètres, longeait la côte jusqu’à la Villa Eilenroc. Elle connaissait bien cet endroit. Lorsqu’elle était enfant, son père l’emmenait pêcher dans les petites criques. Autrefois, les gens du coin appelaient cette zone le chemin des douaniers ou des contrebandiers. Plus tard, le lieu était apparu dans les guides touristiques sous le nom pittoresque de « sentier de Tire-Poil ». Aujourd’hui, il répondait au nom plus plat, aseptisé, de sentier du littoral.
Au bout d’une cinquantaine de mètres, Manon buta sur une barrière assortie d’une mise en garde : « Zone dangereuse – accès interdit ». Il y avait eu une forte tempête en milieu de semaine. Des coups de mer violents avaient provoqué des éboulements qui rendaient la promenade impraticable sur certains secteurs.
Manon hésita un instant et décida d’enjamber la barrière.
Afficher en entier2017
Pointe sud du Cap d’Antibes. Le 13 mai.
Manon Agostini gara sa voiture de service au bout du chemin de la Garoupe. La policière municipale claqua la porte de la vieille Kangoo en pestant intérieurement contre l’enchaînement de circonstances qui l’avait conduite ici.
Vers 21 heures, le gardien d’une des plus luxueuses demeures du Cap avait téléphoné au commissariat d’Antibes pour signaler un pétard ou un coup de feu – en tout cas un bruit étrange – qui aurait été tiré sur le sentier rocheux jouxtant le parc de la propriété. Le commissariat n’avait pas fait grand cas de l’appel et l’avait redirigé vers les bureaux de la police municipale, qui n’avait rien trouvé de mieux que de la contacter elle, alors qu’elle n’était plus en service.
Lorsque son supérieur l’avait appelée pour lui demander d’aller jeter un œil sur le sentier côtier, Manon était déjà en tenue de soirée, prête à sortir. Elle aurait voulu lui répondre d’aller se faire voir, mais elle n’avait pas pu lui refuser ce service. Le matin même, le bonhomme avait accepté qu’elle conserve la Kangoo après ses heures de boulot. La voiture personnelle de Manon venait de rendre l’âme et, en ce samedi soir, elle avait absolument besoin d’un véhicule pour aller à un rendez-vous qui lui tenait à cœur.
Le lycée Saint-Exupéry, où elle avait été élève, fêtait ses cinquante ans et, à cette occasion, une soirée rassemblerait les anciens élèves de sa classe. Manon espérait secrètement y revoir un garçon qui l’avait marquée autrefois. Un garçon différent des autres, qu’elle avait bêtement ignoré à l’époque, lui préférant des types plus âgés qui s’étaient tous révélés de sombres crétins. Cet espoir n’avait rien de rationnel – elle n’était même pas certaine qu’il serait présent à la soirée, et il avait sans doute oublié jusqu’à son existence –, mais elle avait besoin de croire qu’il allait enfin se passer quelque chose dans sa vie. Manucure, coiffure, shopping : Manon s’était préparée tout l’après-midi. Elle avait claqué trois cents euros dans une robe droite en dentelle bleu nuit et en jersey de soie, avait emprunté un collier de perles à sa sœur et des escarpins à sa meilleure amie – une paire de Stuart Weitzman en daim qui lui faisait mal aux pieds.
Juchée sur ses talons, Manon alluma la torche de son téléphone et s’engagea sur le chemin étroit qui, sur plus de deux kilomètres, longeait la côte jusqu’à la Villa Eilenroc. Elle connaissait bien cet endroit. Lorsqu’elle était enfant, son père l’emmenait pêcher dans les petites criques. Autrefois, les gens du coin appelaient cette zone le chemin des douaniers ou des contrebandiers. Plus tard, le lieu était apparu dans les guides touristiques sous le nom pittoresque de « sentier de Tire-Poil ». Aujourd’hui, il répondait au nom plus plat, aseptisé, de sentier du littoral.
Au bout d’une cinquantaine de mètres, Manon buta sur une barrière assortie d’une mise en garde : « Zone dangereuse – accès interdit ». Il y avait eu une forte tempête en milieu de semaine. Des coups de mer violents avaient provoqué des éboulements qui rendaient la promenade impraticable sur certains secteurs.
Manon hésita un instant et décida d’enjamber la barrière.
Afficher en entierL'air était devenu irrespirable. J'avais hâte de quitter la pièce, mais Richard ne me laissa pas partir sans une dernière leçon de vie.
- Il serait temps que tu t'endurcisses, Thomas. Et que tu comprennes que l'existence, c'est la guerre. Toi qui aimes les livres, relis Roger Martin du Gard : "L'existence tout entière est un combat. La vie, c'est de la victoire qui dure."
Afficher en entierTa mère me regarde et me fait comprendre que la machine est enclenchée et n'attend que mon signal pour continuer.
- Je te laisse seule deux minutes pour réfléchir, me dit-elle.
- Je n'ai pas besoin de deux minutes pour faire un choix entre l'enfer et la vie.
Je vois à son regard que c'était la réponse qu'elle attendait.
Afficher en entierBien que peu affectueux, mon père était, lui, plutôt tactile et pas avare d'embrassades, même si cette fois c'est moi qui eus envie de reculer d'un pas lorsqu'il lança son étreinte.
- Comment va la vie à New York ? Pas trop dur avec Trump ? demanda-t-il en se lavant soigneusement les mains sous l'eau du robinet.
Afficher en entier" Quelque part donc, Vinca vivait."
Afficher en entierElle me dit que la véritable gageure était de savoir mentir dans la durée. Et que, pour bien mentir aux autres, il fallait d’abord se mentir à soi-même.
Afficher en entierJ’ai déjà vu quantité de cons essayer de se faire passer pour plus futés, mais c’est la première fois que je vois un homme intelligent vouloir passer pour un con.
Afficher en entierIl avait pris du poids et perdu ses cheveux, elle avait perdu sa blondeur et pris des rides. Mais avec le temps leur couple semblait mieux assorti. C’était l’effet normalisateur de la vieillesse : elle fanait les beautés trop éclatantes et donnait parfois de la patine et du lustre à des physiques plus banals
Afficher en entierMais, comme la plupart des gens qui vivent leur premier amour, je pensais que jamais plus je n’éprouverais un sentiment si profond pour quelqu’un. Et sur ce point, l’avenir devait malheureusement me donner raison.
Mon autre circonstance atténuante était de croire que je connaissais l’amour parce que j’avais lu des romans. Or seuls les coups dans la gueule vous apprennent réellement la vie. En ce mois de décembre 1992, j’avais quitté depuis longtemps les rives du simple sentiment amoureux pour dériver vers le territoire de la passion. Et la passion n’a rien à voir avec l’amour.
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