Commentaire de Moridiin

Un bouquin qui dormait dans ma PAL depuis que j'avais appris qu'il allait être adapté en série.

J'avais eu plusieurs échos, bons et moins bons, mais pour moi, c'est une réussite.

La narration interne est clairement un plus, on est dans la tête de Defred, on partage ses pensées. ça la rend très humaine. Certains disaient que le fil de l'histoire était quelque peu décousu compte tenu de tous les souvenirs qu'elle partage avec nous ; je ne suis pas d'accord avec ça, je trouve que la narration de l'histoire est très claire entre les moments du présent et les moments du passé, des souvenirs qu'elle se remémore surtout la nuit, quand elle est seule, où elle peut penser à "sa vie d'avant". D'habitude, je n'aime pas les romans non chronologiques, ça me frustre de galérer à comprendre l'ordre et de revenir sur mes pas pour relire un passage sous un autre jour, mais ici, bien que les souvenirs de Defred surgissent "en vrac", on a quand même assez rapidement assez d'éléments pour ne pas être perdus. J'ai d'ailleurs trouvé ça bien de livrer les souvenirs dans le désordre parce qu'ils surgissent au détour d'un élément aperçu ou entendu, comme nos souvenirs le font dans la réalité. J'ai trouvé que cette façon de raconter les choses rendait Defred encore plus proche de nous. Et proche de nous, elle l'est parce qu'elle est tellement effacée qu'elle pourrait être n'importe qui. On n'a pas son nom, pas beaucoup d'éléments de son passé, on ne sait somme toute pas grand chose d'elle, ce qui est un moyen aussi pour l'auteur de nous faire comprendre que non seulement, elle pourrait être n'importe qui, n'importe laquelle d'entre nous, mais en plus elle est interchangeable, elle a vraiment perdu toute son identité, tout ce qui la caractérisait en tant que personne, pour ne devenir que ce que le système a fait d'elle.

J'ai trouvé un peu gros l'évolution du système,. A ceux qui disent que ça peut arriver demain, je reste sceptique ... On n'a pas d'échelle de temps donc c'est un peu dur de juger en combien de temps cette évolution a eu lieu, mais visiblement quelques années, et je trouve dur à croire que les gens puissent être embrigadés à ce point en si peu de temps. (Bien que l'histoire contemporaine européenne tende à montrer que si, c'est possible ... donc bon). Comme toujours, ce renversement de régime vient de la peur, qui est toujours une des raisons les plus faciles pour faire avaler aux gens la restriction des droits et des libertés. En cela, ce roman résonne toujours aussi juste, même plus de trente ans après son écriture.

J'ai donc beaucoup aimé l'histoire et la narration, pourtant je ne me suis pas attachée tant que ça aux personnages, malgré le point de vue interne. J'ai trouvé Defred au final assez passive dans sa propre existence et par moments, ça m'a déçu. (Même si, c'est toujours pareil : c'est facile de juger, mais si ça devait nous arriver, comment réagirions-nous ?). Je l'ai comprise malgré tout, parce que, comme elle le rappelle vers la fin du roman : "je veux continuer à vivre, peu importe comment". Cette volonté de vivre, ça reste une des caractéristiques les plus constantes de cet animal qu'est l'être humain, qui est vraie dans toute sa simplicité et les horreurs qu'elle peut malheureusement engendrer, pour soi ou pour les autres.

C'est une des grandes forces de ce roman, que d'être suffisamment proche de nous dans le futur (tout en étant suffisamment flou sur l'époque précise) pour nous faire douter, pour nous mettre en garde sur cet avenir, sur les conséquences qu'il pourrait avoir sur les hommes et les femmes, qui restent encore tellement humains, tellement proches de nous dans leurs choix et leurs décisions qu'on ne peut s'empêcher de se demander : et nous, qu'est-ce qu'on ferait ?

Vraiment un super bouquin, qui mérite sa place dans les classiques dytopiques à lire impérativement.

Pour ma part, je m'en vais regarder la série, histoire de comparer, et puis je lirai le tome 2, pour connaître la suite. La fin est aussi une réussite ici, suffisamment ouverte pour laisser la place à l'optimisme, mais suffisamment floue pour possiblement clore le tome sur une note moins positive.