Extraits

— Les filles se sont pomponnées, par contre vous... nota-t-il.

En effet, ils n'avaient pas vraiment fait d'efforts vestimentaires et affichaient leurs jeans et tee-shirts habituels. Le fait que les humaines portent des tenues de circonstance représentait déjà une marque de respect vis-à-vis de Markus, inutile d'en rajouter.

— Je rentrerais dans cette boîte même si je portais un caleçon sur ma tête, grogna Luderik.

Ioan ricana.

La paume froide de Luderik se referma sur la sienne, attirant son attention sur lui. Il était encore très pâle, mais son regard semblait plus vif, peu à peu, il reprenait le dessus. Un léger sourire recourba ses lèvres et c'est avec douceur qu'il s'adressa à elle.

– Ma petite guerrière, souffla-t-il.

Ève se décida à quitter la cuisine à cet instant, les bras chargés d'un plateau sur lequel se trouvaient plusieurs tasses et une petite cafetière italienne fumante. Luderik se retint de sourire en la voyant emporter son plateau à l'autre bout de la table pour servir Amel et Cynthia qui venaient de sortir un jeu de cartes.

– Est-ce que ton humaine mal dressée va me servir le café ? murmura Ioan pour le provoquer.

Luderik lui montra les crocs.

Le loup souriait, moqueur, quand Luderik s'installa à son tour sur son siège en bout de table.

– Elle est mal dressée, ta petite, remarqua-t-il.

– Trouve-toi une femelle, on en reparlera après.

Le garou ricana.

Il savait qu’ils ne pourraient pas être ensemble tout le temps. Il était impensable pour lui de laisser Olrik s’en tirer à si bon compte, et dès qu’Ève serait remise des mésaventures de ce soir, il partirait à la recherche de son frère pour le tuer. Il savait aussi que ce n’était qu’une question de jours avant que Markus n’organise une expédition en Europe, pour pallier le problème des loups sauvages. Une guerre se préparait et il n’était pas certain de pouvoir se battre avec Ève à ses côtés.

Mais ce soir, elle lui avait dit qu’elle l’aimait.

Ce soir, elle avait bu son sang et il avait senti le lien vibrer entre eux.

Ce soir, elle était plus que jamais sa Compagne et elle s’endormait tout contre lui.

Ce soir, rien d’autre n’avait d’importance.

Je ne peux plus être celle que j’étais avant de te connaître, une nomade, sans point d’attache, sans espoir, sans but. Tu es mon point d’attache désormais et s’il le faut, je risquerai encore ma vie pour toi, sans hésiter !

« Ève aussi était guidée par cet instinct de survie, mais elle démontrait un tempérament téméraire, presque auto-destructeur. Sa langue acérée pouvait la mettre en danger à tout moment, et malgré tout, elle ne faisait rien pour modérer son caractère nerveux et emporté. Une contradiction à elle toute seule. Comment avait-elle fait pour tromper la mort durant toutes ces années ? Il n’en avait pas la moindre idée… »

Que faisaient-elles ici ? Avaient-elles complètement perdu la tête ? Pourquoi n'étaient-elles pas restées au manoir en sécurité ? Voulaient-elles se faire tuer ?

– Ça vous écorcherait la bouche de juste dire merci ? lança-t-elle d'un ton rageur en suivant du regard la chaîne qui maintenait la cage de Luderik en l'air.

Celle-ci passait à travers un anneau fixé au plafond, puis rejoignait une petite niche creusée dans le mur au fond de la cave.

– Vous ne deviez sortir sous aucun prétexte ! insista Luderik.

– J'ai désobéi. Tu devrais avoir l'habitude à force, et ne plus paraître aussi surpris à chaque fois.

Le vampire siffla et secoua les barreaux. Ève leva les yeux vers lui. Il semblait à la fois furibond et inquiet.

– Va-t'en tout de suite avant de te faire tuer !

D'un signe de tête, il l'invita à s'avancer jusqu'à lui avant de prendre sa main dans la sienne pour l'attirer sur ses genoux.

Voilà où était sa place : dans le fauteuil de Dracula, avec lui.

Pierre les attendait sur les marches menant à la porte du manoir. Lorsque Rolf immobilisa le van dans la rue, il se précipita, l'air à la fois inquiet et furieux, et ouvrit la portière arrière si violemment qu'Éve eut peur qu'il ne l'arrache.

– Ne me refais plus jamais ça, grogna-t-il à l'intention de Luderik.

Ce dernier haussa un sourcil, sans répondre.

– Je suis ton fils !

– Justement, je dois te protéger.

– Conneries ! beugla le vampire.