Les médias pensent comme moi!

"Bonjour, comment allez-vous ? bien j'espère"

L'animatrice qui lance cette phrase, en un seul souffle, n'attend pas de réponse. Et pour cause, elle parle à la radio. On demeure fasciné par la générosité d'un tel espoir, adressé à des milliers d'auditeurs. Pour qui, pour quoi émet-elle son souhait ? Pour vous et moi, par désir de contact ? Pour elle-même, et se croire en contact ? Pour nous faire croire au contact!

Il est vrai que dans le rituel quotidien, cette question n'est guère une interrogation sur la santé ou les affaires d'autrui, mais bien plutôt un rapide salut refusant d'entendre le malheur, l'incident, ou le malaise qui viendrait troubler notre impatience. J'espère bien que vous allez bien, et surtout, n'entrez pas dans les détails ! On pose la question trop souvent, pour qu'il n'y ait pas de réponse. Mais la réponse peut venir tout de même, puisqu'il s'agit de conversation.

Or, ici, la parole anonyme qui traverse la voix de notre animatrice, spontanément, "personnellement", au début de son émission quotidienne, prend une toute autre dimension. Elle sait trop que la réponse est impossible ; c'est le "média" qui impose sa situation de discours unilatéral et institutionnel. Il s'agit de prédisposer l'auditeur, l'auditrice à l'évasion. On va lui conter de belles histoires. Tout souci, toute préoccupation personnels seraient mal venus. On doit être provisoirement et collectivement heureux pour ne pas troubler la fête de l'émission. Il faut donc faire le vide en soi. Gare à ceux qui ne vont pas bien ! Qu'ils se débranchent ! Le soliloque individuel, sans cesse insatisfait, doit céder la place au monologue médiatique, toujours autosatisfait.