Extraits

-Tu ne pourrais pas mourir ? Siffla dans mon oreille quelqu'un que j''identifiai au bout d'un moment comme étant Christy. Je sais que c'était toi. Je le sais. Et maintenant, je ne ressemble plus à rien.

Quelque chose coula sur ma joue et laissa sur mes sèvres un goût de sel.

-Maman, intervint Jesse d'un ton effaré et... amusé.

-Elle est méchante et rancunière, reprit Christy. Tout le monde pense qu'elle pète des arcs-en-ciel, et regarde ce quelle m'a fait. Je suis bleue !

Elle miaula ce dernier mot.

Christy s'était servi de la boueille de shampoing qu'elle avait laissé dans ma salle de bains. J'espérais que la teinture n'avait pas taché le carrelage, mais si c'était le cas, ça en valait la peine. Il y eut quelques bruits, puis je sentis le souffle chaud de Jesse contre mon oreille.

-Elle est partie se chercher un café, Mercy. Je l'aime, mais... c'était une riche idée, la teinture.

Elle gloussa, puis poursuivit :

-Tu es vraiment étonnante. Je n'arrive pas à croire que l'aie eue alors que tu étais... (Elle se racla la gorge.) Alors que tu étais à l'hôpital.

Elle pouffa de nouveau.

-Je lui ai dit de laisser tomber, que je pourrais moi aussi me faire une couleur bleue, et que, comme ça, nous serions sœurs. Même Auriele à ri en voyant sa tête, quoiqu'elle se soit tournée pour le cacher à maman.

Suivit un long silence paisible, puis Jesse reprit :

-Je voudrais tant qu'elle soit heureuse. Mais je ne peux pas la rendre heureuse. Tout se que je peux faire, c'est l'aimer. (Elle tapota l'oreiller à côté de ma tête.) Il faudrait quand même que tu te réveille bientôt. Papa a besoin de toi. Et moi aussi.

-Si je comprends bien, résuma-t-elle prudemment, Juan Flores est un dieu des volcans nommé Guayota qui pense que votre ex-femme Christy est... Quoi ? Une sorte de réincarnation de la déesse du soleil qu'il a capturée et violée il y a des milliers d'années ?

-Je sais, lâchai-je en avalant goulûment. Moi aussi, j'ai eu ce moment de doute. Mais pour moi, c'était quand il m'a jeté un doigt qui a fait fondre le toit de la Passat sur laquelle je m'étais perchée.

Elle contempla quelques instants en silence la brûlure sur ma joue. Peut-être n'aurais-je pas dû mentionner ce doigt, mais il ne cessait de hanter mes pensées. Personne ne m'avait attaquée avec un doigt jusque-là. Une expérience à ajouter au panthéon de mes pires cauchemars.

Il existe certaines choses que les gens honnêtes et honorables ne font pas à ceux qu'ils aiment: ils ne les demandent pas en mariage à la télévision; ils ne ramènent pas à la maison de mignonnes petites bêtes pelucheuses sans consulter au préalable leur partenaire.

À supposer qu’il sache quel genre de véhicule je conduisais, ce qui était sans doute le surestimer. Cela dit, il avait manifestement suivi Christy depuis Eugene, et j’étais persuadée qu’Adam avait évité d’ébruiter la venue de son ex-femme. Flores avait donc découvert qu’elle vivait avec nous et localisé mon garage. De là à savoir quel véhicule je conduisais, il n’y avait qu’un pas.

Quand je m’engageai dans l’allée de Joel, je fus accueillie par un concert d’aboiements à réveiller les morts. Joel avait beau travailler dans les vignes et réparer des voitures durant son temps libre, sa véritable passion, c’étaient les chiens. Sa femme et lui les élevaient, les présentaient à des concours et les dressaient. Je me disais qu’il pourrait peut-être nous aider à déterminer la race de ceux que possédait l’ex-petit ami de Christy. Ce n’était qu’une supposition, mais j’étais prête à tout pour écourter le séjour de Christy dans ma maison. J’avais donc appelé Joel, qui m’avait donné rendez-vous chez lui.

Elle cligna des yeux, puis le récita. À la demande insistante de Warren, elle parvint également à fournir une description plus précise de Juan. Avec douceur, il l’amena à se souvenir de certains détails, relatifs notamment à ses vêtements et à sa façon de s’exprimer, ainsi que du fait qu’il aimait les chiens. Elle révéla qu’il en possédait deux de grande taille, qui se ressemblaient tant qu’ils devaient appartenir à une race déterminée, même si elle ignorait laquelle. Flores avait été impressionné qu’elle n’en ait pas peur. C’était à ce moment-là que leur petite aventure s’était transformée et qu’il était devenu plus possessif. Il avait insisté pour qu’elle reste un jour de plus, proposant de payer les frais supplémentaires.

- Dors. Tout ira mieux demain matin.

Le sommeil me gagnait quand il ajouta à voix basse :

- Et si ça ne va pas mieux, on invitera ta mère pour qu’elle se charge de Guayota et de Beauclaire.

-"Presque-soeur" tu as attrapé un beau morceau.

-C'est moi qui l'ai attrapée, rétorqua doucement Adam. Ca m'a pris des années. Et non merci, je ne suis pas intéressé, et Zack non plus. Si vous ne le laissez pas tranquille, nous ne découvrirons peut-être jamais ce que vous étiez venu dire à ma femme. Ce serait dommage.

-Je ne pose aucun problème à Zack, assura Laughingdog avec l'un de ces sourires faussement amicaux qu'il avait utilisés avec moi. N'est-ce pas, Zack ?

-Un, lâcha Adam avec froideur.

-Tu vas compter jusqu'à trois ? Vraiment ? Tu crois que j'ai quel âge ?

J’avais étudié l’histoire. Aussi, une fois qu’Adam eut donné un petit coup de pouce à ma mémoire, quelques faits disparates me revinrent. Je collectionne en effet les anecdotes historiques. L’Espagne avait conquis les îles situées à proximité de la côte africaine en l’espace d’un siècle, juste à temps pour qu’elles puissent servir de ports d’approvisionnement à Colomb et à la plupart des explorateurs espagnols partis à la découverte du Nouveau Monde.

Terrée au creux de ce paysage austère et inharmonieux, la prison consistait en une collection hostile de bâtiments massifs de forme rectangulaire aux murs de ciment et aux portes d’acier, le tout entouré d’une clôture grillagée surmontée de rouleaux de barbelé à lames de rasoir. L’ensemble était enveloppé d’une atmosphère de désespoir oppressante. Nous laissâmes toutes nos affaires dans le van à l’exception de nos permis de conduire et des clés dont je me servis pour fermer les portières.