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-Je ne pourrai pas avancer tant que tu feras partie de ma vie, repris-je en maudissant le trémolo dans ma voix. Il serait plus simple pour tout le monde que nous...je préfère couper les ponts.J'y ai mûrement réfléchi...
Le prince s’approcha lentement, inquiet de ressentir la profonde souffrance de cet homme. Il écarta les rameaux et observa le visage émacié de celui qu’il cherchait.
— Maximilien ? s’étrangla Fabian.
Des larmes se mirent à rouler sur les joues du frère perdu.
— Mais qu’est-ce qui t’est arrivé ?
Ce fier prince, qui dressait les chevaux avec autant d’adresse que les meilleurs dompteurs d’Enkidiev, n’était plus que l’ombre de lui-même. Avec difficulté, il leva le bras afin de toucher Fabian. Celui-ci le prit aussitôt entre ses doigts, mais ne le serra pas, de crainte de lui faire mal.
— Comment en es-tu arrivé là ?
— Il est peut-être trop faible pour parler, intervint Shvara.
Fabian plaça l’autre main sur la poitrine de son frère.
— Non ! protesta le busard.
Le prince fut projeté vers l’arrière et tomba sur le dos.
— Combien de fois devrai-je te dire qu’en devenant un dieu, tu as perdu la faculté de soigner un mortel ? grommela Shvara en l’aidant à se relever.
— Mais Kira le fait, elle.
— C’est sûrement parce qu’elle a reçu ses pouvoirs autrement qu’au contact d’un autre dieu.
— Ce n’est pas le moment de me faire la leçon, Shvara. Je dois venir en aide à mon frère.
— Soif… murmura Maximilien.
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Il était installé devant la rivière aux eaux claires, alors pourquoi ne se désaltérait-il pas lui-même ? Fabian prit ses mains avec l’intention de le mettre debout.
— Mes jambes sont cassées… l’informa son frère, qui avait du mal à respirer.
— Je vais aller lui chercher à boire, décida Shvara.
Sans penser au choc qu’il causerait à l’Émérien, il se transforma en rapace et s’envola.
— Mais… s’étonna Maximilien.
— C’est une longue histoire que je te raconterai plus tard. Dis-moi plutôt ce qui t’est arrivé, si cela ne te cause pas trop de souffrance.
— Ma vraie famille n’est pas comme je l’avais imaginée…
— C’est à cause d’elle que tu es dans un état pareil ?
— Mon oncle… un homme brutal et cupide… il m’a battu pour avoir mon cheval…
— Pourquoi n’es-tu pas rentré au château ?
— Il aurait fallu que je me traîne sur le ventre…
— Qui te nourrit ?
— Des âmes charitables quand mon oncle s’absente…
— C’est inacceptable. Ne sait-il pas qui tu es ?
— Je n’ai révélé ma véritable identité à personne…
— Depuis combien de temps es-tu là ?
— Bonjour à toi aussi, répliqua-t-il en répétant une réponse qu’elle lui avait faite par le passé.
— Où est ton bébé ?
Au lieu de répondre, il ôta ses vêtements afin de la rejoindre dans l’eau chaude. Swan recula jusqu’à la partie la plus éloignée du grand bain.
— Réponds-moi, exigea-t-elle.
— Il est en bonne compagnie.
— Qui sont ses parents ?
— La grande prêtresse des Tepecoalts et Azcatchi.
— As-tu complètement perdu la raison ? s’exclama Swan, effrayée.
Onyx choisit de demeurer à l’autre extrémité du bassin. Une fois qu’il aurait contenté la curiosité de sa femme, sans doute consentirait-elle à un autre type de rapprochement.
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— En le laissant chez les Itzamans, j’aurais condamné tout le peuple qui a été si bon pour nous.
— Et les Émériens, eux ?
— Ma première idée, c’était de le confier aux Sholiens, mais Mann, qui habite désormais au sanctuaire, est devenu hystérique quand il a su que je venais d’arriver au pied de la falaise.
— N’importe quel homme sain d’esprit aurait réagi comme lui.
— Il prétend que la destruction d’Enkidiev commencera avec l’arrivée d’un bébé étranger.
— Et il a fallu que ce soit toi qui l’y introduises…
— Ce n’est peut-être même pas celui-là. Des bébés, il en naît à toutes les minutes.
— Pourquoi l’as-tu emmené au palais l’autre soir ?
— Il a besoin d’une mère…
— Tu veux en adopter un autre ?
— J’aime les bébés ! se défendit Onyx. Ils sont purs, innocents et reconnaissants.
— Mais ils finissent par grandir et, à ce moment-là, tu les rejettes.
— Puis-je te rappeler que je n’ai pas vu grandir nos fils parce que j’étais très malade ? Quand j’ai fini par guérir, ils étaient devenus des inconnus qui ne reconnaissaient pas mon autorité.
— Ils étaient devenus des hommes capables de prendre leurs propres décisions.
— Moi, je n’ai choisi mon propre destin que lorsque mon père est mort. Jusqu’à son dernier souffle, j’ai respecté sa volonté. Je sais que c’est difficile pour quelqu’un qui a quitté ses parents à l’âge de cinq ans de comprendre comment ça se passe dans une vraie famille.
— Qu’est-ce que tu insinues ?
— Tu es une bonne mère, Swan, mais tu n’as eu aucun modèle sur lequel te fonder. Tu es arrivée au Château d’Émeraude quand tu étais toute petite. J’ai manqué mon coup avec mes aînés, mais je suis encore capable de me reprendre avec les plus jeunes.
— Est-ce que tu parles de Cornéliane, par hasard ?
— Elle est sous la protection des dieux félins.
— Mais elle n’est pas avec sa famille, Onyx.
— Solis a raison sur un point : nous ne sommes pas capables de la protéger, ici.
— Et le fils d’Azcatchi, lui ?
— Il ne manifeste aucun pouvoir magique qui pourrait attirer son père ici, du moins pour l’instant. De toute façon, la pierre sur le balcon n’est-elle pas censée l’éloigner ?
— Il a essayé de la détruire en lançant d’énormes pierres dans la cour. C’est Fabian et Shvara qui l’ont mis en déroute.
— Maintenant que je suis de retour, il n’osera plus revenir.
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— Mais c’est justement toi qu’il cherchait, Onyx !
— Qu’importe. J’ai eu le dessus sur lui la dernière fois que nous nous sommes affrontés.
— Tu t’es battu contre un dieu-rapace ? Es-tu devenu complètement fou ?
— Je n’ai peur de personne… sauf de toi.
— De moi ?
Onyx s’assit dans les marches de façon à avoir de l’eau jusqu’au cou.
— Je sens bien que tu ne m’aimes plus.
— C’est difficile d’aimer quelqu’un qui nous fait continuellement enrager.
— Est-ce ainsi depuis que nous sommes ensemble ?
— C’était moins fréquent au début, mais ces dernières années, tu t’es vraiment montré intraitable.
— Alors, c’est bel et bien fini entre nous ?
— Je n’en sais rien… J’ai besoin de réfléchir.
— J’attendrai ta réponse.
Une fois certain qu’elle n’allait pas se réveiller, il la souleva doucement et se dématérialisa avec elle, pour réapparaître un instant plus tard au milieu du vieux cromlech, dans la forêt derrière la forteresse. Il la déposa doucement sur la table de
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pierre et croisa ses bras sur sa poitrine, puis glissa sous ses mains une petite chemise de nuit ayant appartenu à Nemeroff. La pluie s’abattait sur Swan, qui ne réagissait même pas.
— Tout est parfait, se félicita Onyx.
Il plaça ensuite l’anneau doré sur le front de sa bien-aimée et entra en transe. Ayant appris par coeur l’incantation qu’il avait déchiffrée, il se mit à psalmodier dans la langue céleste, comme s’il l’avait toujours parlée. Ses yeux devinrent lumineux tandis qu’un orage s’apprêtait à frapper la région. Au milieu des éclairs et du tonnerre, le jonc s’éleva doucement dans les airs, à un mètre au-dessus de la femme enceinte, et se mit à tourner sur lui-même, de plus en plus rapidement. Un éclair aveuglant pénétra dans le cercle de pierres et frappa l’anneau, qui s’enflamma. Encouragé, Onyx récita de nouveau les paroles destinées à mettre fin au repos éternel de son fils adoré.
Le bijou devint incandescent, puis décolla à la verticale pour finalement exploser en un millier de petites étincelles multicolores. Onyx se tut. Une forme blanche descendit alors du ciel. Elle ressemblait à une sphère diaphane de laquelle partaient une centaine de longs rubans. L’entité tourna autour des deux humains pendant de longues minutes. L’air devint si froid que le sorcier grelotta, mais rien ne l’arrêterait avant que le sortilège soit complété. Il demeura attentif et immobile jusqu’à ce que l’âme de
Calme-toi et raconte-moi ce qui s’est passé, exigea-t-elle. Malgré son état de détresse, Atlance lui raconta que Katil avait allaité Lucca pour la dernière fois au milieu de la nuit, mais qu’en se levant, au matin, elle n’avait pas trouvé l’enfant dans son lit. Il expliqua qu’il plaçait des barres en bois le soir sur la porte et les volets des fenêtres et qu’aucune d’entre elles n’avait été déplacée. Il est évident que celui qui a pris mon fils possède des pouvoirs magiques, pleura Atlance. Swan pensa à Azcatchi, mais n’osa pas l’accuser avant d’avoir des preuves. Elle promit à son fils de se mettre en route pour Zénor afin de mener une enquête.
Onyx choisit ce moment précis pour apparaître au pied du grand lit, faisant sursauter la pauvre femme.
— As-tu entendu ce qu’Atlance vient de m’annoncer ?
— Aucune communication n’est possible dans un vortex, s’excusa-t-il.
Swan lui relata la conversation qu’elle venait d’avoir avec leur fils. Son mari n’afficha aucune émotion, ce qui la mit aussitôt en colère.
— Tu ne dis rien ?
— Maintenant, il comprendra mieux ce que j’ai vécu quand on nous a enlevé Cornéliane, lâcha-t-il en se dirigeant vers leur salle de bain.
Swan bondit du lit et lui bloqua la route.
— Où étais-tu, cette nuit ?
— J’ai eu besoin de refaire mes forces.
— Et qu’avais-tu fait pour les affaiblir ?
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— Pourquoi me questionnes-tu comme ça ?
— Je sais que tu n’étais pas au palais. Es-tu allé à Zénor ?
— M’accuserais-tu d’avoir pris l’enfant d’Atlance ?
— Avec toutes les sombres pensées qui t’habitent, en ce moment, ce n’est pas impossible.
— Quoi ? Et comment peux-tu prétendre savoir à quoi je pense ? La seule chose qui te préoccupe, c’est de trouver une excuse pour me chasser de mon propre château.
Swan le brûla du regard.
— Ai-je raison ? insista-t-il.
— Plus tu fais des bêtises et plus j’y pense, oui.
— On dirait bien qu’aucun de mes gestes n’est à la hauteur de tes attentes depuis que j’ai recouvré la santé. Est-ce que je suis devenu à ce point un obstacle à la réalisation de tes rêves que tout ce que tu désires, c’est te débarrasser de moi ?
— Je veux juste savoir si tu es allé à Zénor durant la nuit.
Le visage d’Onyx devint si menaçant qu’il effraya Swan, mais au lieu de la frapper, son mari se dématérialisa sous ses yeux. Tremblant de tous ses membres, la reine comprit qu’elle l’avait échappé belle. Ce furent les pleurs de Jaspe qui la ramenèrent à la réalité. Elle se hâta auprès de lui et le cueillit dans ses bras.
— Tu n’as rien à craindre, mon chéri. Calme-toi.
Elle se mit à arpenter la chambre en lui frictionnant le dos.
Elle se retourna et son visage ne fut plus qu’à un centimètre de celui de son compagnon. Même en combat, ils n’avaient jamais été aussi près l’un de l’autre.
— Je veux que tu saches que peu importe ce qui arrivera, mes sentiments envers toi ne changeront jamais.
— Tu me fais peur, Rami.
— En fait, ce que j’essaie de te dire, c’est que j’éprouve un amour naissant pour toi. Je ne te vois pas seulement comme une enfant qu’on m’a demandé de former, mais également comme une magnifique jeune fille avec qui j’aimerais passer le reste de ma vie.
— Mais nous sommes des esclaves…
— Pour le moment. Chez les Madidjins, ceux qui prouvent leur valeur peuvent être affranchis. Je deviendrai un homme libre et je t’emmènerai loin d’ici.
— Après m’avoir arrachée du harem du Prince Fouad ?
— Avant que tu y entres, si les dieux le permettent.
Rami déposa un doux baiser sur les lèvres de Bahia, puis recula de quelques pas.
— Il n’est pas convenable que deux esclaves soient vus ensemble sans leur maître, dit-il. Continue seule. Tu ne risques plus rien, ici.
Le jeune homme tourna les talons et entreprit de rentrer au palais. Bahia demeura immobile pendant quelques minutes, puis toucha ses lèvres du bout des doigts en se demandant pourquoi elle se sentait si vulnérable, tout à coup.
— Ne t’attache pas à lui, l’avertit une voix.
Bahia se retourna vivement et aperçut le visage inquiet de Solis.
— Ce n’est qu’un ami, affirma-t-elle en rougissant.
— Il ne pourra pas te suivre lorsque viendra le temps pour toi de quitter les Madidjins.
— Mais ce n’est pas avant plusieurs années, n’est-ce pas ?
— Cela dépendra de notre efficacité à piéger ton principal ennemi.
— Dans ce cas, puisque je suis coincée ici, la moindre des choses serait de me laisser vivre comme je l’entends jusqu’à ce que vous ayez réussi.
Solis réprima un sourire, car il était secrètement fier qu’elle commence à répliquer.
— Votre séparation n’en sera que plus douloureuse, rétorqua-t-il, mais je t’aurai prévenue.
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Le dieu-jaguar s’évanouit comme un mirage, libérant la voie dans le couloir. Bahia s’empressa de se rendre chez elle avant d’inquiéter inutilement Madiha
— Maman ! Hadrian ! Quelqu’un ! Sauvez-moi !
Elle fut alors plaquée sur le ventre par le jeune homme qui n’avait eu aucune difficulté à la rattraper.
— Par tous les dieux…
Marek était juché sur deux bancs en équilibre précaire l’un par-dessus l’autre et s’étirait pour tenter de s’emparer du pot de miel. Si Kira le rangeait dans un endroit aussi inaccessible, c’était pour éviter que ses enfants en abusent. Son jeune fils le savait pertinemment et comprit qu’il serait puni une fois redescendu sur le sol.
— Marek d’Émeraude… siffla Kira entre ses dents.
Le pot de miel entre les mains, le garçon se retourna vivement, honteux d’être découvert, mais son geste fit céder l’échafaudage sous lui. Kira se précipita pour l’attraper au vol, mais, en plus de recevoir son fils sur les bras, le pot s’écrasa sur son crâne, éclatant en mille morceaux ! La mère tomba assise sur le plancher et lâcha Marek, qui roula plus loin. Elle sentit alors la substance visqueuse couler sur ses tempes et sur son front.
Ce n'est pas que Dieu ait besoin de notre bénédiction, non ; bien sûr que non ; mais. Allez, allez... C'est parce que nous le bénissons que nous lui donnons corps. Ne dit-on pas que si tous les Juifs existant sur terre se mettaient à respecter le Shabbat, ne serait-ce qu'une fois, une seule fois, un seul shabbat, alors arriverait le messie ? C'est bien qu'on fabrique le messie par notre prière; tout comme on fabrique Dieu par nos bénédictions. Et on le fabrique, tu vois, pour qu'il nous fabrique. _ _ On fabrique Dieu en priant tous ensemble et lui, il fabrique ensuite les Juifs un à un... C'est ça, l'histoire ! C'est simple, mon Vieux, c'est tout simple. ›› p.216