Extraits

"Tu es une étoile, Léonor, une géante rouge ; mais moi je suis un trou noir, et les trous noirs dévorent les étoiles qui s'approchent trop près d'eux. Je risque d'engloutir ta lumière dans ma nuit."

— Tu veux dire que même Big Sister, alias Serena, ne nous voit plus ? demande fébrilement Kelly, en désignant les caméras de bord de son doigt ganté.

— Oui. Je suis formelle. On n’est rien qu’entre nous. »

À ces mots, Kelly pousse un rugissement si tonitruant qu’il fait vibrer mon casque comme un tocsin :

« Quelle mégasalope ! Quelle enfoirée cosmique ! Je t’en foutrais, moi, des abeilles gardiennes ; Serena n’est qu’un vieux cafard baveux, comme ceux qui ont clamsé dans le septième habitat, et le jour où la Terre l’apprendra, ce sera comme une gigantesque godasse qui l’écrasera en faisant un bruit bien dégueulasse ! »

Kelly pousse un soupir d’aise en faisant sauter sa ceinture de sécurité.

« Ah ! Ça fait un bien fou ! soupire-t-elle. Rien que pour avoir pu pousser cette petite gueulante hors caméras, ça valait le coup de se planter ! Quand vous voulez, les filles. On devrait se magner, tant qu’il fait encore jour… »

- Femme au volant, mort au tournant!

A présent qu'ils sont tous les deux face à moi, assemblés pour la première fois, l'un dardant sur moi ses yeux noir et l'autre ses yeux gris, je ne peux plus nier l'existence de cette chose - tout au plus puis-je essayer, une dernière fois, par réflexe, d'éluder la question.

"Les couples, les Listes de cœur, toute cette foutue mélodie du bonheur, ça ne signifie plus rien, dis-je d'une voix étranglée. Ça ne veut plus rien dire, maintenant qu'on sait ce qui nous attend véritablement sur Mars."

DOUZE.

Nous sommes douze, rassemblés pour la première fois dans le Parloir, cette bulle de verre qui nous a vus défiler deux par deux au cours des cinq derniers mois : nous, les prétendants du programme Genesis, le plus grand jeu télévisé de l’Histoire – le plus cruel mensonge de tous les temps.

Nous sommes douze assoiffés de gloire, convaincus qu’en nous embarquant pour Mars, nous deviendrions immortels.

Nous sommes douze affamés d’amour, persuadés que tout se terminerait comme dans un conte de fées – ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants, n’est-ce pas ce qu’on lit toujours à la fin des belles histoires ?

Cette histoire de prise d'otage est brillante, et les images sont troublantes mais... Il y a une chose que je ne comprends pas: Pourquoi Gordon aurait-il fait cela?

Serena renverse la tête en poussant le petit rire cristallin dont elle a le secret.

Pourquoi? répète-t-elle comme si c'était la meilleure plaisanterie qu'elle aie jamais entendue. Pourquoi? mais je n'en ai aucune idée, mon brave Arthur, et cela n'a aucune espèce d'importance ! Seuls les romanciers se doivent d'inventer des motivations crédibles pour leurs personnages! Dans la réalité, les journalistes se chargent de faire le boulot. Il suffit de leur donner des faits, réels ou supposés. Ils inventront très bien la suite, je vous assure. Ne leur enlevons pas ce plaisir.