Saga Alford, Tome 1 : Le Déserteur

Thomas se glissa avec précaution dans le sabord du navire, s’agrippant au baril glacé du canon pour regarder vers le bas. Les hautes vagues déferlaient avec force sur la coque en bois inclinée. Il leva ensuite les yeux vers la côte rocheuse et boisée, à peine visible à travers les embruns. À quelle distance était-elle vraiment ? Trop loin pour être rejointe à la nage ? Il hésita. La gorge serrée par la tension, il déglutit avec peine, saisit son sac de toile contenant la vessie étanche, l’attacha autour de sa taille au moyen d’une longue corde et le lança dans les eaux rugissantes. Sans plus attendre, il se donna un élan à travers le sabord et plongea.

Aussitôt submergé par les vagues atlantiques, violentes et glaciales, il entra un instant en état de choc. Il allait refaire surface lorsqu’une deuxième vague le projeta violemment contre la coque et le priva de souffle. De l’air, cria son cerveau. D’un fort battement des jambes, il se projeta vers le haut à travers les eaux écumantes et émergea pour respirer. Il avala du même coup encore plus d’eau salée et fut de nouveau projeté contre la coque. Cette fois, il s’arc-bouta les pieds contre la paroi et se donna une forte poussée pour s’éloigner du navire. Il fit enfin surface. Une vague le souleva et il put enfin prendre une goulée d’air, avalant encore un peu d’eau. Il aperçut brièvement la côte et se mit à nager. L’avait-on entendu sauter ? Il espérait que les trombes d’eau, les vents violents et le craquement des mâts hauts de deux cents pieds avaient couvert le bruit de son plongeon. Pour se rassurer, il se tourna et jeta un regard vers la lanterne du gaillard. Non, elle n’avait pas été soufflée par un veilleur donnant l’alarme.

Thomas Manning s’était échappé.