Extraits

"Un vent glacé me transperce comme un courant d'air dans une pièce vide, et je pressens tous à coup que le futur va être horrible; pas seulement pour moi, mais aussi pour ce monde maudit et maussade."

Dieu. Ai. Pitié. De. Mon. Âme. Boycotteuse.

Tu sais, ce qui est mauvais pour le cœur est bon pour l'art. Ça, c'est le paradoxe terrible de nos vies d'artistes.

J'aimerais que le temps s'arrête pour que je puisse le regarder aussi longtemps que je veux. Il se passe un truc sur son visage, en ce moment même, un truc très lumineux qui essaie de s'échapper - comme un barrage qui retiendrait un mur de lumière. Qui sait, il a peut-être un soleil en guise d'âme. Je n'avais jamais rencontré quelqu'un avec l'âme comme un soleil.

Écris tes péchés sur des pommes encore accrochées aux branches ; quand elles tomberont, ta culpabilité et tes remords s’effaceront.

(Nous n’avons pas de pommiers à Lost Cove. J’ai essayé avec un prunier, un abricotier et un avocatier. Mes remords sont toujours là.)

"-Dessinez comme si votre vie en dépendait. Il n'y a pas de temps à perdre. Il n'y a rien à perdre. Nous refaisons le monde, rien de moins. Compris?

Je croirais entendre ma mère. Et oui, je comprends. Mon coeur s'accélère. Je comprends absolument.

(Autoportrait : Garçon refaisant le monde avant que le monde ne le refasse)

"Il s'éloigne du mur, plie les genoux, choisit le bon angle pour sa prise de vue. 'Voilà, parfait, oh, mon Dieu, la perfection totale.' Il m'arrive le même phénomène que dans l'église. Quand les glaciers craquent sou l'effet du réchauffement de la planète, on appelle ça le vêlage.Eh bien, je vêle. 'Tes yeux sont si éthérés. Ton visage aussi. J'ai regardé mes photos de toi pendant des heures, l'autre nuit. J'en avais des frissons.'

Et moi, j'en ai le réchauffement climatique!

Mais il y a autre chose, au-delà des frissons, du vêlage et du réchauffement de la planète, quelque chose que j'ai ressenti tout de suite, ce fameux jour dans l'église. Ce garçon me donna la sensation d'être enfin là, présente, visible aux yeux des autres. Et pas seulement parce qu'il a un appareil photo."

"Planqué derrière mes cheveux, je l'observe. Mon expérience du portrait m'a appris qu'il faut regarder quelqu'un pendant longtemps pour déceler ce qu'il cache en lui, pour voir à l'intérieur de son visage. Et lorsqu'on met le doigts dessus et qu'on le restitue sur la feuille, c'est ce détail qui trouble le plus la personne et lui fait dire que son portrait lui ressemble vraiment."

"et je sens la joie monter en moi, cette joie qui coupe le souffle et vous donne l'impression d'avoir un millier de vies à l'intérieur de votre petite existence misérable"

Je ne m'en fais pas plus que ça quand Brian et moi nous retrouvons seuls dans les bois, sur son toit ou dans son salon à mater un match de base-ball (pourquoi pas) et qu'il érige une barrière électrique entre nous et que pas une fois il ne tente de la frôler, comme si sa vie en dépendait; mais quand on est en public, comme au spot, cette clôture disparaît et on devient comme deux aimants un peu nigauds, à se frôler les mains, les bras, les jambes, les épaules, à se taper dans le dos, et même sur la cuisse, sans raison aucune, sauf que c'est comme avaler un éclair.

Je ne m'en fais pas plus que ça quand, pendant toute la durée du film sur l'invasion extraterrestre, nos jambes dérivent à un échelon microscopique: vers la gauche, vers la droite, et la mienne vers la gauche, gauche, jusqu'à ce qu'à mi-chemin, elles se trouvent et se pressent si fort l'une contre l'autre pendant une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit secondes délirantes si bien que je dois courir au toilettes sous peine d'explosion imminente. Je ne m'en fais pas plus que ça quand, à mon retour, ça recommence de plus belle, sauf que cette fois, nos jambes se retrouvent instantanément et qu'il serre ma main près de l'accoudoir et qu'on meurt tous les deux électrocutés.