L'Empire comanche

"L'empire comanche" révèle plusieurs aspects méconnus de l'histoire américaine et est intéressant à plus d'un titre. Je ne suis pas historien, mais l'utilisation du terme "empire" me paraît un brin abusif pour une société ayant compté à son apogée une vingtaine de milliers d'individus. Néanmoins, il est intéressant de voir comment une structure économique a pu s'avérer viable en étant basée principalement sur le pillage et l'esclavagisme. Très touffu et parfois ardu très documenté, mais intéressant, sans aucun doute.

Certains articles de scientifiques plus versés dans ce domaine y ont fait allusion mais c'est le titre d'abord qui a suscité l'intérêt. Un empire américain? On connaissait les empires précolombiens Aztèque et Incas, mais celui des Comanche était inconnu au bataillon.

Et en outre que savais-je des Comanches? Ce n'est pas la série BD éponyme qui aurait pu être une source d'informations parce que se passant au Wyoming elle ne pouvait que faire allusion aux locaux c.-à-d. les Cheyennes et les Sioux? Je ne connaissais aucun film de Western les mettant favorablement en scène: ce sont les Sioux qui se taillaient toujours la part du lion. Donc en terme de connaissance je n'avais pas grand chose. Le résumé de mes connaissances en ce domaine était rapide: indiens des plaines, plus méridionaux que les Sioux, plus orientaux que les Apaches, en bandes de cavaliers de différentes origines dont des déserteurs d'armées européennes, pillant et tuant à l'envie. Tomber sur cette brique d'historien fut donc providentiel. Ce livre est une mine d'informations essentiellement à destination de spécialistes mais que les amateurs apprécieront. En vrac quelques informations récoltées dans ce livre

• Ils ont une origine commune avec les shoshones. Ils appartiennent à la famille linguistique Uto-Aztèque et sont compagnons de guerre des Utes. C'était en grandes lignes un empire semblable à celui des Mongols. Ils avaient une pratique systématique et quasi industrielle de l'esclavage. Ils opéraient comme pourvoyeur de main-d'œuvre. Ils ont constitué une culture métisse ou plus exactement d'un terrain commun d'adaptation culturelle et diplomatique

• Ils ont expulsé les apaches des plaines méridionales. Pour ce qui est de l'aspect économique dans ce conflit Apache-Comanche: les Apaches étaient des cultivateurs, les Comanches des éleveurs nomades de chevaux et chasseurs de bisons. Très largement ce livre brosse les relations intertribales de l'Ouest américains en début du XIX° siècle. Cela concerne non seulement les Comanches mais aussi les Wichitas, les Kiowas, les Cheyennes, les Arapahoes, les Shoshones, les Mandans et autres Osages

• On en apprend beaucoup plus sur la politique des blancs vis-à-vis des amérindiens. En 1830 avec l'Indian removal act, on décrète la déportation des Amérindiens vivant dans les territoires compris entre les treize États fondateurs et le Mississippi, vers un territoire situé au-delà de ce fleuve. Dans le cadre de l'hostilité à l'encontre des espagnols, on situe également le contexte d'héros et d'événements fameux comme Davy Crockett et Fort Alamo.

• Vers 1850, avec la disparition des bisons et l'indépendance du Mexique vis-à-vis de l'Espagne, ainsi que séparation d'avec le Mexique de deux états américains (Texas et Nouveau-Mexique) a mit à mal cet empire de chasseurs-éleveurs. La guerre de Sécession leur donna un temps du répit trop court.

Afin de bénéficier du suc de ce traité, je l'ai lu avec lenteur, le laissant reposer par moment. Grâce à lui le patchwork indien de l'Amérique du Nord que j'imaginais, a acquis un peu de structure. J'apprends ainsi que ce furent les comanches qui introduisirent la culture équestre dans toutes les plaines du Middle-west. Je ne regarderai plus jamais un film de western de la même manière

Ce livre fait largement référence à un autre livre du même tonneau: "Le Middle Ground : Indiens, empires et républiques dans la région des Grands Lacs : 1650-1815" de Richard White. Je l'ai acquis et ne vais pas le laisser dormir très longtemps.

Il y a tellement de peuples qui ont disparu dans les oubliettes de l'histoire. Grâce à certains passionnés, on découvre parfois de quoi commencer un bibliographie. Hyksos, Hourrite, Khazar furent de ces peuples où un livre, rarement deux, me permirent de découvrir ne fut-ce que leur nom. Je classerais les Comanches dans cette même catégorie. Occultés par les Apaches, Cherokees, Iroquois, Sioux et autres indiens des plaines, ils ne sont rarement mentionnés que comme assistants de la colonisation européenne dans les films de Western. Ces derniers ont largement consolidé leur réputation de traîtres à la nation indienne.

A l'encontre de l'Amérique du Sud qui est une zone archéologique ouverte où archéologues de tout pays mettent à jour et étudient les civilisations pré incas, les spécialistes US protègent jalousement leur chasse gardée, d'où la rareté de littérature sur leurs découvertes. En dépit de cela, voilà donc un sujet sur des amérindiens septentrionaux. Il secouera sans doute le ban et l'arrière ban des connaisseurs des amérindiens.

Pour moi grand amateur de littérature technique sur les amérindiens, le nom clairement finlandais "Pekka Hämäläinen" de l'auteur m'avait d'abord étonné. Un finnois spécialiste des lapons ou du Père Noël, d'accord mais en quoi pouvait-il être un connaisseur d'amérindiens. La kyrielle des nominations octroyées à son livre a commencé à me faire douter.

Ensuite, le fait qu'une prof, spécialiste du Moyen-âge, m'ait raflé le dernier exemplaire sous le nez m'a définitivement convaincu. Quand la librairie fut réapprovisionnée, je l'ai acheté et vais le lire.