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On voit de toutes petites choses qui luisent
Ce sont des gens dans des chemises
Comme durant ces siècles de la longue nuit
Dans le silence et dans le bruit."
Afficher en entierPour rejoindre la ligne D, Mathilde emprunte depuis huit ans la longue galerie qui passe en dessous de la gare, où se croisent chaque jour quelques milliers de personnes : deux colonnes d'insectes déversées par vagues sur les dalles glissantes, une voie rapide à double sens dont il faut respecter le rythme, la cadence. Les corps se frôlent, s'évitent, parfois se heurtent, dans une étrange chorégraphie. Ici s'opère un vaste échange entre le dedans et le dehors, entre la ville et la banlieue. Ici, on est pressé, on marche vite, on va à son travail, madame.
Afficher en entierPour l'instant , il s'agit de rester du bon côté du quai. Ne pas se laisser entraîner vers le fond, maintenir ses positions. Quand le métro arrivera, bondé, irascible, il faudra lutter. Selon une loi tacite, une forme de jurisprudence souterraine appliquée depuis des décennies, les premiers resteront les premiers. Quiconque tente de s'y soustraire se voit conspué.
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Emporté par le flot dense et désordonné, il a pensé que la ville toujours imposerait sa cadence, son empressement et ses heures d’affluence, qu’elle continuerait d’ignorer ces millions de trajectoires solitaires, à l’intersection desquelles il n’y a rien, rien d’autre que le vide ou bien une étincelle, aussitôt dissipée.
Afficher en entierIl a quitté Lila. Il l'a fait. Il y a dans cette affirmation quelque chose qui relève de l'exploit, de la performance.
Pourtant la plaie d'amour contient en elle tous les silences, les abandons, les regrets, et tout cela, au fil des années, s'additionne pour former une douleur générique. Et confuse.
Pourtant la plaie d'amour ne promet rien : ni après, ni ailleurs.
Afficher en entier"C'est la nuit, la nuit d'avant ce jour attendu malgré elle, il est quatre heures du matin. Mathilde sait qu'elle ne se rendormira pas, elle connaît le scénario par coeur, les positions qu'elle va adopter l'une après l'autre, la respiration qu'elle tentera d'apaiser, l'oreiller qu'elle calera sous sa nuque. Et puis elle finira par allumer la lumière, prendra un livre auquel elle ne parviendra pas à s'intéresser, elle regardera les dessins de ses enfants accrochés aux murs, pour ne pas penser, ne pas anticiper la journée, ne pas se voir descendre du train, ne pas se voir dire bonjour avec l'envie de hurler, ne pas se voir rentrer dans l'ascenseur, ne pas se voir avancer à pas feutrés sur la moquette grise, ne pas se voir assise derrière ce bureau."
Afficher en entierA trente ans, elle a survécu à la mort de son mari.
Aujourd’hui elle en a quarante et un connard en costume trois pièces est en train de la détruire à petit feu.
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