Nos anges au ciel

"La vie après la vie existe-t-elle vraiment ?

• Qu’advient-il de nous après que nous en soyons à notre dernier souffle ?

• Disparaissons-nous avec notre corps, au moment où il retourne à la poussière ou est transformé en cendres ?

• Existe-t-il vraiment un « Ciel » ou un « Enfer » ?

• Et qu’en est-il des limbes, tels que décrits par nos prêtres dans nos églises ?

Lorsque j’étais plus jeune, je doutais de l’existence de l’enfer. Pour moi, si Dieu est Amour tel que nous le promettaient les prêtres, le dimanche, j’avais de la difficulté à croire qu’un tel Dieu puisse nous condamner à passer notre « après-vie » en enfer, surtout quand on sait qu’Il nous a aussi accordé le « libre-arbitre ». Quelle sorte de parent dirait à son enfant : « Fais ce que tu veux ! » et le punirait par la suite ? Cela n’avait aucun sens pour moi. Je me disais : « Si Dieu est vraiment Amour, Il ne peut que pardonner la moindre faute à qui que ce soit ! »

Car, ne nous aime-t-il pas inconditionnellement ?

Au cours de ma jeunesse, je ne m’étais pas avancée plus que ça dans ma réflexion sur la mort. Je n’avais pas vraiment de raison de le faire. Les premiers décès survenus dans ma famille furent mon grand-père paternel qui est décédé lorsque j’étais au Cégep, et l’un de mes cousins qui a eu un accident d’auto à l’âge de 21 ans. Étant alors aux études, je n’étais pas présente à leurs funérailles. Mais en 1994, à l’âge de 25 ans, j’étudiais à l’Université, lorsque j’ai reçu la visite inattendue d’un ami d’enfance qui était décédé six mois auparavant. Ronny et moi nous nous connaissions depuis la maternelle. Nous avons tous deux grandi dans le même village, Lourdes-de-Blanc-Sablon, situé sur la Basse-Côte-Nord, au Québec. Nous avons fréquenté la même école, de la maternelle à l’école secondaire. Ensuite, nous nous sommes perdus de vue jusqu’à ce que j’accepte un poste sur un chantier de construction dans le Nord-du-Québec où il travaillait comme cuisinier. À ce moment-là, dans ma vie, j’étais technicienne en génie civil et je vivais difficilement les avances de mon patron, et Ronny m’aidait à traverser cette période compliquée de ma vie.

Durant les vacances de Noël, je suis retournée dans ma famille et Ronny est demeuré au chantier. La journée avant mon retour, au début de janvier, il a été porté disparu en motoneige et on soupçonnait qu’il se soit noyé. Son père et son oncle étaient sur le même avion que moi, la journée où je suis retournée travailler. Ils sont allés à la recherche de son corps qui n’a pas été retrouvé avant le avant le mois de juillet suivant, lorsque les fidèles ont commencé une neuvaine de neuf jours de prière à la mère Marie. Lors du sixième jour de la neuvaine, soit exactement six mois, jour pour jour du temps de sa noyade, son corps a été retrouvé.

Moi, je me sentais perdue sans lui. Il était mon ami et aussi mon confident. Alors, seulement deux semaines après mon retour au travail, j’ai quitté mon emploi et je suis retournée vivre avec ma mère. Cet hiver-là, une série d’évènements fortuits m’ont conduit à l’Université Lakehead à Thunder Bay en Ontario.

À la fin du mois de juin, je me suis rendue à Thunder Bay afin de participer à un programme d’été pour ingénieurs. Je devais passer deux des quatre cours en science pour être admise au programme de génie qui débutait à l’automne. À la fin juillet, j’avais réussi le cours de chimie, mais pas le cours de mathématiques. Quand le professeur de physique nous a montré, sur son projecteur, qui d’entre nous pouvait espérer réussir le cours, je savais que j’étais en difficulté. J’ai commencé à m’inquiéter et à me demander si j’étais à la hauteur. Les mathématiques avaient toujours été mon point fort, mais comme j’avais déjà échoué un examen, j’ai commencé à douter de moi. J’ai pris un rendez-vous avec mon professeur afin d’en discuter. La nuit avant ma rencontre avec lui, j’ai fait un rêve. Mon ami Ronny est apparu dans ce rêve et m’a dit : « Prends ma main et suis-moi ! Tout va bien aller ! » Je me suis réveillée avec un sentiment d’émerveillement et de paix. Mon rêve avait l’air si réel que je savais qu’il veillait sur moi. Je savais que les choses allaient bien se passer. J’entendais les mots «

bridge over troubled water » (pont au-dessus de l’eau agitée) se répéter dans ma tête. Je sentais que Ronny était ce « pont » pour moi, pour m’aider à traverser cette période difficile. Alors, ce matin-là, avec un sentiment d’espoir renouvelé, je me suis préparée pour l’école.

Lorsque je me suis finalement rendue à la salle où se trouvait mon professeur, j’ai été surprise de voir que près de la moitié de la classe de plus de cent étudiants y était aussi. Eux aussi étaient allés le voir pour lui demander de l’aide. Je n’étais vraiment pas la seule. Nous étions si nombreux que le professeur nous a proposé de suivre un cours supplémentaire le soir et qu’il allait nous enseigner. Ce fut un grand soulagement pour nous tous.

Quelques jours plus tard, par un beau matin d’août, je marchais vers la résidence pour prendre mon courrier. Il y avait un beau petit sentier entre l’école et la résidence. Lorsque je fus à peu près à une cinquantaine de mètres de la résidence, j’ai eu une envie folle de rire. Je me suis arrêtée dans le sentier et je me suis mise à rire hystériquement. Je n’avais jamais autant ri de toute ma vie. J’étais littéralement pliée en deux. Et tout à coup, j’ai pris conscience que je sentais une énergie sur mon côté gauche et, en même temps, mon ami Ronny m’est venu à l’esprit. À ce même moment, je savais sans aucun doute que Ronny était près de moi et qu’il m’avait raconté la chose la plus drôle que j’avais entendue jusque-là.

Après quelques secondes, j’ai commencé à sortir de cet état second et j’ai pensé : « Oh, mon Dieu !

Je suis ici dans ce sentier toute seule et je ris comme une folle ! Si quelqu’un me voit, il va croire que j’ai perdu la tête. » J’ai regardé autour de moi pour voir si quelqu’un m’avait vue, mais il n’y avait personne. Ensuite, j’ai réalisé que Ronny était vraiment là, je l’avais senti près de moi et j’avais eu une connexion réelle avec lui. Je savais de tout mon être que c’était lui et je savais que ce qu’il m’avait dit était hystériquement drôle. Je ne peux pas vous répéter ce qu’il m’avait dit, car je n’avais pas entendu les mots, mais une partie de moi savait que c’était la chose la plus drôle que j’avais jamais entendue.

Ce petit moment précieux de connexion avec lui était tellement magique que je ne voulais pas que ce sentiment d’émerveillement prenne fin. C’était si inattendu et si beau que j’essayais de le repasser dans ma tête et de le revivre à nouveau. Je voulais ressentir le rire jaillir en moi et le bonheur inimaginable qui vient d’une expérience spirituelle comme celle-là. Pour la première fois depuis longtemps, je me rappelais ce qu’était la joie et l’émerveillement. Je n’avais pas ressenti ce sentiment d’émerveillement depuis longtemps et je voulais simplement demeurer dans cet état d’étonnement et de profonde grâce le plus longtemps possible. Je comprenais clairement que Ronny, sachant que j’étais dans un état de stress, voulait me rappeler de ne pas prendre la vie trop au sérieux. Il était comme ça de son vivant. Il avait toujours une blague pour alléger les choses et j’en avais vraiment besoin, cette journée-là. C’était ma première expérience avec un être cher disparu, mais ce n’était pas ma dernière."