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– Et c’est toi qui vas me servir de nounou, Spiros ? je lui demande plutôt que de protester.

– Je suis votre garde du corps, Votre Majesté, me répond-il, les sourcils froncés.

– Oh, j’en ai eu un certain nombre, des gardes dans ton genre, je réplique, pour le regretter aussitôt.

Spiros n’y est pour rien.

– Cela se produit régulièrement, j’imagine ?

– Toutes les deux ou trois semaines, répond-il en hochant la tête.

– Il y aura des blessés et des morts ? De notre côté, je veux dire ?

Il hésite de nouveau.

– En général, ce n’est pas sans conséquences sur l’équipage, articule-t-il en choisissant soigneusement ses mots.

« Ampelio trouvait toujours le coût de ces opérations trop élevé » : c’est ce que Blaise m’a rapporté le jour où nous avons discuté des méthodes de Dragonsbane.

J’ouvre grand la porte.

– Tu ferais aussi bien d’entrer. La matinée va être longue, je pense.

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Un fracas retentissant transperce la brume ensommeillée qui nappe mon esprit et me ramène au monde éveillé après ce qui me semble quelques minutes de repos, même si la pâle lumière qui filtre par le hublot me fait comprendre que j’ai dormi des heures. Je cligne des paupières, pour me débarrasser des dernières bribes de rêve et me redresse sur mon séant, avant de saisir que quelque chose ne tourne pas rond sur le Fumée.

Ce n’est pas le coup de gong qui signale un changement de quart, ou un de nos trois repas, ou une annonce officielle du capitaine Dragonsbane. Non, cette fois-ci, trois cloches sonnent en même temps, sans interruption.

C’est un signal d’alarme.

Je rejette ma couverture et me lève sur des jambes encore tremblantes. J’enfile mon manteau sur ma chemise de nuit et m’empresse de lacer mes souliers trop grands. Mon cœur bat contre mes côtes alors que mille pensées se ruent vers mon cerveau, aiguillonnées par le son permanent et strident des cloches.

Les hommes du Kaiser m’ont retrouvée.

Ils vont m’enchaîner, me faire revenir au palais.

La fête est finie.

J’ai échoué.

Je chasse rapidement ces idées noires et me dirige vers la porte, désireuse de savoir à quoi rime ce signal. À peine ai-je poussé le battant que Spiros surgit devant moi. Il porte ses deux épées à sa ceinture et son poing est levé, comme s’il s’apprêtait à frapper.

– V… Votre Majesté, bégaie-t-il, le regard fuyant de tous côtés, sans parvenir à se fixer sur moi.

Sa main retombe le long de son corps.

– Que se passe-t-il ? je lui crie pour me faire entendre par-dessus le tintement continu des cloches.

– Nous avons aperçu un navire de la marine marchande kalovaxienne et le capitaine a décidé de lui donner la chasse. Tout le monde est sur le pont, car nous allons bientôt procéder à l’abordage.

Mes épaules s’affaissent, tant mon soulagement est grand — à tel point que je dois me retenir à l’embrasure de la porte. C’est le Fumée qui part à l’abordage, et non le contraire.

– Le capitaine préfère que vous restiez dans votre cabine pendant la durée des opérations.

Cette recommandation m’enserre comme un corset trop bien lacé, même si je sais que c’est pour mon bien. Je ne serais d’aucune utilité au cours d’un abordage. Le mieux que je puisse faire pour le Fumée, c’est ne pas gêner l’équipage.

– Et c’est toi qui vas me servir de nounou, Spiros ? je lui demande plutôt que de protester.

– Je suis votre garde du corps, Votre Majesté, me répond-il, les sourcils froncés.

– Oh, j’en ai eu un certain nombre, des gardes dans ton genre, je réplique, pour le regretter aussitôt.

Spiros n’y est pour rien.

– Cela se produit régulièrement, j’imagine ?

– Toutes les deux ou trois semaines, répond-il en hochant la tête.

– Il y aura des blessés et des morts ? De notre côté, je veux dire ?

Il hésite de nouveau.

– En général, ce n’est pas sans conséquences sur l’équipage, articule-t-il en choisissant soigneusement ses mots.

« Ampelio trouvait toujours le coût de ces opérations trop élevé » : c’est ce que Blaise m’a rapporté le jour où nous avons discuté des méthodes de Dragonsbane.

J’ouvre grand la porte.

– Tu ferais aussi bien d’entrer. La matinée va être longue, je pense.

Il hoche la tête et ne se rassérène guère en entrant dans ma cabine.

– En général, combien de temps dure un abordage, Spiros ?

– Quelques heures. Le capitaine est devenu si efficace : je pense qu’on pourrait aller à l’abordage les yeux fermés, à l’heure qu’il est. Il faut les prendre sur le côté et approcher le plus possible, avant de tourner les canons vers le navire ennemi — pas trop vite, sans quoi nous risquons de prêter le flanc à leur propre artillerie. Il est bien plus difficile d’endommager un navire par la proue.

Je hoche la tête et attends la suite de la démonstration.

– Parfois, ils se rendent avant même le premier coup de canon. Ils connaissent Dragonsbane de réputation ; la rumeur court de surcroît qu’elle épargne souvent ceux qui ont la grâce de se rendre, qu’elle les laisse repartir pour Esstena ou Timmoree, ou quelque autre petite nation où ils pourront s’installer pour le restant de leurs jours. Simplement, ils doivent jurer qu’ils ne remettront jamais les pieds à Astrée. Mais le capitaine n’a jamais montré la moindre pitié envers les Kalovaxiens.

– Et si l’ennemi ne se rend pas ?

Spiros a un haussement d’épaules éloquent.

– Nous nous battons jusqu’à ce qu’ils rendent les armes. Ou jusqu’à ce que leur navire coule. S’ils décident alors de capituler, nous pillons leurs marchandises avant d’envoyer leur rafiot par le fond, avec toutes les Spirigemmes qu’il contient.

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– Tu ferais aussi bien d’entrer. La matinée va être longue, je pense.

Il hoche la tête et ne se rassérène guère en entrant dans ma cabine.

– En général, combien de temps dure un abordage, Spiros ?

– Quelques heures. Le capitaine est devenu si efficace : je pense qu’on pourrait aller à l’abordage les yeux fermés, à l’heure qu’il est. Il faut les prendre sur le côté et approcher le plus possible, avant de tourner les canons vers le navire ennemi — pas trop vite, sans quoi nous risquons de prêter le flanc à leur propre artillerie. Il est bien plus difficile d’endommager un navire par la proue.

Je hoche la tête et attends la suite de la démonstration.

– Parfois, ils se rendent avant même le premier coup de canon. Ils connaissent Dragonsbane de réputation ; la rumeur court de surcroît qu’elle épargne souvent ceux qui ont la grâce de se rendre, qu’elle les laisse repartir pour Esstena ou Timmoree, ou quelque autre petite nation où ils pourront s’installer pour le restant de leurs jours. Simplement, ils doivent jurer qu’ils ne remettront jamais les pieds à Astrée. Mais le capitaine n’a jamais montré la moindre pitié envers les Kalovaxiens.

– Et si l’ennemi ne se rend pas ?

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– Yana crebesti, Theodosia, chuchote-t-il.

Les mots se fichent dans ma gorge. Je te fais confiance. Après tout ce que je lui ai fait subir — après tout ce que nous nous sommes fait l’un à l’autre — c’est la méfiance qui devrait régner. Mais le voilà, enchaîné à mes pieds, qui m’offre sa confiance.

Je baisse les yeux sur la main qui enserre mon poignet, puis sur son visage.

– Theo, lui dis-je. Appelle-moi Theo.

– Theo, répète-t-il avant de me laisser repartir

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– Ça aurait pu marcher, concède-t-il.

– Je sais.

Aucun de nous ne mentionne ce moment terrible où, dans le secret des souterrains du palais, j’ai enfoncé le poignard dans son dos. Søren était alors si torturé par la culpabilité des massacres de Vecturia qu’il m’a suppliée de le tuer. Aucun de nous ne pose à haute voix la question de savoir pourquoi je ne me suis pas exécutée.

– Sais-tu où est passé Erik ? demande-t-il.

Erik. C’est bien la première fois que je repense à lui depuis son départ.

– Je lui ai dit de quitter le palais dès que possible avec Hoa. C’est ce qu’il a dû faire, sans doute. Sans quoi le Kaiser l’aurait fait exécuter sous mes yeux, avec Elpis. J’espère qu’ils se sont trouvé un vrai refuge, quel qu’il soit.

Søren hoche lentement la tête, les sourcils froncés.

– Erik est mon frère, articule-t-il.

J’ai l’impression que c’est la première fois qu’il le reconnaît à haute et intelligible voix.

– Ton demi-frère.

– Certes, mais quelle moitié… siffle-t-il avec une amère ironie. Parle-moi de Dragonsbane, maintenant.

Ce dont je ne me prive pas. Dragonsbane, qui fait tout ce qu’elle peut pour me mettre des bâtons dans les roues. Dragonsbane, qui me dépeint toujours sous les traits d’une enfant pleine de bonnes intentions mais un peu sotte, et incapable de régner. Dragonsbane, qui joue à la tante aimante, qui ne souhaite que le bien de sa nièce et de la nation astréenne.

– Mais véritablement ? Que veut-elle ?

– Je ne sais pas, dois-je bien reconnaître. Je crois qu’elle ne refusera pas de participer à la libération d’Astrée — après tout, c’est sa patrie — mais qu’elle veut en tirer un profit matériel. Blaise m’a raconté qu’elle faisait payer les familles astréennes qu’elle aidait à s’exiler dans d’autres pays. Elle les transportait, certes, mais moyennant finance. Sa lubie du moment est de me marier à une tête couronnée. Officiellement, c’est pour que nous disposions de l’armée du mari en question, ce qui nous permettrait de reprendre Astrée. Mais je suis certaine qu’elle a une autre idée derrière la tête.

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J’ai un moment d’hésitation.

– Oui, finis-je par avouer. Ma tante. La sœur jumelle de ma mère.

Je lis la surprise sur les traits tuméfiés de Søren, aussi clairement qu’un mot sur une page blanche.

– Tu as décidé de t’allier à elle ?

– J’en avais l’intention… mais c’est plus compliqué que ce que je pensais. Je veux te faire sortir de ce cachot mais avec elle, ça ne va pas être facile. Nous y arriverons, je pense : et quand tu seras libre, il faudra que tu aies retrouvé tes forces. J’en ai besoin. J’ai besoin que tu t’alimentes.

Je pousse le plateau dans sa direction.

Son regard s’attarde un moment sur moi, avant qu’il ne se décide à étendre les jambes et à baisser les yeux vers le plateau.

– Raconte-moi tout, reprend-il en s’emparant d’un biscuit qu’il essaie de casser en deux.

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Il n’est pas si facile de se repérer sans guide dans le dédale de coursives du Fumée, mais après quelques fausses routes, je finis par me retrouver dans un couloir que je reconnais. Tout au bout se dresse une porte flanquée des mêmes gardes que la veille. S’ils n’ont pas hésité à laisser passer Heron, ils se redressent à mon arrivée, les yeux plissés. Ils ne vont pas me faciliter la tâche.

– Votre Majesté, marmonnent-ils de concert.

– Je souhaite m’entretenir avec le prisonnier, j’articule d’une voix que je veux aussi distante, aussi détachée que possible, même si je ne suis guère certaine du résultat.

– Les visites sont interdites, dit l’un des deux sbires avec un tel aplomb que je suis à deux doigts de le croire, même si j’ai la preuve de son mensonge.

Je lève le menton en ravalant ma salive.

– Vous oubliez qui je suis, je réplique. C’est votre reine, messieurs, qui vous demande de la laisser passer.

Les deux hommes échangent un regard.

– Pour votre propre sécurité, Votre Majesté, vous ne devez pas… reprend son collègue.

Mais il vient de perdre la main, je le sais. Ne pas devoir, ce n’est pas ne pas pouvoir.

– Le prisonnier est enchaîné au mur, messieurs, je rétorque, avant d’ajouter : Du moins, je l’imagine.

– Bien sûr. Mais c’est un dangereux individu, Majesté, répond le garde.

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Après m’être séchée à l’aide d’une serviette passablement élimée, je me retourne vers le lit. J’ai toutes les peines du monde à étouffer le cri d’épouvante qui me monte aux lèvres. Sur le drap, sont apparues deux empreintes de main, de la taille de mes paumes, d’un noir de charbon sur le coton blanc.

Ce sont des ombres de mon cauchemar, qui ne veut pas m’abandonner, j’essaie de me raisonner. Je ferme les yeux pour les effacer. Mais elles persistent, en dépit de mes efforts.

Mon esprit me joue des tours, c’est certain. Mais lorsque je me penche sur le lit, lorsque mes doigts effleurent le drap, le tissu noirci se désagrège à leur contact et retombe en cendre.

Je recule, les jambes tremblantes. J’ai la tête qui tourne : la panique, les dénis absurdes me donnent le vertige. À quoi cela rime ? Est-ce moi qui ai brûlé mes draps ? Je baisse les yeux vers mes paumes : elles sont d’un rouge éclatant, mais je ne les sens pas douloureuses. Tout juste parcourues de picotements sourds, ardents, à fleur de peau. Je me souviens des sensations magiques que j’éprouvais à la cour du Kaiser, lorsque je m’approchais d’une gemme de Feu.

Je ravale la panique qui me laboure l’estomac. Mes pensées sont trop confuses pour que je puisse vraiment comprendre ce qui m’arrive. Je plaque les mains sur ma chemise de nuit, comme si cela pouvait régler mon problème — quel qu’il soit.

Qu’est-ce qui m’arrive, par Houzzah ? J’étais persuadée que la chaleur qui m’avait envahi les membres dans la cabine de Dragonsbane n’était qu’une illusion. Mais je peux difficilement avoir la même réaction devant ces empreintes. Cette fois-ci, la preuve est bien tangible.

Je me suis toujours sentie de profondes affinités avec Houzzah, le dieu du feu. J’ai toujours été attirée par ses gemmes. N’est-ce pas parce que je suis issue de sa lignée ? Mais cette explication ne suffit pas : le sang de Houzzah coule aussi dans les veines d’Artemisia et de Dragonsbane, sans qu’aucune des deux ne semble particulièrement sensible à son attrait. Dragonsbane ne croit en aucun de nos dieux et Artemisia a été bénie par Suta, la déesse de l’eau. Ce n’est pas seulement une question de sang. C’est autre chose — et cette autre chose est dangereuse.

Je me souviens de Cress, telle qu’elle était lors de notre dernière rencontre, dans les cachots du Kaiser. Elle a survécu à une dose de poison qui aurait tué un homme du double de sa corpulence. Mais la mort, cependant, a laissé son empreinte sur celle qui fut mon amie. Comment a-t-elle pu rester en vie ? D’autres questions se pressent dans mon esprit. Pourquoi ses mains font-elles brûler ce qu’elles touchent ? C’est chose impossible : mais je l’ai vu de mes yeux et j’ai senti la chaleur que dégageaient les barreaux qu’elle avait serrés. Aussi brûlants que les mains qui ont carbonisé les draps de la couchette.

Comment est-ce possible ? Je n’en ai aucune idée. Mais je ne peux pas me résoudre à croire que mon dieu aurait pu choisir de sauver une Kalovaxienne — de la bénir de son don — alors que des milliers de ses fidèles Astréens ont perdu la raison et la vie dans les mines.

Je dois me concentrer sur ma respiration.

Je sens encore la main de Cress planer au-dessus de mon cœur. Je sens la braise de ses paumes tandis qu’elles me carbonisent. Même si je n’en suis pas certaine, j’ai l’impression — oui, j’en jurerais ! — que le feu revient dans mes doigts.

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Cress est de l’autre côté des barreaux du cachot, rongés par la rouille. Elle les serre de ses doigts si fins, si blancs — blancs comme l’os. Elle m’arrive tout juste à la taille, à présent. Et pourtant, j’ai encore à l’esprit une autre image, une Cress un tout petit peu plus grande que moi, un tout petit peu plus vieille, un tout petit peu plus sage. Mais ce n’est plus le cas. Je n’ai plus devant moi qu’une fillette au visage rond, aux cheveux coiffés en deux tresses blondes qui lui pendent sur les épaules. Elle écarquille les yeux, soucieuse.

– Tu vas bien ?

Elle me parle en kalovaxien, détachant clairement les syllabes pour que je puisse tout comprendre. Son élocution réveille un souvenir profondément enseveli dans ma mémoire, auquel je ne peux accéder. Une douleur familière, sourde, s’est emparée de mon estomac, que la vision de Cress cependant a noyée.

Cress pourrait être Evavia, la déesse du bon secours, me dis-je. Mais j’ai le sentiment que cette idée ne vient pas de moi. Pas vraiment. Oh, cela n’a aucune importance. Tout ce que je sais, c’est que j’ai besoin d’aide. Que je suis en train de perdre pied et que Cress est là, qu’elle est comme une bouffée d’air que je peux, haletante, à bout de souffle, avaler.

Cress me tend la main à travers les barreaux. Ses petits doigts minces m’enserrent le poignet. Je ravale mes larmes de soulagement.

Son sourire se fait plus franc, révélant des crocs soigneusement effilés. La surprise me fait reculer. J’échappe à son étreinte.

Sa gorge est marquée d’une tache grise qui prend de l’ampleur et s’étend sur sa peau. Bientôt c’est son cou tout entier qui se carbonise, noircit. Je recule encore d’un pas ; mon dos heurte la pierre froide et humide du mur de mon cachot.

Cress s’empare de nouveau des barreaux. Cette fois-ci, ils fondent sous ses doigts brûlants. Elle avance vers moi, ses petites mains d’enfant tendues vers moi, les paumes ouvertes, rougeoyantes : des flammes s’en élèvent qui lèchent ses doigts. Je m’accroupis contre le mur, me recroqueville, éperdue : comment fuir à son approche ? Impossible. Elle s’en rend compte, je crois, car elle fait halte devant moi et se baisse pour souffler quelques mots à mon oreille.

– Nos cœurs sont sœurs, Thora, chuchote-t-elle.

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Suit un long silence, qu’il finit par rompre d’un « Non » un peu moins ferme.

– Vraiment ? Eh bien, on va négocier, Heron, je grommelle, les mâchoires crispées. Tu as besoin de moi pour obtenir des réponses à tes questions. Je ne lèverai pas le petit doigt avant que Søren ne soit guéri.

– Tu sais de quoi il s’est rendu coupable, Theo, réplique Heron. Tu sais qui il est.

– Oui, je le sais très bien. Mais je sais aussi que nous valons mieux que les Kalovaxiens. Si nous nous mettons à leur niveau, quel besoin avons-nous de leur faire la guerre ?

Heron semble hésiter.

– Si je le guéris, ils s’acharneront de nouveau sur lui.

– Je les en empêcherai, cette fois-ci, je réplique, sans trop savoir comment j’y parviendrai.

– Apparemment, la mère d’Elpis trouve une certaine consolation à ces… traitements. Tu voudrais lui retirer ce plaisir ?

Les larmes me montent aux yeux, brûlantes. Je m’empresse de les essuyer d’un revers de main.

– Guéris Søren, je répète d’une voix ferme. Ou tu n’auras jamais les réponses à tes questions.

Avec un énorme soupir, Heron s’accroupit brusquement auprès de Søren et s’empare d’une de ses mains, inerte, contusionnée.

Et tandis que le pouvoir guérisseur de Heron envahit peu à peu ses veines, Søren, dans un sursaut de volonté, ouvre les yeux et croise mon regard. Je lis une telle souffrance dans le sien que j’en ai le souffle coupé.

– Søren, je vais te tirer de là. Je te le promets.

Et comment vais-je procéder ? Je ne devrais pas faire des promesses que je ne sais pas comment honorer. Mais les mots ont franchi mes lèvres avant que je puisse les retenir.

– Oh, ça… peut aller, murmure-t-il, avec ce qui ressemble à une tentative de sourire. Ça… pourrait être pire.

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