Les Vingts Décisives, 1965-1985
Auteur
- Jean-François Sirinelli (Écrivain)
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1965 : le choix de ce millésime peut étonner de prime abord. Rien, apparemment, n'incite, en effet, à lui conférer un tel statut de date charnière. Bien plus, autour de lui, d'autres millésimes paraissent sonner historiquement plus juste et semblent davantage donner le la d'une décennie essentielle : en amont, 1962 a vu l'adieu définitif à l'Empire et la rétraction de la France aux dimensions de l'Hexagone - l'usage du mot, significatif, est contemporain de ce début des années 1960 -, tandis que 1968, en aval, est le brusque révélateur d'une mutation en cours. Bien plus, la période qui sépare ces deux dates paraît tout d'un bloc, les mêmes hommes gouvernant continûment : Georges Pompidou est Premier ministre d'avril 1962 à juillet 1968 et Charles de Gaulle se trouve investi d'un nouveau mandat présidentiel en 1965. Peut-on pour autant considérer que ce millésime n'a d'autre signification historique que cette réélection et qu'il s'inscrit, de ce fait, davantage dans la continuité qu'il ne marque un tournant ?
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Résumé
Tout au long du XXe siècle, la ligne d'horizon de la société française a été par la croyance dans le progrès, que la République prenait en charge et incarnait tout à la fois. Mais une telle ligne d'horizon est bientôt devenu une sorte de mirage, tant le progrès est une notion qui se montre et se dérobe dans le même temps. Bine plus, la règle et le consentement, qui fondent la représentation politique, loin d'être fortifiés par les prémices de la "démocratie d'opinion", se retrouvent au contraire entre chien et loup, menacés par un extrémisme politique croissant aussi bien que par la perte de sens dans le débat politique. Si la République en tant que système politique avait donc connu une sorte d'aggiornamento au cours des années 1960 en tant qu'écosystème socioculturel elle ne connut pas alors une sorte de reviviscence, la grande mutation française déstabilisant la civilisation républicaine beaucoup plus qu'elle ne la réactiva. Un tel constat débouche sur ne question essentielle : la phase de moindre rayonnement de cette civilisation, que l'on constate au terme des vingts décisives, était-elle seulement une éclipse de République, qui nimbe la vie de la Cité en ajoutant momentanément au trouble des consciences, ou bien cette République commençait-ele alors une sorte de fatale redescente depuis le firmament des valeurs d'établissement qui fondent et perpétuent la communauté nationale ?
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