Extraits

- Je te devais bien ça, non ? (Je me frottai les bras en frissonnant.) Tu m'as sauvée plus d'une fois quand j'avais chaud aux fesses.

- Et quelles fesses !

L’agacement m’envahit quand je compris qui Dee avait invité. Ash Thompson nous attendait devant le cinéma. Elle m’adressa l’un de ses habituels regards de garce avant de nous passer devant. Malgré le trottoir verglacé, elle réussissait à rouler des fesses dans son jean moulant, juchée sur ses talons de neuf centimètres.

Moi, je me serais brisé la nuque.

Je me retrouvai assise entre Ash et Dee. Je m’enfonçai dans mon siège, sans prêter attention à la blonde, pendant qu’on attendait que les lumières s’éteignent et que le film commence.

— Qui a eu la bonne idée de choisir une histoire de zombies ? demanda Ash en tenant un paquet de pop-corn plus gros que sa tête. Katy ? Je reconnais l’air de famille…

— Ah ah, très drôle, marmonnai-je en lorgnant son pop-corn.

J’aurais parié qu’il n’y avait pas dans son crâne de quoi nourrir un zombie.

De mon autre côté, Dee et Adam avaient dévalisé le stand de bonbons. Dee trempa une barre chocolatée dans une sauce au fromage. Je plaçai une main devant ma bouche pour ne pas vomir.

— C’est dégueulasse.

— Mais non ! fit-elle en enfournant une grande bouchée. C’est le meilleur des deux mondes : chocolat et fromage. C’est pour ça que les lettres C et F sont mes préférées de l’alphabet.

— Tu sais, intervint Ash en grimaçant. Pour une fois, je dois donner raison à la morte-vivante. C’est écoeurant.

Je fronçai les sourcils.

— J’ai si mauvaise mine ?

— Oui, répondit Ash en même temps que Dee qui disait « non ».

Je croisai les bras et donnai un coup de pied dans le siège devant moi.

— Si vous le dites, marmonnai-je.

— Alors, dit Adam en prenant soin d’articuler. Ça se passe bien entre Blake et toi ?

M’enfonçant davantage dans mon siège, je ravalai une cargaison d’insultes.

— Ouais, c’est génial.

Ash ricana.

— Tu passes beaucoup de temps avec lui en ce moment. (Dee m’observait tout en trempant une autre barre chocolatée.) Alors, ça doit très bien se passer.

— Écoute, je vais être franche avec toi, intervint Ash, un grain de pop-corn beurré dans sa bouche. Tu avais Daemon. Daemon. Et je sais ce que tu perds. Crois-moi.

Un élan de jalousie m’envahit tellement vite que j’eus envie de l’étouffer avec son pop-corn.

— J’en suis persuadée.

Elle renifla.

— Alors, je ne comprends pas pourquoi tu l’as laissé tomber pour Blake. D’accord, il est mignon et tout, mais il ne peut pas être mieux que…

— Beurk ! (Dee grimaça.) Est-ce qu’on peut éviter de parler d’un sujet qui risque de m’envoyer tout droit en thérapie ? Merci.

Ash gloussa en secouant son paquet de pop-corn.

— Je dis simplement que…

— Je me moque de ce que tu penses. (J’attrapai une poignée de pop-corn, juste pour la faire fulminer.) Je ne veux pas parler de Daemon. Et Blake et moi, on ne sort pas ensemble.

— Amis et plus si affinités ? demanda Adam.

Je grognai. Pourquoi tout le monde tenait à parler de ma vie sexuelle inexistante, aujourd’hui ?

— Il n’y a pas d’affinités, crois-moi.

Après quoi, ils cessèrent de me questionner sur Daemon et Blake. Au milieu du film, les trois extraterrestres se levèrent pour aller se ravitailler en nourriture. Je goûtai au chocolat trempé dans le fromage. C’était aussi horrible que je m’y étais attendue. Toutefois, même si j’étais coincée à côté d’Ash, je m’amusais. Pendant que je regardais des zombies manger divers morceaux de corps humains, j’en oubliais mes soucis. Tout avait l’air normal. Je plaisantai même avec Dee, le sourire aux lèvres, en sortant du cinéma. Le soleil s’était couché. Le parking baignait dans la lumière diffuse des lampadaires et des décorations de Noël.

On marchait derrière Ash et Adam, bras dessus bras dessous.

— Je suis contente que tu sois venue, me lança Dee à voix basse. Je me suis bien amusée.

— Moi aussi. Je… suis désolée de ne pas avoir été très présente ces derniers temps.

La brise fit voler ses cheveux bruns, les rabattant devant son visage.

— Tout… va bien ? Je sais qu’il s’est passé beaucoup de choses depuis que tu as emménagé ici. Et j’ai peur que tu ne veuilles plus être amie avec moi à cause de ce que je suis et de ce que ça implique.

— Non, ça n’a rien à voir ! m’empressai-je de la rassurer. Tu pourrais être un lama-garou que je m’en moquerais tout autant. Tu es toujours ma meilleure amie, Dee.

— Ça fait longtemps que je n’en ai plus l’impression. (Elle sourit faiblement.) C’est quoi un lama-garou, au fait ?

Je ris.

— C’est un mélange entre un lama et un humain, un peu comme un loup-garou.

Elle grimaça.

— C’est très bizarre.

— Je ne te le fais pas dire.

On s’arrêta devant la voiture d’Adam. Ash jouait avec ses clés tout en examinant ses ongles. La neige s’était remise à tomber. Les flocons étaient de plus en plus gros. Je fermai les paupières un instant. Quand je les rouvris, la neige avait ralenti. Comme ça, en un clin d’oeil.

— Il est hors de question que je te laisse prendre la voiture de ma mère.

— Pourquoi pas ? (Il se rapprocha avec un sourire… un sourire charmeur, le même qu’il avait servi à ma mère la première fois qu’ils s’étaient rencontrés.) Je suis bon conducteur.

— Ce n’est pas le problème. (Je me pressai contre l’accoudoir.) Je ne peux pas te laisser conduire sa voiture sans moi.

Il fronça les sourcils.

— Je refuse que tu t’impliques dans cette histoire.

Mais moi, je voulais être impliquée et, qu’il le veuille ou non, je l’étais déjà.

— Si tu veux la voiture de ma mère, il va falloir me prendre avec. C’est tout ou rien.

Daemon se tapota le menton tout en me regardant à travers ses cils charbonneux.

— Te prendre ? C’est un marché plutôt intéressant…

Je rougis. J’appartenais déjà à Daemon. Il ne le savait simplement pas encore.

— Je parle d’un partenariat, Daemon.

— Mouais. (Daemon apparut soudain près de la porte.) Tiens-toi prête après les cours. Trouve n’importe quelle excuse pour laisser tomber Bartholomew. Ne lui en touche pas un mot. Toi et moi, on va jouer les espions rien que tous les deux.

— Je vais me transformer en mutant ? m’écriai-je d’une voix aiguë.

Il rit.

— Je ne crois pas.

Un simple « je ne crois pas » avait du mal à me rassurer.

Daemon cessa ses bruits de tapement agaçants.

— Et comment sais-tu tout ça, Cake ?

— Blake, le corrigea-t-il. Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai rencontré d’autres personnes comme Katy qui ont été enlevées par la Défense.

— Oui, oui.

Daemon eut un sourire moqueur.

Blake secoua la tête.

— Bref. Revenons-en à nos moutons. Il faut que tu réussisses à maîtriser tes pouvoirs. Sinon…

Avant que j’eusse le temps de répondre, Daemon s’était levé et avait chargé Blake.

— Sinon quoi, Hank ? Qu’est-ce qui se passera dans le cas contraire ?

— Daemon. (Je soupirai.) D’abord, il s’appelle Blake. B-L-A-K-E. Et ensuite, est-ce qu’on peut arrêter le match de testostérone ? Sinon, ça risque d’être très long.

Il se retourna et me décocha un regard assassin qui me fit lever les yeux au ciel.

— D’accord. Qu’est-ce que tu suggères, alors ?

— Le mieux, c’est de voir si tu arrives à déplacer des objets sur commande. (Blake marqua une pause.) On peut commencer par là, je pense.

— Qu’est-ce que je dois bouger ?

Blake observa la pièce.

— Un livre ?

Un livre ? Lequel ? Secouant la tête, je me concentrai sur celui dont la couverture représentait une fille avec une robe qui se transformait en pétales de rose. C’était vraiment joli. Il parlait de réincarnation et le personnage masculin principal était vraiment à croquer. J’aurais donné n’importe quoi pour sortir avec…

— Concentre-toi, dit Blake.

Je grimaçai. OK, j’étais plutôt distraite. J’imaginai le livre s’élever dans les airs et avancer vers ma main comme j’avais vu Daemon et Dee le faire tant de fois.

Rien ne se produisit.

J’essayai plus fort. Plus longtemps. Pourtant, le roman demeura immobile à l’arrière du canapé… tout comme les coussins, la télécommande et le magazine de parfaite ménagère de ma mère.

Trois heures plus tard, j’avais à peine réussi à faire trembler la table basse et à endormir Daemon sur le canapé.

Je suis nulle.

Fatiguée, à bout de nerfs, je décidai que le cours était terminé et je réveillai Daemon en balançant un coup dans la table basse.

— J’ai faim. Je suis épuisée. J’arrête.

Blake haussa les sourcils.

— OK. On continuera demain. Pas de souci.

Je lui lançai un regard mauvais.

Daemon bâilla en s’étirant.

— Wahou, Brad, tu es vraiment un entraîneur du tonnerre. Je suis épaté.

— La ferme, rétorquai-je avant de raccompagner Blake à la porte. (Une fois sur le perron, je lui présentai mes excuses.) Désolée de me montrer aussi sèche. J’ai l’impression d’être complètement nulle, c’est tout. Comme si j’étais le capitaine d’un bateau en plein naufrage.

Il sourit.

— Tu n’es pas en train de couler, Katy. Ce genre de choses prend du temps. Tu verras, ça vaut le coût de persévérer. Crois-moi, tu ne veux vraiment pas que la Défense sache que tu as muté et vienne chercher le responsable.

Je frissonnai. Être à l’origine d’une telle situation me tuerait.

— Je sais. Merci d’avoir proposé de m’aider.

Je caressai ses lèvres du bout des doigts. Elles étaient pulpeuses, mais fermes. C'était grisant. Les yeux de Daemon se mirent à luire. Mon estomac se noua. Alors, il se pencha en avant et ses lèvres frôlèrent le coin des miennes. Ses mains glissèrent sur mon visage, jusque dans mon cou. Sa bouche déposa un baiser sur mon nez, puis il m'embrassa pour de vrai. Un baiser fougueux que je ressentis jusqu'au plus profond de mon être et qui me laissa pantelante. J'en voulais plus, beaucoup plus. J'avis l'impression de me perdre dans ses baiser, de me perdre en lui.

Deamon a Katy

- Tu penses vraiment que je n'ai pas aimé t'embrasser? Que j'ai arrêté d'y penser cinq minutes depuis que ça s'est produit ? Je sais que c'est réciproque. Admet le.

Dans le creux de mon ventre, mon estomac faisait des soubresauts.

- Quelle importance ?

- Dis le

- Oh, pour l'amour de ciel ! Oui ! J'y ai pensé ! Tu veux que je te l'écrive aussi ? Que je t'envoie un email ou un SMS ? Tu te sentirais mieux ?

Deamon haussa un sourcil

- Pas la peine d'être sarcastique.

Il était toujours aussi arrogant. Et son sourire suffisant m’agaçait toujours autant.

Mais je l’aimais.

Et cet enfoiré m’aimait aussi.

— Tu mens. Tu rougis.

Alors, un cas sévère de diarrhée verbale me frappa.

— Tu m’as embrassée il y a quelques jours et, maintenant, tu t’amuses avec Ash ? C’est comme ça que ça marche ? Tu passes d’une fille à l’autre ?

Ash eut un sourire moqueur, puis reporta son attention sur Daemon.

— Tu es parti trop vite, chéri. Je t’ai cherché dans tout l’étage. Tu ne veux pas qu’on retourne dans ta chambre pour finir ce qu’on a commencé ?

Ses paroles me firent l’effet d’un coup de poing en plein foie. J’ignorais pourquoi je réagissais ainsi. Ça n’avait aucun sens. Je n’aimais pas Daemon. Je ne l’aimais pas ! Il aurait pu peloter le pape, ça m’aurait été bien égal.

Les couverts et les verres apparurent de plusieurs placards ouverts. Le vin de ma mère vola du frigo et se versa dans deux flûtes en cristal. Daemon se tenait au milieu de tout ça. J'avais l'impression de regarder la Belle et la Bête. J'attendais que la théière se mette à chanter.