Contretemps

Pour ne pas attirer l’attention, nous étions convenus de nous retrouver à quelques rues de l’objectif. Sans doute inspiré par Jean D., l’ancien juge d’instruction, Louis avait insisté sur la ponctualité : « C’est primordial. Une révolution, une guerre, une bataille peut se perdre en une seconde. Par un froid pareil, si on traîne dans la rue on va tout de suite se faire repérer. » Antoine et Burdy s’étaient occupés de la voiture qui nous servirait à quitter les lieux. J’étais venu à pied. De tous les moyens de transport, c’était celui qui m’avait semblé le plus discret. C’était aussi le plus fatigant. Les mains enfoncées dans les poches et le bonnet tiré sur les oreilles, j’avais marché d’un bon pas pendant une heure. S’il n’y avait pas eu le fusil, j’aurais pris un taxi, au moins pour une partie du chemin, mais il y avait l’arme et l’heure du rendez-vous.