Jeux d'espions, Tome 2 : Limites mortelles

Jake Anderson déglutit avec difficulté, tout en gardant les yeux rivés sur le dos de sa partenaire, Kate Wells. Non, c’était Sanders maintenant, puisque son chef et meilleur ami, Chase, l’avait enfin épousé, il y a de cela deux mois déjà. Cela n’avait pas d’importance qui elle était. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il l’aimait, et qu’il braverait un escadron d’incendiaires s’il le fallait. Il ne devrait pas se retrouver dans un hôtel seul avec elle, même pour le travail. Il devrait enfiler ses tennis et fuir, courir à travers Paris, jusqu’aux collines, et supplier quelqu’un de l’abattre. Tout de suite.

À cet instant, n’importe quelle personne raisonnée voudrait éviter Kate. Elle se pencha au-dessus de la cuvette des toilettes, reprenant son souffle entre chaque haut-le-cœur. Une femme malade était un cas bien plus grave qu’une épidémie de rougeole aux yeux de Jake, mais c’était la femme de son chef, il devait rester avec elle, amoureux ou non. Il se tenait dans l’encadrement de la porte, les poings serrés, se retenant de fuir.

— Jake, tu vas être en retard, gémit Kate, avant de vomir à nouveau.

Jake avança d’un pas dans la salle de bain, pour tenir les cheveux blonds de Kate d’une main tremblante. Bon sang, ça faisait mal de tenir à son meilleur ami et d’aimer sa femme. Cela n’aurait jamais dû arriver. Il s’était battu pour résister. S’était demandé, comme s’il était tombé contre le pire des terroristes que cette terre ait portés, comment avait-il fait, avec le nombre impressionnant de femmes qu’il avait eu dans son lit, pour tomber amoureux d’elle ? Il ne sortait pas avec des femmes, il couchait avec elles et cela semblait leur suffire aussi. Il avait toujours fait en sorte de ne pas mêler sexe et sentiment. Pourtant, il semblait que Kate avait réussi à lui faire perdre la tête.

Ce n’était pas la définition la plus juste de l’amour, non plus. Cet amour le rendait confus. Il avait rencontré le véritable amour, une fois, le genre d’amour qui rend un homme aveugle, bête ; le genre d’amour qui donne assez de courage à un homme pour chevaucher un taureau juste pour avoir l’attention de sa belle. Cependant, cet amour n’était pas semblable à celui-ci. Ni à aucun autre d’ailleurs. Il aimait Charlotte Smith, son amie et collègue, comme une sœur. Il avait aimé Kate comme une cousine éloignée avec qui il aurait bien couché, mais cela avait changé… Il ne connaissait pas ce genre d’amour. C’était un amour mesquin qui donnait mal au cœur et faim de… plus.

Ce n’était pas bien.

— Jake, va-t’en, cria Kate.

Elle devait se sentir un peu mieux, parce qu’elle s’assit et le fixa d’un œil mauvais avec son regard bleu acier. Il lui tendit alors une serviette.

— Tu vas manquer l’appel de Charlotte. J’apprendrai les ficelles à Budapest.

Jake enfonça ses mains dans ses poches. Il ne voulait pas descendre au bar faire son travail. Pas quand elle était au bord de la mort. Il était néanmoins agent secret au service de ces bons vieux États-Unis d’Amérique, il n’avait donc pas le choix. Ils avaient des méchants à attraper, des documents à collecter, gardés dans un bar parisien huppé, même si sa partenaire fraîchement diplômée était en pleine conversation avec le trône de porcelaine.

— Chase va me tuer si je te laisse ici toute seule alors que tu es malade.

— Je ne vais pas mourir, Anderson. En revanche, je ne mangerai plus jamais la nourriture servie dans les avions.

Elle gémit de nouveau et posa sa joue contre le sol froid, le visage plus blanc encore que le linge de lit.

La peur grattait l’intérieur de Jake. Elle était sa responsabilité. Elle ne pouvait pas mourir sous ses yeux. Chase lui avait demandé de lui montrer les ficelles du métier sur les trois cas qu’ils devaient éclaircir cette semaine, tous dans des pays différents. Elle n’avait jamais travaillé sur un cas à l’international, et bien que Chase n’ait aucun problème à envoyer des agents sans formation en pleine jungle, ils n’étaient pas sa femme.

Elle vomit encore. Il sortit, paniqué, de la salle de bain.

— C’est bon. J’appelle Chase. Il peut te conduire à l’hôpital, ou pas, c’est son problème. Si je ne le lui dis pas, il aura ma peau. Déjà que nous sommes à Paris. Il déteste Paris, bon sang. Quand je vais lui dire que tu es malade, il va me tuer.

— Il ne déteste pas Paris, c’est simplement qu’il aime dire qu’il déteste Paris.

Jake jeta un œil dans la salle de bain.

Kate se rallongea sur le sol et ferma les yeux.

— Je me sens mieux… je crois.

— Tu fais un très mauvais espion. Tu ne sais pas mentir.

— Je mens assez bien aux méchants.

Elle ouvrit un œil et soupira.

— Tu es absolument à tomber dans ce costume, cowboy. Pourquoi ne pas descendre, ramasser le paquet et te trouver un petit divertissement pour la soirée ? Je ne vais pas être de très bonne compagnie.

— Tu veux que je m’envoie en l’air, alors que tout ce qui m’occupe l’esprit en ce moment, c’est de te voir malade comme un chien ? Je prends mes distances, Kate, mais pas à ce point-là.

— Je fais une intoxication alimentaire. Je n’ai pas contracté une maladie européenne rare. Je m’en fiche si tu t’envoies en l’air. Tu peux aller danser avec une charmante femme, peut-être même boire un verre. Peut-être que Charlotte n’a rien à faire. Ça fait longtemps que tu ne l’as pas vue. Si tu veux t’envoyer en l’air, c’est bien. Mais s’il te plaît, ne reviens pas ici pour me regarder m’effondrer.

Elle se rassit et tendit une main.

— Aide-moi à aller au lit.

Il se pencha en avant et prit la jeune femme dans ses bras, embrassant son front, tandis qu’elle tremblait contre lui.

— Tu pues, dit-il, incapable de se retenir de l’embêter.

Il se moquait de son odeur ou de son apparence au point où il en était. Il aurait juste voulu qu’elle l’aime lui, et non Chase, et tout à coup, il avait peur d’être seul dans la chambre avec elle. Malade ou pas. Il devrait aller chercher ce que Charlotte garde et fuir à toutes jambes. Une trentaine de kilomètres devraient suffire.