Ajouter un extrait
Liste des extraits
On ne peut pas commander à ses sentiments, disait un jour Moira, mais on peut commander à son comportement.
Afficher en entierJe rejette le drap, me lève précautionneusement, à pieds nus silencieux, dans ma chemise de nuit, vais à la fenêtre, comme un enfant, je veux voir. La lune sur la poitrine de la neige fraîchement tombée. Le ciel est clair mais difficile à distinguer à cause du projecteur; mais si, dans le ciel obscurci, flotte une lune toute neuve, une lune pour faire un voeu, éclat de roche ancienne, déesse, clin d'oeil. La lune est une pierre et le ciel est plein de quincaillerie meurtrière, mais pourtant, mon Dieu, comme c'est beau
Afficher en entierLuke a trouvé le chat, qui se cachait sous notre lit. Ils savent toujours. Il est allé au garage avec lui. Je ne sais pas ce qu'il a fait et je ne lui ai jamais demandé ; j'étais assise dans la salle de séjour, les mains croisées sur les genoux. J'aurais dû aller avec lui, prendre cette petite responsabilité ; j'aurais dû au moins lui poser le question après, pour qu'il n'ait pas à la porter seul parce que ce petit sacrifice, cette extinction d'un amour, c'était aussi pour moi qu'il l'avait fait.
Afficher en entierQu’elles soient là à se le mettre, à l’essayer, à le prendre à l’essai, tandis que lui-même les met, comme une chaussette à un pied, en chausse le bout de sa personne, son pouce supplémentaire sensible, son tentacule, son délicat œil de limace pédonculé qui darde, se dilate, tressaille et se ratatine sur lui-même, s’il est touché comme il ne faut pas, regrossit, se renfle légèrement à l’extrémité, se propulse comme au long d’une feuille, en elles, avide d’une révélation. Obtenir la révélation par ce moyen, ce voyage dans une obscurité composée de femmes, d’une femme, qui voit dans l’obscurité alors que lui-même avance péniblement à l’aveuglette
Afficher en entierLe Commandant est assis, les yeux baissés. Le Commandant soupire, tire une paire de lunettes à monture en or de la poche intérieure de sa veste, les chausse. Maintenant il ressemble à un cordonnier dans un vieux livre de contes de fées. N’y a-t-il pas de fin à ses faux-semblants de bienveillance ?
Afficher en entierIl nous examine comme s’il faisait un inventaire. Une femme agenouillée en rouge, une femme assise en bleu, deux en vert, debout, un seul homme, au visage mince, au fond. Il s’arrange pour paraître intrigué, comme s’il n’arrivait pas tout à fait à se rappeler comment nous sommes tous arrivés ici. Comme si nous étions quelque chose qu’il aurait reçu en héritage, par exemple un orgue de foire victorien, et qu’il n’avait pas encore trouvé à quoi nous pourrions bien servir. Ce que nous valons.
Afficher en entierNous étions les gens dont on ne parlait pas dans les journaux. Nous vivions dans les espaces blancs et vides en marge du texte imprimé. Cela nous donnait davantage de liberté.
Nous vivions dans les brèches entre les histoires.
Afficher en entierPuis nous avons eu les iris, dressés superbes et dignes sur leurs hautes tiges, comme du verre soufflé, comme de l'eau pastel momentanément gelée en éclaboussures de couleur, bleu pâle, mauve pâle, et les plus sombres, velours et pourpres, oreilles de chats noires au soleil, ombre indigo, et les cœurs de Jeannette, de forme si féminine que c'est surprenant qu'on ne les ait pas arrachés depuis longtemps. Il y a quelque chose de subversif qui se dégage du jardin de Serena, l'impression que des choses enterrées remontent et éclatent, sans paroles, à la lumière, comme pour montrer du doigt et dire : Tout ce qui est réduit au silence clamera pour être entendu, même en silence. Un jardin à la Tennyson, lourds de senteurs, languide, le retour du mot pâmoison. La lumière du soleil se répand sur lui, certes, mais la chaleur monte aussi des fleurs elles-mêmes, on la sent : c'est comme si l'on tenait la main à deux centimètres au-dessus d'un bras, d'une épaule. Le jardin respire dans la chaleur, hume ses propres effluves. Le traverser, ces jours-ci, à l'époque des pivoines, des mignardises et des œillets, me fait tourner la tête.
Afficher en entierLa Mort est une belle femme avec des ailes et un sein presque nu. Ou est-ce la Victoire ? Je ne m'en souviens plus.
Afficher en entierYou are a transitional generation, said Aunt Lydia. It is the hardest for you. We know the sacrifices you are being expected to make. It is hard when men revile you. For the ones who come after you, it will be easier. They will accept their duties with willing hearts.
She did not say: Because they will have no memories, of any other way.
She said: Because they won't want things they can't have.
Afficher en entier