Les chroniques d'Eidolon : volume 1, le pays secret

Des poissons guerriers de Mongolie !

Il en rêvait. Il les convoitait. Jusque-là, ce verbe n'avait évoqué pour lui que de vagues associations bibliques. Chaque soir, quand il se couchait, il imaginait les poissons nageant dans un aquarium plein de mystère avec sa lumière douce et ses plantes aquatiques. Et quand il s'endormait, les poissons continuaient à nager dans ses rêves.

Il avait économisé l'argent reçu pour son anniversaire (au moins douze livres), ainsi que son argent de poche et tout ce qu'il pouvait gagner en faisant des courses et des petits boulots. Il avait lavé la voiture de son père (trois fois, bien que ce fût une vieille Morris et que le fait de la frotter semblât plutôt mettre en valeur les taches de rouille) ; il avait tondu la pelouse des voisins (et un parterre de fleurs, quand la tondeuse avait échappé à son contrôle, mais heureusement, les voisins n'avaient rien remarqué) ; il avait épluché des pommes de terre et nettoyé des fenêtres ; il avait passé l'aspirateur, épousseté, repassé ; il n'avait pas hésité à changer les couches de sa petite soeur (ce qui avait été vraiment horrible), pour la plus grande joie de sa mère. Il n'avait pas tardé à réunir une jolie petite somme, qu'il transportait toujours avec lui afin que sa soeur aînée ne la voie pas.

- Tu as de l'argent à ne plus savoir qu'en faire. Il va te brûler les poches ! lui avait dit sa mère pour le taquiner.

Que se passerait-il si cet argent lui brûlait réellement les poches ? s'était demandé Ben. Une fois que ce serait fait, s'arrêterait-il de brûler en arrivant à la hauteur de ses jambes ou continuerait-il jusqu'à ses pieds, pour s'enfoncer dans la rue puis dans les égouts et tout au coeur de la terre ? Dieu seul savait ce qui risquait d'arriver s'il n'achetait pas ces poissons : cela provoquerait peut-être la fin du monde !