Quat'saisons

Cet hiver-là, Noël arriva très vite et, comme chaque fois, la sensibilité de M. Combret s’en trouva violemment émue. Il n’était pas de ceux que la joie des autres offusque et se réjouissait même de ce qu’un grand manège tournât sans lui pour des gens plus heureux. Mais la perspective de demeurer trois jours loin de ses classeurs, loin de ses carbones, de ses trombones et de ses gommes lui paraissait intolérable. Son petit logis s’en trouvait réduit aux dimensions d’un simple cube d’absence à l’intérieur duquel il était retenu, cloche à plongeur où sa timidité, ses manies, une certaine incurie avaient peu à peu fait le vide.

À son habitude, quand les passants goguenards et fraternels avaient commencé de se hâter vers la dégoulinade des charcuteries, la fraîcheur brûlante des bûches, les bracelets passés aux poignets des sapins, il s’était attardé au secrétariat de la compagnie d’assurances qui l’employait et avait fait choix pour son réveillon de toute une correspondance en souffrance et des relevés de compte les mieux sentis.

Minuit le trouva à son clavier. La tête un peu inclinée sur l’épaule, les yeux mi-clos, il laissait courir ses doigts sur les touches. Jamais il n’avait mieux frappé. On eût dit qu’une inspiration sublime lui déliait les phalanges. Il recopiait alors un bordereau. Soudain, de l’autre côté du mur, s’éleva chez les Mallefroid un chant pas trop discordant où il reconnut un cantique. Saisi, M. Combret suspendit son exercice pour écouter.