Extraits

— Tu tiens beaucoup à Austen, n’est-ce pas ? demanda Dex après avoir avalé une pleine bouchée d’oeufs brouillés, de saucisses et de pancake.

— Je suis peut-être le plus jeune agent à avoir rejoint le THIRDS, mais Austen était encore plus jeune quand il a été recruté en tant qu’ASE. Il avait quatorze ans. C’était il y a près de dix ans. Le gamin a eu une vie difficile, et oui, c’était un voleur, mais il a toujours été clean question drogue. Ses parents l’ont mis dehors après sa première transformation. Il avait huit ans. L’État a essayé de lui trouver un nouveau foyer, mais il ne cessait de fuguer. Il avait beaucoup de difficultés à faire confiance aux gens, et s’il ne te fait pas confiance, bonne chance avec lui.

— Et puis il t’a rencontré ?

— Ce petit con a essayé de voler mon portefeuille.

Sloane rit en y repensant.

— Je lui ai couru après dans tout Central Park. Je l’ai perdu plusieurs fois, mais je me suis montré plus malin. Il était vraiment bon, mais son vrai potentiel était inexploité. Avec l’entraînement adéquat, qui savait ce qu’il pouvait faire. Je lui ai dit pour qui je travaillais. Il y avait une chance qu’il détale, mais il ne l’a pas fait. Il m’a demandé de lui acheter une pizza et un soda.

Dex était bouche bée.

— Il a volé ton portefeuille, découvert que tu étais du côté de la loi, et il t’a demandé de lui acheter une pizza ?

— Et un soda, lui rappela Sloane. Il était très sérieux à propos du soda. Le gosse est accro au sucre.

Il sourit malicieusement.

— Il ressemble à quelqu’un que je connais.

Dex sembla réellement insulté.

— Je ne suis pas accro au sucre.

— Le premier pas vers la guérison est d’admettre que tu as un problème.

— Va te faire voir. Je n’ai pas de problème, grommela Dex.

— C’est le déni qui parle, là. Dis-moi, questionna Sloane en s’adossant à la banquette, qu’est-ce que tu as pris au petit-déjeuner hier ?

— Des restes de pancake avec des fruits du matin précédent celui-là. Que tu as fait ! Je n’ai jamais mangé de fruits avec mes pancakes avant. C’est bizarre.

— Ce n’est pas bizarre. Et si tu te rappelles, j’ai fait des pancakes très sains avec des fruits, que tu as noyés dans le sirop d’érable. 100 % calories. Haute teneur en fructose.

Dex leva les yeux au ciel.

— Je ne les ai pas noyés.

— Ils flottaient.

— Revenons-en à Austen.

Sloane retint un sourire. Le Roi des Manoeuvres d’Évitement.

— Ce bâtard sournois !

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Sloane se leva et courut du côté de Dex.

— J’ai manqué quelque chose ?

— Il me casse les couilles parce que je mange des oursons gélatines, et il achète un paquet presque tous les jours.

Sloane le dévisagea.

— Sérieusement ? Ça t’arrive de penser à autre chose qu’à la nourriture ?

— Bien sûr, répondit Dex avec un sourire narquois. Quand je pense au sexe. Bien que parfois, j’aime penser aux deux à la fois.

Il haussa les sourcils d’un air aguicheur, mais son partenaire resta de marbre.

— Est-ce que je vais devoir te donner un avertissement ?

Dex fit la moue.

— Non.

— En plus, tu as tort à propos des oursons en gélatines.

— Mais ils sont juste-là, sur la liste.

— Qui d’autre à ta connaissance les aime autant que toi ?

Dex y réfléchit.

— Personne n’aime les oursons en gélatines autant que moi. Je n’ai pas honte de dire que j’avais l’habitude de les voler à Cael quand nous …

Oh.

Maintenant, Dex se sentait encore plus mal.

— Il les achète pour Cael.

Pourquoi ce type devait-il être si gentil avec Cael ? Cela aurait rendu les choses tellement plus faciles si Ash avait traité son frère de la façon dont il traitait tous les autres. Mais non, il fallait qu’il achète à Cael ses bonbons préférés.

— Je dois te parler de quelque chose de sérieux.

— Sérieux selon ma définition ou la tienne ?

Ils se dirigèrent vers l’espace de travail ouvert, dépassèrent les nombreux bureaux occupés par les équipes Défense de l’Unité Alpha, jusqu’à la zone de réception. C’était plutôt calme à cette heure de la journée, mais pas inhabituel. Avec tout ce qui se passait dernièrement, leur département était plus occupé que jamais. Même avec l’affaire de la Coalition atteignant le niveau de menace Rouge et tous les autres cas en cours, cela ne voulait pas dire que d’autres affaires n’étaient pas ouvertes.

Le crime ne revoyait pas son emploi du temps parce que les agents du THIRDS étaient débordés. En fait, c’était à ce moment-là que les criminels décidaient de faire des heures supplémentaires. Sloane salua l’équipe de réceptionnistes avant de prendre le couloir menant aux ascenseurs.

— En quoi les deux sont-elles différentes ? demanda Dex.

La logique voulait qu’il y ait une énorme différence. Après toutes ces années sur le terrain, Sloane tombait toujours sur des surprises et des situations auxquelles il n’avait jamais été confronté. Certes, ces cas étaient en général gracieusement fournis par son partenaire. Chaque jour de travail équivalait à ouvrir une boîte à surprise. Il ne savait jamais sur quoi il allait tomber. Un incident en particulier, ayant eu lieu la semaine précédente, lui revint à l’esprit.

— Sérieux selon Dex, c’est comme « oups ! J’ai laissé tomber un ourson en gélatine dans le lance-grenades ».

Il jeta un oeil sur son partenaire et se demanda comment cet homme réussissait toujours à avoir l’air innocent, quelles que soient les manigances tortueuses dont il se sortait.

— Je ne m’étais pas rendu compte qu’il était coincé dans mon viseur jusqu’à ce qu’il tombe dedans. À ce moment-là, il était trop tard.

— Tu as presque arraché un oeil à ce criminel, lui rappela Sloane.

— Heureusement, la preuve était comestible.

— C’est dégoûtant. Tu as vraiment de la chance que le lance-grenades n’ait pas été endommagé. Letty t’aurait fait passer un sale quart d’heure.

Même si Letty adorait Dex, elle adorait ses jouets tout autant et s’énervait royalement quand quelqu’un détériorait quelque chose par négligence. Surtout quand elle devait ensuite expliquer à Maddock pourquoi l’équipe avait dépassé son budget équipement, et la raison de la défaillance dudit équipement.

Ils entrèrent dans l’ascenseur qui, heureusement, était vide. Sloane déclina son numéro de badge et fournit l’empreinte de sa main pour les faire accéder au treizième étage. Il lui vint à l’esprit que sa consommation de caféine avait presque doublé au cours des derniers mois. Ses yeux se posèrent sur la cause probable.

Dex leva une main pour faire une promesse.

— Plus d’oursons en gélatine quand mon viseur est baissé. Compris. Ce dont j’allais te parler, c’est quelque chose de sérieux selon ta définition.

— J’aime ta façon de ne pas t’attarder sur cette infraction de manger des bonbons sur le terrain avec ton offre de ne pas les manger avec ton viseur baissé.

Son partenaire était le roi des tactiques d’évasion. Parfaitement taillé pour un travail gouvernemental.

— Est-ce que tu veux entendre ce que j’ai à dire ?

— Si je le dois.

— Charmant.

— Tu as sauté la puberté, n’est-ce pas ?

Dex poussa un soupir mélancolique.

— Ce n’était pas pour moi.

Sloane laissa immédiatement tomber sa tête sur ses genoux, cherchant à se faire gratter l’oreille, ce dont Dex l’obligea, souriant quand il entendit le ronronnement profond semblable à celui d’une tronçonneuse et le sentit vibrer contre sa jambe.

— Au moins, quand il perd ses poils partout sur toi, ça ne se voit pas.

Calvin jeta à son partenaire tigre Therian un regard accusateur. Hobbs le regarda avec un froncement de sourcils. Il tendit la main et tira légèrement sur les cheveux blonds de Calvin.

— Je ne perds pas mes cheveux, protesta Calvin.

Hobbs hocha la tête. De toute évidence, il n’était pas d’accord. Dex les observa avec amusement tandis qu’ils se chamaillaient, même si Calvin était le seul à s’exprimer à voix haute. Il était incroyable de voir ce que Hobbs pouvait dire avec ses seules expressions et mouvements de la main.

Un jeune Therian mince et musculeux qui semblait avoir une bonne vingtaine d’années sortit de derrière l’écran en bâillant férocement. Il ébouriffa ses cheveux noirs et se pavana jusqu’au banc où il se laissa tomber à côté de Letty, un large sourire aux lèvres. Le type avait l’air de sortir du lit après avoir donné un concert de rock, malgré la tenue inappropriée qu’il portait.

Dex lui adressa ce grand sourire d’adolescent qui lui était propre, et Sloane ne put résister à l’envie d’embrasser à nouveau ces lèvres. Aussi bête que son partenaire puisse être, Sloane espérait qu’il ne changerait jamais. Ce n’était pas qu’il se sentait vieux, parce que ce n’était pas le cas et qu’il ne l’était pas, mais il était passé par beaucoup de choses dans sa vie. Côtoyer Dex le faisait se sentir plus léger, l’empêchait de se prendre trop au sérieux. Ils s’amusaient ensemble. Il n’avait jamais pensé que son amant puisse également être son ami le plus proche.

— Ça ne me dérange pas du tout, répondit Dex chaleureusement. Tu veux boire quelque chose ? C’est open-bar.

— En parlant de bar… N’est-ce pas le barman du Dekatria ?

Lou fit un geste pour indiquer le fond de la pièce où Bradley servait des verres dans son tee-shirt distinctif noir et moulant. Ses bras nus affichaient des tatouages impressionnants au niveau des manches. À ce moment précis, Bradley leva les yeux et leur adressa un grand sourire suivi d’un clin d’œil. Dex fit signe à Bradley avant de se retourner vers Lou.

— Ouais. J’ai invité Bradley, et il a insisté pour s’occuper du bar. Il a dit qu’il ne viendrait pas sinon. Ça pourrait avoir quelque chose à voir avec le fait que lorsqu’il m’a demandé quel genre de bière je servirais, je lui ai répondu « fraîche ». Sérieusement, tu aurais dû voir sa tête. Comme si j’avais insulté sa mère.

Lou et Dex rirent tous les deux.