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Extrait ajouté par phiila 2023-07-31T18:17:39+02:00

Il rit, d'un rire grave qui semble venir de très loin, et pose sa bouche sur ma tempe.

- Quoi, soyons honnêtes, insisté-je, le souffle court.

Je ne suis pas moche, mais on ne peut pas dire que je sois jolie.

Il secoue la tête.

- Admettons. Tu n'es pas jolie. Et alors ?

Il m'embrasse sur la joue.

- Tu me plais comme tu es. Tu es super intelligente.

Tu as du cran.

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Extrait ajouté par Poudlardexpress934 2023-06-22T14:32:17+02:00

J'y retrouve les symboles de chaque faction : Audacieux en haut de sa colonne vertébrale, Altruiste juste en dessous et les trois autres plus bas, en plus petit. Pendant quelques secondes, j'observe les écailles qui représentent les Sincères, l'œil des Érudits, et l'arbre des Fraternels. Spoiler(cliquez pour révéler)Rien d'étonnant à ce qu'il se soit fait tatouer l'emblême des Audacieux, son refuge, et même celui des Altruistes, son lieu d'origine, comme moi. Mais pourquoi les trois autres ?

- Je crois qu'on a commis une erreur, déclare-t-il doucement. On s'est tous mis à dénigrer les valeurs des autres factions sous prétexte de mettre les nôtres en avant. Je n'ai pas envie de faire ça. Ce que je veux, c'est être courageux, et altruiste, et intelligent, et gentil, et sincère. (Il fait une pause.) Pour la gentillesse, je dois me battre en permanence.

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Extrait ajouté par Poudlardexpress934 2023-06-21T16:19:58+02:00

Je hoche la tête en regardant le tableau. Quelqu'un a rayé les noms Spoiler(cliquez pour révéler)d'Edward et de Spoiler(cliquez pour révéler)Myra et changé les numéros en face de tous les autres. Spoiler(cliquez pour révéler)Cette fois, Peter est en tête. Will est deuxième. Je suis cinquième. On a démarré l'étape à neuf. On n'est plus que sept.

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Extrait ajouté par AntanasiaD 2023-06-09T18:39:29+02:00

ON REPART VERS LA FOSSE en se tenant la main. Je règle soigneusement la pression de la mienne. Pendant une minute, j’ai peur de ne pas serrer assez. La minute qui suit, je serre trop fort. Je me suis toujours demandé pourquoi les gens s’embêtaient à se donner la main en marchant, jusqu’à ce que Quatre fasse courir un doigt le long de ma paume. Je frissonne, et tout à coup, je comprends parfaitement.

Dans l’immédiat, je saute sur la seule remarque rationnelle qui me vienne à l’esprit.

— Quatre peurs, donc.

— Quatre lorsque je suis arrivé et quatre aujourd’hui, précise-t-il. Ça n’a pas changé. Alors, je continue à venir ici… mais je n’ai toujours pas avancé.

— C’est impossible de ne pas avoir de peurs, je te rappelle. Pas tant qu’on continue à accorder de la valeur à certaines choses. À sa propre vie.

— Je sais.

On longe la Fosse sur un chemin étroit qui descend jusqu’aux rochers, tout en bas du gouffre. Il se fond dans la paroi rocheuse et je ne l’avais encore jamais remarqué. Quatre, lui, a l’air de bien le connaître.

— Tu allais me parler de ton test d’aptitudes, le relancé-je.

— Ah.

Il se gratte la nuque.

— C’est important ?

— Oui, insisté-je. J’ai envie de savoir.

— Ce que tu es exigeante !

Il sourit.

On arrive au bout du chemin, en bas du gouffre où des rochers hérissés émergent de l’eau bouillonnante. Quatre me guide entre les fissures et les crêtes à angle aigu. Mes chaussures adhèrent à

la pierre rugueuse, et laissent une empreinte humide à chacun de mes pas.

Il s’arrête sur un rocher relativement plat qui surplombe l’eau, à un endroit où le courant est assez calme, et s’assoit en laissant pendre ses jambes dans le vide. Je m’installe à côté de lui.

Il a l’air à l’aise ici, les pieds à quelques centimètres au-dessus des remous.

Il me lâche la main et soupire, avant de déclarer :

— Tu sais, ces trucs-là, je n’en parle pas aux autres. Même pas à mes amis.

Je me triture les doigts en contemplant les contours déchiquetés des écueils. C’est l’endroit idéal pour me révéler qu’il est Divergent, si c’est le cas. Avec le grondement des flots, personne ne l’entendrait. Je ne sais pas pourquoi, cette dernière pensée me rend nerveuse.

— J’ai eu un résultat sans surprise, poursuit-il. Altruiste.

— Oh…

Quelque chose en moi se dégonfle comme une baudruche. Je m’étais trompée.

Mais… je suis partie du principe que s’il n’était pas Divergent, il avait un résultat Audacieux. Et techniquement, d’après le système, moi aussi, j’ai eu un résultat Altruiste. On a peut-être vécu la même chose ! Dans ce cas, pourquoi ne dit-il pas la vérité ?

— Et tu as quand même choisi les Audacieux ?

— Par nécessité.

— Qu’est-ce qui t’obligeait à partir ?

Il détourne vivement les yeux pour fixer le vide devant lui, comme s’il y cherchait une réponse. En fait, il n’a pas besoin de m’expliquer. Je sens encore la brûlure du coup de ceinture fantôme sur mon poignet.

— Tu devais t’éloigner de ton père… C’est pour ça que tu ne veux pas être un leader Audacieux ?

Pour ne plus le revoir ?

Il hausse une épaule.

— Pour ça, et parce que je ne me suis jamais senti totalement à ma place chez les Audacieux. Pas tels qu’ils sont devenus, en tout cas.

— N’empêche que tu es… incroyable. (Je m’arrête pour m’éclaircir la voix.) Je veux dire, c’est dingue, d’après les critères des Audacieux, quatre peurs, c’est une plaisanterie. Ta place était forcément ici.

Nouveau haussement d’épaule. Il n’a pas l’air de faire beaucoup de cas de ses capacités, ni de son statut chez les Audacieux. Ce qui est logique pour un Altruiste. Je ne sais plus trop quoi penser.

— Je ne vois pas une grande différence entre l’altruisme et le courage, réplique-t-il. Quand on t’apprend depuis toujours à t’oublier toi-même, ça devient un réflexe. Le jour où tu te trouves en danger, tu le fais sans y penser. Je pourrais aussi bien appartenir aux Altruistes.

Ma gorge se serre. Pour moi, une vie d’apprentissage n’a pas suffi. Mon premier réflexe est l’instinct de survie.

— Si on veut, dis-je. J’ai quitté les Altruistes parce que je n’étais pas assez altruiste, et ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Il se tourne vers moi en souriant.

— Ce n’est pas entièrement vrai. Cette fille qui se tient sans broncher face à un lanceur de couteaux pour épargner un ami, qui frappe mon père avec une ceinture pour me défendre… ce n’est pas toi ?

À croire qu’il me connaît mieux que je ne me connais moi-même. Se pourrait-il qu’il ressente quelque chose pour moi, malgré tout ce que je ne suis pas ? Peut-être… Je le regarde d’un air suspicieux.

— T’as pas les yeux dans ta poche, toi.

— J’aime bien observer les gens, répond-il.

— Toi non plus, tu ne sais pas mentir.

Il pose une main sur le rocher, à côté de la mienne. Je la regarde. Il a de longs doigts fins, faits pour des gestes rapides et adroits. Pas des mains d’Audacieux, plutôt épaisses et solides, habituées à

casser des choses.

— D’accord.

Il approche son visage du mien et son regard s’attarde sur mon menton, sur ma bouche, sur mon nez.

— C’est parce que tu me plais.

Il le dit simplement, ouvertement, et ses yeux papillonnent jusqu’aux miens.

— Et ne m’appelle pas Quatre. Ça fait du bien d’entendre mon nom.

Tout à trac, il s’est dévoilé, et je ne sais pas comment réagir. Je commence à avoir chaud.

Tout ce que je trouve à dire, c’est :

— Mais… Tobias… tu es plus vieux que moi…

Il me sourit.

— C’est vrai que ce fossé de deux ans est totalement insurmontable.

— Je n’essaie pas de me dévaloriser, rectifié-je. C’est juste que j’ai du mal à comprendre.

Je suis plus jeune que toi, je ne suis pas jolie, je…

Il rit, d’un rire grave qui semble venir de très loin, et pose sa bouche sur ma tempe.

— Quoi, soyons honnêtes, insisté-je, le souffle court. Je ne suis pas moche, mais on ne peut pas dire que je sois jolie.

Il secoue la tête.

— Admettons. Tu n’es pas jolie. Et alors ?

Il m’embrasse sur la joue.

— Tu me plais comme tu es. Tu es super intelligente. Tu as du cran. Et même maintenant que tu sais pour Marcus…

Sa voix s’adoucit.

— … tu ne me regardes pas comme un chien battu.

— Parce que tu n’en es pas un.

Il me fixe en silence. Puis il me touche le visage, se penche vers moi et sa bouche effleure mes lèvres. La rivière tonne et une gerbe d’écume me mouille les chevilles. Il sourit jusqu’aux oreilles, et presse sa bouche sur la mienne.

Je suis tendue, ne sachant pas trop comment faire. Du coup, quand il s’écarte, je suis sûre que je m’y suis mal prise. Mais, tenant mon visage fermement entre ses mains, il m’embrasse de nouveau, avec plus d’assurance. Je passe un bras dans son dos et ma main remonte le long de sa nuque, jusqu’à ses cheveux.

Pendant quelques minutes, on s’embrasse, tout en bas du gouffre, cernés par le grondement de l’eau.

Et quand on se relève, main dans la main, je songe que si on avait tous les deux fait un autre choix, on aurait peut-être vécu la même chose dans un environnement plus paisible, vêtus de gris et non de noir.

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Extrait ajouté par AntanasiaD 2023-06-09T18:36:51+02:00

JE ME TIENS AVEC WILL ET CHRISTINA contre la rambarde au-dessus du gouffre. Il est tard et presque tous les Audacieux sont partis se coucher. On s’est fait faire de nouveaux tatouages une demi-heure plus tôt. Je sens encore la piqûre de l’aiguille sur l’épaule droite.

Comme Tori était seule à la boutique, je n’ai pas eu de scrupules à demander le symbole

Altruiste : deux mains paumes vers le ciel comme pour soutenir quelqu’un, entourées d’un cercle. Je sais que je prends un risque, surtout après tout ce qui s’est passé. Mais ce symbole fait partie de mon identité et ça me paraît important de le porter sur ma peau.

Je monte sur le premier barreau de la rambarde, les hanches appuyées contre celui du haut pour garder l’équilibre. C’est là que s’est tenu Al. Je regarde l’eau noire et les rochers déchiquetés tout en bas. L’eau frappe la paroi et rejaillit en projetant de l’écume sur mon visage. Est-ce qu’il a eu peur ?

Ou était-il si déterminé à sauter que ça a été facile ?

Christina me tend un paquet de feuilles. J’ai obtenu un exemplaire de tous les articles publiés par les

Érudits ces six derniers mois. Les lancer dans le vide ne les fera pas disparaître, mais ça me soulagera peut-être.

La première feuille arbore une photo de Jeanine, la porte-parole des Érudits. Ses yeux perçants, non dénués de charme, semblent me fixer.

— Tu l’as déjà rencontrée ? demandé-je à Will.

Christina froisse la feuille et la jette dans l’eau.

— Jeanine ? Une fois, me répond-il.

Il déchire l’article suivant en petits morceaux qu’il laisse tomber dans le vide et qui s’éloignent en flottant dans la rivière. Il ne le fait pas avec la même joie mauvaise que Christina. J’ai l’impression qu’il ne participe que pour me montrer qu’il n’approuve pas la tactique de son ancienne faction.

Quant à savoir s’il croit ce qu’ils racontent, ce n’est pas clair, et je n’ose pas lui poser la question.

— Avant d’être leader, elle travaillait avec ma sœur, explique-t-il. Ils essayaient de mettre au point un sérum à effet plus long pour les simulations. Jeanine est tellement brillante qu’elle n’a même pas besoin de parler pour que ça se voie. On dirait… un ordinateur avec une bouche et des jambes.

— Et…

Je serre les lèvres en balançant une feuille par-dessus la rambarde. Autant en avoir le cœur net.

— … et toi, qu’est-ce que tu penses de sa position ?

Il hausse les épaules.

— Je ne sais pas. Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée de mettre plusieurs factions au gouvernement. Et ça pourrait être sympa d’avoir plus de voitures et… de fruits frais et…

Je sens le feu me monter aux joues.

— Tu sais quand même que les soi-disant hangars secrets où on planquerait tout ça, c’est de l’intox ?

— Bien sûr que je le sais, répond-il. Je dis juste que le confort et la prospérité ne sont pas une priorité pour les Altruistes, et qu’ils le seraient peut-être plus si les autres factions étaient impliquées dans les décisions.

Je m’énerve.

— Parce que donner une voiture à un Érudit, c’est plus important que de nourrir les sans-faction ?

— Hé là ! fait Christina en effleurant l’épaule de Will. C’est censé être un défouloir, une session symbolique de destruction de documents, pas un débat politique.

Je ravale la suite de mon discours en baissant les yeux sur ma pile de feuilles. J’ai remarqué que Will et Christina avaient beaucoup de petits gestes de ce genre ces derniers temps. Je me demande s’ils en sont conscients.

— Mais tout ce qu’elle raconte sur ton père, ça me dégoûte, reprend Will. Je ne vois pas à quoi ça peut la mener de colporter des choses aussi horribles.

Moi si. En faisant croire que mon père et les autres leaders Altruistes sont indignes et corrompus,

Jeanine gagnera du soutien pour lancer une révolution, si c’est bien son objectif.

Mais je ne veux pas relancer le débat. Je me contente de hocher la tête avant de jeter le reste des feuilles dans le vide. Elles tombent en volant de-ci de-là jusqu’à toucher l’eau. Elles seront filtrées à

la sortie du gouffre et détruites.

— Fini ! lance Christina en souriant. Allez, au dodo ! Je mettrais bien la main de Peter dans un bol d’eau cette nuit pour qu’il pisse au lit.

Au moment où je me retourne, je perçois un mouvement sur la droite de la Fosse.

Quelqu’un monte vers le plafond de verre et, à en juger par son pas fluide, comme si ses pieds touchaient à peine le sol, il s’agit de Quatre.

— Excellente initiative. Mais j’ai un truc à dire à Quatre, ajouté-je en désignant du doigt sa silhouette qui grimpe sur le chemin.

Christina suit mon geste des yeux.

— Tu es sûre que tu tiens à traîner seule ici la nuit ? s’inquiète-t-elle.

— Je ne serai pas seule, je serai avec Quatre.

Je me suis dévoilée.

Christina regarde Will, qui la regarde. Aucun des deux ne m’écoute vraiment.

— OK, me fait Christina d’un ton distrait. À plus, alors. Ils s’éloignent ensemble en direction du dortoir, Will donnant des coups de coude à Christina et elle lui ébouriffant les cheveux. Je les suis des yeux un moment, avec le sentiment d’assister au début de quelque chose. Même si je ne sais pas trop quoi.

Je gagne à petites foulées le chemin qui gravit la paroi à droite de la Fosse et je commence à monter, en faisant le moins de bruit possible. Contrairement à Christina, je n’ai pas de mal à mentir. Je n’ai pas l’intention de parler à Quatre ; en tout cas, pas avant d’avoir découvert où il va, à cette heure-là, dans le bâtiment de verre qui se dresse au-dessus de nous.

Je cours à pas feutrés et j’arrive essoufflée dans la grande verrière. Quatre se tient à l’autre bout, devant la porte du paysage des peurs. Il tient une boîte noire dans une main et une seringue dans l’autre. Par les vitres, je vois les lumières de la ville disparaître une à une. Tout est censé s’éteindre

à minuit.

— Au point où tu en es, tu n’as qu’à venir avec moi, me lance Quatre par-dessus son épaule.

Je me mords la lèvre.

— Dans ton paysage des peurs ?

— Oui.

Je lui demande en le rejoignant :

— C’est possible, ça ?

— Le sérum permet de se connecter au programme informatique, mais c’est le programme lui-même qui détermine le paysage dans lequel on va évoluer. Là, il est réglé sur le mien.

— Et tu me laisserais le voir ?

Il me répond à voix basse, sans relever les yeux :

— Qu’est-ce que je fais là, à ton avis ? Il y a des trucs que je voudrais te montrer.

Il désigne la seringue et je penche la tête sur le côté pour exposer mon cou. La piqûre provoque une douleur vive, mais je m’y suis habituée. Quand il a fini, il me tend la boîte noire, qui contient une autre seringue.

— Je n’ai jamais fait ça, dis-je en la prenant.

J’ai peur de lui faire mal.

Il m’indique un endroit sur son cou :

— Là.

Je me mets sur la pointe des pieds, et j’enfonce l’aiguille sous sa peau d’une main un peu tremblante.

Il ne cille même pas.

Il ne m’a pas quittée des yeux. Il range les deux seringues dans la boîte qu’il dépose près de la porte.

Il savait que je le suivrais. Ou il l’espérait. Les deux me vont.

Il me tend la main et j’y glisse la mienne. Ses doigts sont froids et rêches. Je devrais dire quelque chose, mais je suis trop sonnée pour trouver quoi. Il ouvre la porte et je le suis dans le noir. Je n’éprouve plus d’appréhension à entrer dans des lieux obscurs. Je me force à respirer en serrant la main de Quatre.

— On va voir si tu trouves pourquoi on m’a appelé Quatre, me dit-il.

J’entends la porte se refermer derrière nous, nous laissant dans le noir. Il fait froid ; je sens chaque particule d’air pénétrer dans mes poumons. Je me rapproche de Quatre jusqu’à ce que nos bras se touchent et que mon menton frôle son épaule.

— C’est quoi, ton vrai nom ? demandé-je.

— On va voir si tu trouves ça aussi.

Et la simulation nous emporte. Le sol n’est plus en ciment, mais grince comme du métal sous nos pieds. La lumière afflue de toutes parts et la ville surgit loin au-dessous de nous, les tours de verre, l’arc des voies ferrées. Cela fait très longtemps que je n’ai pas vu un ciel bleu ; devant cette immensité, un vertige me saisit et mon cœur saute un battement.

Puis le vent se lève, si violent que je dois m’appuyer sur Quatre pour rester debout. Il ôte sa main de la mienne pour glisser son bras autour de mes épaules. D’abord, je pense que c’est pour me protéger… mais non, son souffle est haché et il a besoin que je le stabilise. La bouche entrouverte, les dents serrées, il se force à contrôler chacune de ses respirations.

Les hauteurs me donnent un sentiment exaltant de liberté, mais j’imagine que si on est là, c’est qu’il s’agit d’un de ses pires cauchemars.

— On doit sauter, c’est ça ? crié-je, pour couvrir le bruit du vent.

Il me fait signe que oui.

— À trois, d’accord ?

Nouveau hochement de tête.

— Un… deux… trois !

Je me mets à courir en l’entraînant avec moi. Passé le premier pas, le reste est facile. On sprinte jusqu’au bord du toit, on saute et on tombe, vite, repoussés par la résistance de l’air.

Le sol se rapproche à toute vitesse. Brusquement, la scène disparaît et je me retrouve par terre à

quatre pattes, le sourire aux lèvres. J’ai adoré cette poussée d’adrénaline le jour de mon arrivée chez les Audacieux et je l’aime toujours autant.

À côté de moi, Quatre reprend haleine, une main sur la poitrine.

Je me relève et je lui tends la main.

Quelque chose de dur me heurte le dos. Je me cogne la tête contre Quatre. Des murs se dressent soudain autour de nous. L’espace qui les sépare est si étroit que pour y tenir, Quatre doit plaquer les bras le long du corps. Un plafond s’abat sur les murs, suffisamment haut pour que Quatre se tienne debout. Il se voûte avec un gémissement.

— L’enfermement, dis-je.

Il émet un bruit de gorge et je m’écarte pour le regarder. Je discerne à peine son visage dans le noir.

Il y a tout juste assez d’air pour nous deux. Il grimace comme sous l’effet de la douleur.

— Hé, soufflé-je. Tout va bien ! Attends…

Je guide ses bras autour de moi pour nous ménager plus d’espace. Il s’agrippe à mon dos et colle sa tête contre la mienne. Son corps est tiède, mais tout est dur chez lui, il n’y a rien que des os et des muscles… Je me sens rougir. Et lui, sent-il que je suis bâtie comme une gamine ?

— C’est bien la première fois que je suis contente d’être petite, dis-je en riant.

En plaisantant, j’arriverai peut-être à le calmer. Et à me détendre par la même occasion.

— Mmhmm, fait-il d’un ton angoissé.

— On ne peut pas s’échapper. Alors, autant regarder la peur en face, non ?

Je n’attends pas de réponse.

— Ce que tu dois faire, c’est rétrécir l’espace. Aggraver les choses pour que ça finisse par s’arranger. D’accord ?

— Oui.

Un tout petit mot tendu, crispé.

— Bon, on va devoir s’accroupir. Prêt ?

Je lui prends la taille pour qu’il se baisse avec moi. Ses côtes se collent contre les miennes et les planches grincent les unes contre les autres tandis que le plafond descend en même temps que nous.

Je me rends compte qu’on ne tiendra pas longtemps en maintenant autant d’espace entre nous et je me roule en boule pour lui tourner le dos, la colonne vertébrale plaquée à son torse. Il a une jambe repliée sous moi de sorte que je suis assise sur sa cheville, et son autre genou est replié juste à côté

de ma tête. On n’est plus qu’un enchevêtrement de membres. Je sens son souffle saccadé contre mon oreille.

— Ah, lâche-t-il d’une voix rauque, c’est encore pire. C’est clair…

— Chut. Mets tes bras autour de moi.

Docilement, il les glisse autour de ma taille. Je souris au mur. Mais non, je ne savoure pas ce moment, pas du tout.

— La simulation mesure ton niveau de peur, chuchoté-je. Si tu arrives à ralentir ton rythme cardiaque, on passera à la simulation suivante. Essaie d’oublier qu’on est là.

Je ne fais que répéter ce qu’il nous a dit, mais ça l’aidera peut-être de l’entendre.

— Ah ouais ? Aussi simple que ça, hein ?

Je sens ses lèvres bouger contre mon oreille tandis qu’il parle et une sensation de chaleur m’envahit.

— Tu sais que la plupart des garçons se réjouiraient d’être enfermés avec une fille dans un endroit aussi restreint ?

Crétine. Je lève les yeux au ciel.

— Sauf les claustrophobes, Tris.

Il a vraiment l’air sur le point de craquer.

— D’accord, d’accord.

Je pose une main sur la sienne et je la guide jusqu’à mon cœur.

— Tu sens mon cœur qui bat ?

— Oui.

— Tu sens comme il est régulier ?

— Il est rapide.

— Ouais. Peut-être, mais ça n’a aucun rapport avec la boîte.

Je m’en mords les doigts avant d’avoir achevé ma phrase. Je viens d’avouer un truc.

Espérons qu’il n’a pas relevé.

— Voilà ce qu’on va faire : chaque fois que tu me sens respirer, tu respires. Concentre-toi là-dessus.

— OK.

Je respire profondément et sa poitrine se soulève et s’abaisse en rythme. Au bout de quelques secondes, je lui suggère calmement :

— Et si tu me racontais d’où vient cette peur ? En parler, ça peut parfois aider à… débloquer les choses.

Je ne vois pas bien comment, mais ça paraît logique.

Il continue à respirer en rythme avec moi.

— Heu… OK. Celle-là, ça vient de mon enfance de rêve. Punitions. Le cagibi sur le palier.

Je serre les lèvres. Je repense à mes punitions : envoyée dans ma chambre sans manger, privée de ceci ou de cela, grondée. Mais jamais on ne m’aurait enfermée. C’est de la cruauté.

J’en ai physiquement mal pour lui. Comme je ne sais pas quoi dire, j’essaie de rester sur le mode décontracté.

— Chez nous, ma mère rangeait nos manteaux d’hiver dans le cagibi, dis-je.

— Je n’ai… (Il avale une goulée d’air.) Je préfèrerais parler d’autre chose.

— D’accord. Alors… à mon tour. Demande-moi un truc.

— OK.

Il rit près de mon oreille, d’une voix mal assurée.

— Pourquoi ton cœur bat aussi vite, Tris ?

Je me maudis et je cherche une excuse qui n’ait rien à voir avec ses bras autour de moi.

— Ben, je te connais à peine…

Très insuffisant.

— Je te connais à peine et je me retrouve collée à toi dans une boîte. Qu’est-ce que tu crois ?

— Si on était dans ton paysage des peurs, je serais dedans ?

— Je n’ai pas peur de toi.

— Non, ça, c’est sûr. Ce n’était pas ma question.

Il rit de nouveau, et soudain, les murs s’écartent avec un craquement et s’écroulent, nous laissant au milieu d’un cercle de lumière. Quatre soupire et desserre son étreinte. Je me lève tant bien que mal et frotte mes vêtements, chassant une poussière fantôme. J’ai froid, tout à coup, de ne plus être collée contre lui.

Il se tient devant moi avec un sourire jusqu’aux oreilles, et je ne suis pas sûre d’aimer son air.

— T’aurais peut-être eu ta place chez les Sincères, parce que tu mens super mal, se moque-t-il.

— Je crois que mon test d’aptitudes a clairement exclu cette option.

— Le test d’aptitudes ne veut rien dire, réplique-t-il en secouant la tête.

Je plisse les yeux.

— Comment ça ? Ce n’est pas le résultat de ton test qui t’a fait atterrir chez les Audacieux ?

Une vague d’excitation me traverse le corps, provoquée par l’espoir qu’il est Divergent, qu’il est comme moi, qu’on peut découvrir ensemble ce que ça signifie.

— Pas vraiment, non. Je…

Il regarde par-dessus son épaule et s’interrompt. Une femme se tient à quelques mètres de nous, parfaitement immobile, et nous vise avec un pistolet. Elle n’a rien de remarquable ; si on partait tout de suite, je l’oublierais sur-le-champ. Sur ma droite apparaît une table. Dessus, il y a un deuxième pistolet et une seule balle. Qu’attend-elle pour nous tirer dessus ?

« Oh », me dis-je. Sa peur ne vient pas du danger qui pèse sur lui, mais de l’arme posée sur la table.

— Tu dois la tuer, soufflé-je.

— À chaque fois, me confirme-t-il.

— Elle n’est pas réelle.

— Elle a l’air réelle. Ça a l’air réel.

— Si elle l’était, tu serais déjà mort.

— Ça va. Je vais le faire. Ce paysage-ci n’est pas si terrible. Pas aussi paniquant.

Pas aussi paniquant, mais tout aussi pénible. Je le lis dans ses yeux tandis qu’il prend l’arme et ouvre la chambre, comme il l’a fait des milliers de fois, pour y insérer la balle. Il vise en tenant le pistolet à

deux mains, ferme un œil et inspire lentement.

En même temps qu’il expire, il tire et la tête de la femme est projetée en arrière. Je vois un éclair rouge et je me détourne. J’entends le bruit de son corps qui s’effondre.

Le pistolet tombe par terre avec un son mat. Tous les deux, on fixe le corps inerte. Il avait raison ; ça a l’air réel. Arrête, Tris. Je lui saisis le bras.

— Viens. On s’en va. Pas la peine de rester là.

Je le secoue et il sort de sa transe pour me suivre. Au moment où on passe devant la table, le corps de la femme disparaît, sauf dans mon esprit et dans le sien. Quel effet ça peut faire de tuer quelqu’un chaque fois qu’on traverse son paysage ? Je le saurai peut-être un jour.

Mais une question me laisse perplexe ; ces peurs sont censées être les pires craintes de Quatre. Et s’il a paniqué dans la boîte et sur le toit, il a tué la femme sans trop de difficulté.

En principe, la simulation exploite toutes les peurs qu’elle découvre chez quelqu’un, et chez lui, elle ne semble pas en avoir trouvé beaucoup.

— C’est parti, murmure-t-il.

En face de nous, une silhouette sombre se déplace en bordure du cercle de lumière, attendant que nous fassions notre prochain pas. Qui est cette personne qui hante les cauchemars de Quatre ?

En approchant, je distingue un homme grand et mince, aux cheveux ras, les mains derrière le dos, vêtu de la tenue grise des Altruistes.

— Marcus, murmuré-je.

— C’est maintenant que tu devines comment je m’appelle, commente Quatre d’une voix mal assurée.

— C’est…

Je regarde tour à tour l’homme qui s’avance lentement et Quatre, qui recule au même rythme, et tout se met en place. Marcus avait un fils qui a choisi les Audacieux. Il s’appelait…

— Tobias, dis-je.

Marcus nous montre ses mains. Une ceinture est enroulée autour de son poing. Il la déroule lentement.

— C’est pour ton bien, déclare-t-il, et sa voix résonne à l’infini.

Il se démultiplie en une dizaine de Marcus qui s’avancent en cercle dans le rond de lumière, tous armés d’une ceinture, tous avec la même expression impassible. Ils clignent des paupières et leurs yeux ne sont plus que des puits noirs et sans fond. Les ceintures glissent comme des serpents sur le sol, à présent carrelé de blanc. Une sueur froide me glace le dos.

Les Érudits ont accusé Marcus de cruauté. Pour une fois, ils ne mentaient pas.

Je regarde Quatre (ou Tobias), figé sur place. Les épaules voûtées, il paraît tout à coup bien plus âgé, et en même temps bien plus jeune que d’habitude. Le premier Marcus fait siffler sa ceinture par- dessus son épaule, prêt à frapper. Tobias a un mouvement de recul et lève un bras pour se protéger.

Je me jette devant lui et la ceinture s’enroule en claquant autour de mon poignet. Une brûlure aiguë

remonte mon bras jusqu’à mon coude. Je tire de toutes mes forces. Marcus lâche prise. Je récupère la ceinture que j’enroule autour de mon propre poignet.

Je bascule mon bras en arrière, si violemment que je me fais mal, et je frappe Marcus à l’épaule. Il pousse un cri de douleur et fond sur moi, les bras tendus, avec des ongles qui ressemblent à des serres. Tobias me pousse derrière lui et se dresse comme un bouclier entre Marcus et moi. Il semble plus en colère qu’effrayé.

Les Marcus ont disparu.

Les lumières reviennent, révélant une pièce longue et étroite, aux murs de brique ébréchés, au sol en ciment.

— C’est fini ? demandé-je. C’était ça, tes pires craintes ? Mais tu n’en as que quatre…

Je m’interromps.

— Oh ! C’est pour ça qu’on t’appelle…

Je me retourne vers lui et je laisse ma phrase en suspens devant son expression. Il a les yeux

écarquillés, la bouche entrouverte. Dans n’importe quelle autre circonstance, je dirais qu’il a l’air

épaté. Mais là, je ne comprends pas.

Il me prend par le coude, et m’attire à lui. Mon poignet me fait encore mal, comme si j’avais vraiment

été frappée par une ceinture. Pourtant, il ne porte aucune trace. Les lèvres de Quatre effleurent ma joue, puis ses bras se referment autour de mes épaules et je sens son souffle dans mon cou tandis qu’il y enfouit le visage.

L’espace d’une seconde, je me crispe, avant de le prendre dans mes bras en soupirant.

— Hé, murmuré-je. On a réussi.

Il relève la tête, glisse une main dans mes cheveux, en coince quelques uns derrière mon oreille. On se regarde sans rien dire, ses doigts jouant machinalement avec ma mèche.

— Grâce à toi, déclare-t-il enfin.

J’ai la gorge sèche. Je m’efforce d’ignorer cette décharge électrique qui me traverse dès qu’il me touche.

— Bah… C’est facile d’être courageux face aux peurs des autres.

Je laisse retomber mes mains et les essuie sur mon jean, en espérant qu’il ne va pas le remarquer.

S’il le remarque, il ne fait pas de commentaire. Il entremêle ses doigts aux miens.

— Viens, me dit-il. J’ai un autre truc à te montrer.

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Extrait ajouté par AntanasiaD 2023-06-09T18:34:33+02:00

Je me penche pour boire en rejetant mes cheveux dans mon dos. Au moment où mes lèvres touchent l’eau, j’entends parler au bout du couloir. Je m’approche lentement, sans faire de bruit, en comptant sur l’obscurité pour ne pas me faire repérer.

— Jusqu’ici, il n’y a eu aucun signe, dit la voix d’Eric.

Des signes de quoi ?

— C’est normal, ça ne se remarque pas à ce stade, lui répond une femme.

C’est une voix froide et familière, mais familière comme dans un rêve, pas comme si je connaissais la personne dans la réalité.

— On ne peut rien discerner en entraînement de combat, poursuit-elle. En revanche, les simulations permettent de révéler le cas échéant la présence de rebelles Divergents. Il va falloir examiner les enregistrements plusieurs fois pour vérifier.

Le mot « Divergent » me glace le sang. Le dos toujours collé au mur, je tends le cou pour essayer de voir à qui appartient cette voix.

— N’oublie pas la première raison pour laquelle je t’ai fait nommer par Max, reprend-elle.

Ta priorité est de les trouver. Toujours.

— Je ne l’oublie pas.

J’avance de quelques centimètres. Cette femme est donc celle qui tire les ficelles, c’est à elle qu’Eric doit sa position de leader ; c’est elle qui veut me voir morte. Je me penche pour l’apercevoir avant qu’ils tournent à l’angle du couloir.

Quelqu’un me saisit par derrière.

Je veux crier mais une main se plaque sur ma bouche. Elle sent le savon, et elle est assez grande pour me couvrir la moitié du visage. Je me débats, mais les bras me maintiennent avec force. Je mords un des doigts.

— Aïe ! lâche une voix âpre.

— La ferme, et garde la main sur sa bouche !

Cette voix-ci est aiguë et plus claire. Peter.

Un bandeau noir m’aveugle et une troisième paire de mains l’attache derrière ma tête. On me pousse en avant. J’ai du mal à respirer. Ils sont trois. La peur m’oppresse la poitrine. Je ne peux pas me battre seule contre trois.

— Je me demande de quoi ça a l’air, une Pète-sec qui supplie, ricane Peter. Allez, on se grouille.

J’essaie de me concentrer sur la main plaquée sur ma bouche. Je dois pouvoir en tirer un indice pour identifier la personne. Ça me donne un problème à résoudre. Et j’ai besoin d’un problème à résoudre tout de suite, ou je vais paniquer.

Sa main est chaude et moite. Je respire par le nez, la machoire crispée. Je connais cette odeur de savon. Sauge et citronnelle. C’est l’odeur qui flotte autour du lit d’Al. Un poids de plomb s’abat sur mon estomac.

J’entends le fracas de l’eau qui s’écrase sur les rochers. On est près du gouffre – juste au-dessus, vu la puissance du bruit. Je serre les lèvres pour ne pas hurler. Si on est bien là où je crois, je sais ce qu’ils veulent me faire.

— Allez, soulève-la.

Je me débats en criant. Pourtant, je sais que ça ne sert à rien, que je ne pourrai pas me libérer et que d’ici, personne ne m’entendra.

Je survivrai jusqu’à demain. Je survivrai.

Les mains me bousculent, me hissent, et mon dos heurte quelque chose de dur et de froid.

À en juger par sa largeur et sa courbure, c’est une barrière métallique. C’est LA barrière, celle qui surplombe le gouffre. Je respire en sifflant et l’écume du torrent me frôle la nuque. Les mains me forcent à m’arc-bouter contre le rail. Mes pieds ne touchent plus le sol, et seuls mes agresseurs me retiennent encore de basculer dans le vide.

Une main me pelote lourdement la poitrine.

— T’es sûre que t’as seize ans, Pète-sec ? On dirait que t’en n’as que douze.

L’un des deux autres se marre.

J’ai un goût de bile dans la bouche ; j’avale ma salive.

— Attendez ! Je crois que j’ai quand même trouvé quelque chose ! reprend la première voix.

Nouveaux rires. Je me mords la langue pour ne pas crier. La main m’écrase, maintenant.

Soudain Al me lâche, libérant ma bouche.

— Arrête ça, aboie-t-il.

Je reconnais sa voix grave, bien identifiable.

Aussitôt, je recommence à me débattre et me laisse glisser par terre. Cette fois, je mords violemment le premier bras que je trouve et j’entends un cri de douleur. J’enfonce mes dents et le goût du sang envahit ma bouche. Un objet dur me frappe au visage et un éclair incandescent explose dans ma tête.

Ce serait de la douleur si l’adrénaline ne me courait pas dans les veines comme de l’acide.

Celui que j’ai mordu libère son bras et me jette par terre. Mon coude heurte la pierre. Je porte les mains à mon visage pour retirer le bandeau. Un coup de pied me percute les côtes, expulsant l’air de mes poumons. Je suffoque, je tousse en cherchant à tâtons le nœud du bandeau. Quelqu’un me saisit par les cheveux et me claque la tête contre une surface dure.

Prise d’un vertige, je pousse un cri de douleur.

Alors, mes doigts tremblants glissent le long du bandeau, et je réussis finalement à le soulever. Je cligne des paupières. Tout est de travers et la scène oscille devant mes yeux.

J’entends des pas qui se précipitent vers nous et d’autres, lourds, qui s’éloignent. Ceux d’Al.

Je me relève en m’agrippant à la barrière.

Peter me soulève par-dessus la rambarde, une main sur ma gorge, le pouce enfoncé sous mon menton.

Ses cheveux d’ordinaire lisses et brillants sont emmêlés et collés à son front.

Son visage est blême et tendu, sa mâchoire contractée. Il me maintient suspendue au-dessus du gouffre. Des points noirs surgissent dans mon champ de vision, puis des points verts, bleus, roses, qui dansent sur sa figure. Il ne dit rien. J’essaie de lui donner des coups de pied mais mes jambes sont trop courtes. Je n’ai plus d’air.

J’entends un cri, et il me lâche.

Je tombe, les bras loin devant moi, et mes aisselles heurtent la barrière. Avec un gémissement, je replie les coudes dessus pour m’y accrocher. De l’écume jaillit sur mes chevilles. Le monde tangue et bascule autour de moi. Par terre, quelqu’un hurle de douleur ; c’est Drew. Il y a des coups de poing, des coups de pied. Des gémissements.

Je cligne plusieurs fois des paupières en essayant de me concentrer sur le seul visage que je vois. Il est déformé par la colère, mais il est toujours beau, et ses yeux toujours pensifs.

Je croasse :

— Quatre.

Je ferme les yeux.

Ses mains me hissent au-dessus de la rambarde. Il m’appuie contre lui, glisse un bras autour de mes

épaules et l’autre sous mes genoux. Je laisse aller ma tête sur sa poitrine, et c’est le silence.

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Extrait ajouté par lulucblsuc 2022-12-08T19:19:27+01:00

Je monte, et quand je me suis élevée de quelques mètres, il me suit. Il est plus rapide que moi, et bientôt, ses mains se posent sur le barreau que mes pieds viennent de quitter.

- Alors, dis-moi, fait-il, un peu essoufflé. D'après toi, quel est le but de cet exercice ? Je te parle du jeu, pas de l'escalade.

Je regarde en bas. Le sol paraît très loin, et j'en suis à peine au tiers. Au-dessus de moi, il y a une plateforme, juste sous le centre de la roue. C'est là que je vais. Je ne me demande même pas comment je vais redescendre. Le vent qui me caressait les joues tout à l'heure me déporte maintenant sur le côté. Il va être de plus en plus violent à mesure qu'on monte. Je dois m'y préparer.

- Apprendre la stratégie, dis-je. Ou l'esprit d'équipe.

- L'esprit d'équipe, répète-t-il.

Un éclat de rire s'étrangle dans sa gorge, comme un souffle de panique.

Le vent est de plus en plus fort. Je continue à grimper en me collant à l'échelle pour ne pas tomber, mais ça rend l'ascension plus difficile. En bas, le manège paraît tout petit. C'est à peine si je distingue encore les autres. Il en manque ; un groupe de recherche a dû s'en aller.

- L'esprit d'équipe est censé être une priorité, reprend Quatre. Du moins il l'était il n'y a pas si longtemps.

Je ne l'écoute pas vraiment, parce que j'ai le vertige. J'ai mal aux mains à force de serrer les barreaux et mes jambes flageolent, je ne sais pas bien pourquoi.

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Extrait ajouté par Talou61 2022-06-02T18:53:10+02:00

Mais le but n'est pas de se débarrasser de toutes ses peurs. C'est une illusion. Le but est de les contrôler, d'apprendre à ne plus les subir. C'est ça qui est important.

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Extrait ajouté par Talou61 2022-06-02T18:51:27+02:00

Les Audacieux ont peut-être été créés avec de bonnes intentions, de bons idéaux, de bons objectifs. Mais ils les ont perdus de vue. Et je me rends compte qu'il en va de même pour les Erudits. Autrefois, ils cultivaient la connaissance et l'intelligence pour les mettre au service du bien. Aujourd'hui, leur objectif est d'en tirer du pouvoir. Je me demande si les autres factions ont le même problème.

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Extrait ajouté par Talou61 2022-06-02T17:49:57+02:00

C'est sans doute pour ça que nos factions ont aussi peu de relations entre elles, remarqué-je avec un rire bref. Bon, les Sincères et les Altruistes ne se détestent pas autant que les Erudits et les Altruistes, mais ce n'est pas le grand amour. Cela dit, le vrai problème des Sincères, c'est surtout les Fraternels, non ? Ils leur reprochent assez de préférer mentir pour arrondir les angles plutôt que de mettre en péril leur sacro-sainte paix.

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