Commentaires de livres faits par gaelle608
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Et puis il y a eu le cerf.
- La ville de Versailles organise une loterie au profit de l'orphelinat, qui manque cruellement d'argent. Le prévôt m'a confié la délicate mission de tirer au sort les gagnants.
Au mot ''loterie'', le visage d'Elisabeth s'éclaira d'un sourire. Elle n'hésita pas et raconta comment Colin, son valet, avait échappé à la mort par deux fois voila quelques jours.
- J'ai promis de lui offrir un billet. Il a tant de chance en ce moment, qu'il ne peut que gagner ! Où en achète-t-on ?
- Eh bien… réfléchit Marie-Joséphine, dans les églises, sans doute, puisque c'est pour une bonne œuvre.
Charles-Philippe éclata de rire.
- Non, ma chère. On les trouve dans les cafés, les cabarets et les auberges.
Le grand et beau Charles-Philippe avait la réputation de faire souvent la fête, et connaissait parfaitement tous ces lieux de plaisir.
- Vous devriez interdire les loteries ! intervint sèchement Louis-Stanislas en s'adressant à Louis-Auguste. C'es immoral. Les simples d'esprit s'y ruinent en rêvant d'une fortune qu'ils n'auront jamais. Il y a tout juste quelques gagnants pour plusieurs milliers de billets ! Quand à vous, Babet, ne vous mêlez pas d'en achetez un, ce pourrait être dangereux.
- Que voulez-vous qu'il lui arrive ? se moqua Charles-Philippe. Nous ne vivons plus au Moyen-Age, les auberges de Versailles ne sont pas des coupe-gorge ! […]
- Les loteries rapportent beaucoup d'argent, expliqua Louis XVI. Si vous étiez roi, Louis-Stanislas, vous verriez la chose d'un autre œil. La moitié des sommes récoltées va directement dans les caisses de l'Etat.
- Hormis cette fois-ci, rectifia Marie-Joséphine. Tout ce bon argent aidera l'orphelinat. Le prévôt me l'a affirmé.
- C'est vrai, j'ai donné des ordres en ce sens.
Louis-Stanislas se tourna vers son épouse pour lui déclarer d'un ton pincé :
- Eh bien, ma chère, j'espère que vous aurez à cœur de faire gagner des gens qui le méritent…
- Que voulez-vous dire ? s'offusqua-t-elle. Me prenez-vous pour une tricheuse ? C'est la main de Dieu, et uniquement la main de Dieu qui guidera mon choix.
- Allons, allons, les disputa Marie-Antoinette. N'assommons pas notre Babet avec des discussions aussi sérieuses. Savez-vous ce que je vous ai apporté comme dessert ? minauda-t-elle.
Heureusement, tu as grandi avec Nelly, ta mère, ta coloc, ton amie, ta marraine, ton infirmière dévouée. Nelly s'est toujours démenée pour toi. Avec Rosa, ta grand-mère qui vous aidait et vous rendait visite une fois par mois, Nelly a tenu bon durant des années. Le petit appartement bien décoré, des vacances à la mer chaque été, pas très loin mais la Bretagne c'est déjà bien, et puis les nouvelles fringues de marque à chaque rentrée. La base, tu disais.
Il y a trois ans, Rosa est morte après une mauvaise chute en promenant son shit-tzu et quelques mois plus tard, Nelly s'est fait virer. L'annus horribilis, comme elle le dirait. Tu y penses souvent à cette année mais sur ta planche de BD, tu ne tiens pas à la dessiner. Ta mère a tenu deux ans, avec le fric du Pôle Emploi, les économies, les prêts aux copains par-ci par-là et peu à peu, ça s'est fait en silence, façon fantôme, la galère s'est insinuée. Tu n'a rien vu au début. Tu n'a rien senti. A part que vous avez dû déménager dans plus petit, mais toi ça t'allais, faut dire que ça te rapprochait du collège et de l'équipe de basket.
Maintenant que tu dessines tes journées, tu comprends que la galère est là, présente depuis des années. Comment t'as pu être aveugle à ce point ? Comment t'as pu ne t'apercevoir de rien ? Tu en as regardé pourtant des reportages à la télé. Ca parlait endettement, chômage, crise, licenciement, et rien, toutes ces années, pas même un petit électrochoc dans le poitrail, pas même une secousse pour te dire, hé Sacha, là on parle de ta mère et toi.
Nelly et toi habitez désormais un petit appartement livide au troisième étage. Vous vivez dans une cité mais elle n'a rien à voir avec ce qu'on aime médire des cités. […] Là-bas, il y a tellement de boutiques et de restos chics que personne sait que pour toi et ta mère, c'est la hess. Ca t'arrange à un point, personne n'a idée. Parce que la galère, ce n'est pas toi. Nuit et jour, matin et soir, tu l'assènes. Tu te le jures. Tu t'en fais ta vérité. Tu n'as rien à voir avec ce monde-là. Ces pauvres que tu vois à la télé, ces familles aux abois, ces clochards sur le faubourg Saint-Antoine ou ces poivrots aux terrasses des deux brasseries tristes devant l'hôpital.
Le soir, lucide dans ton lit, tu te mets pourtant dans le clans des miséreux. C'est comme un coup de vertige au bord du précipice. Ca te scie les jambes, ça te donne des bouffées d'air chaud et froid, et pour moi, c'est exactement ça la galère. D'abord ça monte, monte, comme une vague grignotant la plage, et ça finit par être un océan dans lequel plus rien n'existe sauf la noyade. Alors, dans ton lit, tout à trac, tu annules ta pensée. Tout va bien. Tout ira. La plage sera toujours là. C'et juste une crise de passage, rien qu'une mauvaise passe. Tout sera pour le mieux. La preuve, vous avec quatre murs, un toi et même des restes de gâteau au chocolat.
Je pédale jusqu'à la foret et je grimpe dans notre arbre. J'y vais pour me rappeler Judith. Et aussi pour respirer mieux parce que j'étouffe. Pas tout le temps, mais de plus en plus souvent.
Ca me prend comme ça
Sans prévenir
J'ai du mal à respirer
Ca me pèse sur le haut du torse
Et j'ai l'impression d'étuffer
Dans la salle de classe
Dans la cour du collège
J'étouffe même à la maison
Alors je sors
Parce que j'ai besoin d'air
- Non, dans mon livre, ça blesse pas les gens. C'est juste que ça met des images pas très belles dans la tête. Mais oui, il a raison ton maître, quand on dit des mots méchants aux autres, ça peut faire très mal !
- Comme Papa.
C'est pas une question qu'elle pose. Elle l'affirme. C'est pas un mot méchant non plus. Pas une insulte. Même pas une image violente. Juste deux mots : ''Comme Papa'', et pourtant c'est violent et je le prends en pleine figure. Ca m'écrase le cœur d'un seul coup, comme si un magasinier de cent kilos posait son genou sur ma poitrine.
Je pensais pas qu'elle comprenait ça ! Je suis un peu con, en fait. Je croyais quoi ? Qu'elle avait pas d'émotions ma petite sœur ? Comme une poupée qu'on appelle Princesse ?
Mon père a jamais été rude avec elle. Ses mots qui font mal, ils les réservent pour moi et ma mère. Alors je pensais pas qu'Amira, elle ressentait la violence des propos.
Alors, c'est parti poir un midi-minuit, t'es prêt ?
Le midi-minuit de ma vie.
Celui qui va tout faire basculer.
Comme quand il a dit qu'on était riches.
Pour lui, l'argent correspond a une philosophie de quantité d'énergie humaine. Pourquoi amasser des billets en papier qui ne servent à rien (il appelle ça des "ertogs", du nom d'une monnaie utilisée par nos ancêtres norvégiens au Moyen-Age) quand on peut utiliser l'énergie elle-même et court-circuiter le système monétaire ?
Ce qui est assez logique, bizarrement, puisque de toute façon on n'en a jamais, de l'argent. Ca ne le gêne pas beaucoup, voire pas du tout, parce qu'il pense sincèrement qu'on es vraiment riches. Attention, pas seulement ''pas pauvres'', ce qu'on est pourtant, mais ''mieux que bien''.
Il vit dans un système de troc en faisant des petits boulots à droite et à gauche. Par exemple, il ne se fait pas payer pour avoir décapé et verni la terrasse de Mme Petrakis, mais il repart de chez elle avec des baklavas maison, et trois barquettes en alu recyclable de moussaka, parce que c'est de la nourriture qui tient au corps et qui se congèle bien.
Si vous pensez que les histoires les plus terrifiantes arrivent forcément loin de chez vous, je m'apprête à vous faire changer d'avis. Pour cette histoire, il nous suffira d'aller en Nouvelle Aquitaine, dans une petite ville appelée Loudun. Pourquoi ce choix ? Parce que c'est là que le diable se serait rendu, il y a près de quatre siècles.
Tut commence en septembre 1632, dans un couvent. Dix-sept nonnes et dix femmes laïques catholiques y sont confinées depuis plusieurs mois. Une épidémie de peste ravage la région. La guerre de Trente Ans fait rage, les campagnes sont exsangues et affamées. La ville de Loudun est touchée depuis le mois d'avril, et les morts se comptent désormais par milliers. Les femmes ont fermé les portes de l'établissement pour se mettre en quarantaine, en attendant qu'il n'y ait plus de danger de contamination. Leur journées sont occupées à prier, méditer et jeûner, sans dévier. Mais, alors que l'épidémie semble toucher à sa fin et que la vie reprend son cours, tout se met à changer.
Lorsque vous vous coucherez ce soir, après avoir éteint la lumière, une fois que vous serez bien confortablement installés sous la couverture, ne tendez pas l'oreille. Ne faites pas attention aux grincements, aux crissements, aux tintements métalliques qui viennent subtilement perturber le silence de votre chambre. Il y a toujours une explication rationnelle, vous le savez bien : les maisons vivent, détendent leur carcasse quand tous le monde est au lit, il n'y a aucune raison de paniquer. A moins, bien sûr, que vous commenciez à ressentir quelque chose dans vos cheveux, des doigts invisibles qui pincent votre peau, ou que votre couverture de s'envole brutalement pour atterrir à l'autre bout de la pièce. Dance ce cas, oui, il se peut que vous soyez effectivement face à la pire sorte de fantômes qui existe : un fantôme de sorcière…
Tous les jours depuis ma naissance, quelqu'un m'a nourrie, m'a fait ma toilette, m'a lu des histoires et m'a aidée pour chaque petit détail de ma vie. Alors ces derniers temps, j'ai commencé à me demander quand est-ce que j'allais pouvoir faire des choses pour moi. Est-ce que je serai un jour maitresse de ma propre vie ? Je veux dire, je sais que j'aurai toujours besoin d'un minimum d'aide, mais quand est-ce que j'allais pouvoir être moi ?
Alors ce que je me dis… c'est que peut-être, en colonie de vacances, surtout si c'est un endroit spécialisé dans l'accueil d'enfants comme moi, je pourrai être simplement Mélodie Brooks pendant quelques jours. Oh là là ! Ce serait dément !
Après l'école, on filait tous les quatre au Bateau Ivre, le bar du père de Mollusque. On prenait le goûter entre deux parties de flipper et on faisait nos devoirs, dans la salle du fond. On avait négocié le droit de faire les DJ du bar de 16h45 à 17h15 contre la grosse vaisselle du midi.
On était à fond dans le rap à l'époque, y'avait que ça de vrai pour nous, alors on balançait nos groupes préférés. Denis, le père de Mollusque, râlait pour le principe, tout en nous préparant des gaufres Nutella/chantilly.
On n'a jamais été plus heureux que là.
Je crois pas qu'on le soit moins, on l'est juste différemment. On a grandi, quoi.
Denis a lâché son bar, et a pris un pressing. Coup de cafard pour la petite bande.
On continue du coup à se retrouver au Bateau Ivre. De temps en temps, c'est Manel qui nous sert. Il s'est fait embaucher quelques heures dans la semaine, ça lui fait de l'argent de poche.
Je vous présente la bande, avant de parler (un peu) de moi. Un truc que je connais bien, à force.
Ma mère obstrue les fenêtres, pendant que Lisa lit ses histoires de Lili.
Jules, lui, se dandine d'un pied sur l'autre. Il a envie de parler, ça se voit.
- Il y a un vieux copain qui me colle aux basques ! lance-t-il tout à trac.
- Qui ça ? demande ma mère, curieuse.
- Hyppolite. C'est triste à dire, mais ce type est complètement idiot. Attends ! Il m'a demandé de but en blanc si je ne connaissais pas quelqu'un dans la Résistance.
Mon père n'est plus là pour le rabrouer. Alors il continue :
- Ce type là est trop bête et maladroit. Je ne voudrais pas être à la place de ceux qui l'aideront. Trop risqué !
- Je pense qu'il veut échapper au STO, le malheureux, tempère ma mère.
Je suis obligé de me taire. j'essaie d'imaginer la tête de Jules si je lui annonçait : ''Mais si, tu connais quelqu'un dans la Résistance : moi ! Et puis bien d'autres aussi…'' Serait-il surpris, effrayé ? Et ma mère, comment réagirait-elle ? Avec colère, j'en suis sûr. Mais à quoi bon penser à ça ! Je dois garder le secret. Pour moi, pour eux, la vérité est dangereuse. Je dois continuer à jouer un double jeu.
Lisa lève les yeux de sa revue. J'intercepte son regard. Elle a compris, j'en suis sûr, que je voulais lui parler. Elle repousse sa chaise, part dans le vestibule. Je la suis.
- Tu as entendu, Lis…
Mais que fait-elle ? Elle décroche son manteau. Je ne peux m'empêcher de lui demander où elle va.
- Euh… J'ai juste envie d'aller prendre l'ai ce soir. Seule !
Ce dernier mot me fait l'effet d'une gifle.
Pour qu'elle ne perçoive pas mon trouble, je lui lance bêtement :
- Fais attention, c'est couvre-feu !
Je la suis dans la cour. Quelques minutes plus tard, elle s'est évanouie dans la nuit. Je m'en veux de lui avoir posé cette question qui l'a obligée à mentir.
Seule ? Elle ne le sera pas longtemps. Eusèbe va bientôt la serrer dans ses bras.
J'en ai marre des secrets. Vraiment marre.
Puis je fais volte-face, j'escalade le soubassement de la falaise, je passe mon bras entre deux rochers, je fouille du plat de la main, et là, je la sens. La poignée, sous mes doigts. Je tire une grosse valise que je dépose à mes pieds. Clic clac ! Je l'ouvre.
- Poste émetteur-récepteur de fabrication anglaise, je dis à toute vitesse.
D'u coup sec, je referme le couvercle, et j'explique :
- Ce poste a été apporté ici pour vous persuader de travailler avec nous. A peine aurons-nous le dos tournée qu'il rejoindra une cachette plus sûr !
Apparemment, mon coup de maître a bluffé le notaire.
D'une voix plus douce, il demande :
- Qu'attend le Lynx de moi ?
Avec précision, je résume la situation :
- Ce poste n'a plus d'opérateur. Londres nous en envoie un nouveau. A vous de trouver une maison isolée pour l'héberger t des lieux sécurisés d'où il pourra émettre. En tant que notaire, vous êtes idéalement placé pour ça.
Je marque une pause pour lui permettre de digérer l'info. Et je lance mon dernier hameçon.
- Nous savons aussi que vous avez une revanche à prendre sur les nazis.
- AH CA ! s'écrie le notaire.
Derrière les verres épais de ses lunettes, son regard se durcit.
Pense-t-il à ce que les Allemands lui ont fait subir ?
- Tu feras dire au Lynx qu'il peut compter sur moi, reprend-il fermement.
Le poisson est ferré !
Un sifflement de merle !
C'est le signal.
Ma main en porte-voix, je répète les notes joyeuses. Une ombre au chapeau mou apparait en haut de la coulée glacée. J'entame les présentations :
- Voilà Pégase, l'agent envoyé par Londres pour organiser les foyers de résistance de la région.
Notre homme dévale la pente en nous rejoint en râlant :
- Mais qu'est-ce que vous faites là tout les trois ?
- Pégase, voici Lisa et Eusèbe, je continue.
- Bon… bonjour, monsieur !
La voix de mes copains manque d'assurance. Il faut dire que le résistant, dans sa gabardine grise, en impose. Et qu'il ne cache pas sa mauvaise humeur.
- Le lynx est décidément étrange ! commente-t-il sèchement. Envoyer ses trois agents de liaison en même temps !
L'idée n'est pas maligne, c'est sûr. Je me justifie :
- C'est parce que nous devons vous avouer quelque chose !
- Assez ! s'emporte-t-il. Je veux voir votre chef ! Je vais lui rappeler que la guerre n'est pas un jeu de petits scouts !
- Justement, vous l'avez devant vous, le Lynx !
Ca y est, je lai dit ! Pégase reste muet de stupeur, avant de s'emporter :
- C'est ça ! Et moi, je suis le général de Gaulle ! Cette fois, J'EXIGE que vous alliez chercher votre chef ! IMMEDIATEMENT !
Il refuse de nous croire ! Lisa tente de l'amadouer :
- Il vous dit la vérité, monsieur ! Vous ne pouviez pas continuer de nous donner des missions sans savoir.
L'imprimerie jouet, que j'ai ''emprunté'' à M. Marnier, a quitté sa cache des trois bouleaux pour réapparaître sur le plancher.
Eusèbe sélectionne une à une les lettres de la phrase qu'on a choisi d'imprimer pour ses parents.
- Je suis sûr, affirme-t-il, qu'ils seront heureux de reprendre du service. Cela fait trop longtemps que leur filière d'extraction des prisonniers français en zone libre n'est plus active !
Puis il bombe le torse pour m'annoncer :
- Je ne t'ai pas raconté, François, mais après la cérémonie au cimetière, mon père m'a avoué que je l'avais épaté en entonnant La Marseillaise. C'est la première fois que je le voyais fier de moi.
- Tu exagères, le coupe Lisa. Ton père, il est un peu sévère… mais il t'aime bien quand même.
Oui, il aime bien son fils, mais il est exigeant avec lui. Trop. Au point qu'Eusèbe a souvent l'impression de ne pas être à la hauteur.
- Peut-être, répond simplement mon copain. En tout cas, je ne me suis pas démonté. Et j'ai dit à mon père qu'il fallait bien que les jeunes fassent le boulot si les adultes démissionnaient.
Eusèbe résiste à son père maintenant… Quel progrès ! Je le félicite :
- Chapeau ! Et comment il a réagi ?
- Il était furax. J'ai même cru qu'il allait me révéler ses activités. Mais ma mère l'en a empêché. Alors, j'ai prêché le faux pour savoir le vrai : ''Vous croyez que les gens qui luttent contre les nazis vont cesser de le faire maintenant qu'ils ont vu qu'ils risquaient d'être fusillés comme le papa de François ?''. Sans hésiter une seconde, il a affirmé : ''Mais bien sûr que non !'' J'étais épaté : mon père n'avait pas peur ! C'est pour cette raison que je suis persuadé qu'ils seront contents de recevoir ça !
Et il nous montre le tract qu'il vient d'imprimer.
''La colère des nazis endormie, le Lynx reprend du service à Pontain l'Ecluse !''
On ne peut pas faire plus explicite !
Ma belle. C'est pas comme si papa le disait. Ca va ? Oui. Quand Modjo me le demande, il a l'air bizarre, mais je le mets à l'aide.
Luludja n'a pas envie de quitter ses amies. Son père tente de la rassurer :
- Tu verras, la France est accueillante. Enfin, elle l'est devenue.
Six ans auparavant, la famille Speranta était déjà parie pour la France. Pour quelques mois, avant d'être expulsée. Contrairement à son frère Charlie, Luludja n'en garde pas beaucoup de souvenirs. Elle n'avait que cinq ans. Le seul avantage de ce premier séjour est que toute la famille a appris le français.
Ces dernières années, le choses ont cependant changé. La Roumanie est entrée dans l'Union européenne en 2007. Inquiet pour ses enfants qi passaient leurs temps à traîner dans les rues avec d'autres jeunes, le père a décidé de retourner en France. Il a expliqué à sa famille :
- Là-bas, les salaires sont plus élevés. Et puis, l'école française est sérieuse et accepte gratuitement tous les enfants.
La mère a renchéri :
- Comme ça, vous aurez un beau métier.
La famille ne prend pas les autoroutes, trop chères. Le voyage est interminable.
Au bout de deux jours, la famille arrive enfin et s'installe dans un campement de l'Ile-de-France, à côté de Paris.
Les maisons sont des caravanes avec ou sans roues et des cabanons de planches et de tôles, recouvertes de bâches bleues ou noires. De nombreux objets cassés et rouillés gisent ici et là : une machine à laver, un frigo, une poussette, un moteur ou encore des vélos. Devant certaines habitations, des personnes ont installé une table recouverte de toile cirée. Des petits enfants marchent pieds nus dans la boue et des chiens faméliques s'abreuvent dans les larges flaques. Luludja aperçoit un rat. Les chats ne semblent as s'en préoccuper.
La famille trouvent un emplacement libre grâce à l'aide de Pépé, dit le Gitan. Pépé est le plus ancien habitant du camp, le doyen.
A ce cri atroce, Nyne, Anya et Antos lèvent la tête, terrifiés. Mais, une seconde avant, Cyd a prévenu son jeune maître :
''Sur mon dos ! Vite !"
Et, quand le dragon mort fond sur eux, Cham chevauche déjà le dragon blanc, Ténébreuse au poing.
- Brûle-les ! Brule-les tous ! rugit Darkat du haut de la tour.
Instinctivement, Antos et les deux filles se sont jetés derrière la masse écailleuse de Cyd, et le dragon déploie ses ailes pour mieux les protéger. Une lumière aveuglante éclaire la cour de la citadelle, qui s'emplie d'une chaleur de four. Les deux adversaires ont craché en même temps un jet incandescent. Comme lors de leur premier affrontement au-dessus de la ville de Talmir, le feu de Cyd rencontre le feu du Schrik et le fend en deux. Le dragon et le dragon blanc passent au travers des flammes. Tandis que Cyd décolle, Cham crie à son père, à sa sœur et à la jeune inconnue :
- Abritez-vous derrière le donjon !
Les deux immenses créatures, la blanche et la noire, décrivent un large cercle au-dessus de la citadelle. Une deuxième fois, elles se précipitent l'une vers l'autre, s'empoignent de toute la force de leurs griffes.
- Brûle-les ! rugit de nouveau Darkat, d'une voix enfiévrée.
Quand au diamant, aussi magnifique soit-il, il a quelque chose de vaguement maléfique. Nyne ne sait pas d'où il vient. Cham et Dhydra n'ont jamais raconté, ni à elle ni à Antos, qu'Eddhor avait créé la strige autour du diamant ôté de son épée. Ce n'étais pourtant pas un secret. Seulement, les rares dois où ils s'étaient enfin retrouvés en famille, ils n'avaient guère envie de parler de la sinistre créature de fumée. E, pour le moment, il vaut sans doute mieux que la fillette ne connaisse pas l'origine de la pierre : elle n'oserait plus la tenir entre ses mains.
D'ailleurs, Nyne confie à sa drôle de compagne :
- Tu vois, Terrelle, ce joyau est très beau, mais il me fait un peu peur. Je me demande pourquoi…
-Eh bien, Biscuit, qu'as-tu trouvé ?
Elle s'accroupit. Des pleurs qui ressemblaient à ceux d'un chaton se firent aussitôt entendre. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle adorait les chats et, par chance, Biscuit aussi.
- Doux Jésus !
Ce qu'Elisabeth vit dans la pénombre l'effraya tellement qu'elle poussa un cri et se retrouva les fesses par terre. Une poupée ! Une poupée, mais... vivante. La chose gigotait... Et puis, tout à coup, elle se mit à brailler !
- Mais... mais... bafouilla Elisabeth, qui n'en revenait pas.
La princesse attrapa le paquet. Dedans, il y avait un bébé emmailloté ! Dès qu'il sentit des bras autour de lui, il se calma. Elle distinguait deux yeux et un petit nez, une tête ronde coiffée d'un bonnet. Chez lui, tout était minuscule...
- Flûte ! Ma jupe est froissée ! Et sa couleur jure avec celle du châle d'Angélique. Marie-Antoinette, qui est si élégante, me le reprochera sans doute !
Elle ôta le châle.
- Qu'en penses-tu, Colin ?
Le valet n'eut pas le temps de répondre. La porte d'un logement s'ouvrit : un homme d'une quarantaine d'années en sortit, marchant à grands pas. Le regard sombre, il fonça tête baissée et bouscula violemment Elisabeth.
- Aïe ! gémit-elle en s'étalant sur le parquet.
- Monsieur ! s'indigna Colin avant de se précipiter vers sa maîtresse. Espèce de... grossier personnage ! lui lança-t-il en aidant la princesse à se relever.
L'homme l'avait entendu. Il fit demi-tour, se planta devant le garçon et s'emporta :
- Comment m'as-tu appelé ?
Biscuit se mit à grogner, montrant les dents pour défendre le valet. Elisabeth s'interposa aussitôt, menton haut :
- Vous êtes un malotru, monsieur ! Vous pourriez vous excusez tout de même !
- C'est vous qui étiez sur mon chemin. Vous n'aviez qu'à vous pousser !
Sur ces mots, il repartit sans perdre de temps.
- De la Cour ? répéta Elisabeth en ouvrant de grands yeux. Alors, je pourrai vous voir danser ?
- Je ne pense pas, hélas... Je ne suis encore que remplaçante. Il faudrait que l'une de mes collègues soit souffrante...
- Il va y avoir un spectacle ? s'étonna à son tour Angélique.
Mme de Mackau s'arrêté un instant de courir pour expliquer, gênée :
- Je ne vous en ai pas parlée, Madame, car Mme de Guémené estime que vous ne pouvez y assister. Vous savez que Monseigneur, votre frère Charles-Philippe, fêtera ses 18 ans le 9 de ce mois. Sa Majesté la reine a décidé de lui offrir une représentation de son opéra préféré,Orphée et Eurydice, de Gluck. Il aura lieu à la salle de comédie, la veille de notre départ, dans deux jours.
- Pourquoi n'y suis-je pas invitée ? s'indigna Elisabeth d'un air peiné. C'est tout de même l'anniversaire de mon frère !
- Les jeunes filles de votre âge n'y ont pas leur place. Votre sœur, Madame Clotilde, n'a vu son premier opéra qu'à l'âge de 14 ans. Vous même n'en avez que 11.
La princesse semblait si déçue... Marie-Madeleine tenta de la consoler :
- Il y aura beaucoup de chants, entrecoupés par à peine cinq courts ballets de quelques minutes... Juste cinq minuscules ballets...
- J'adore la musique tout autant que la danse...
- ... et la troupe jouera avec moitié moins de danseuses et de choristes qu'à Paris, car la scène de Versailles est toute petite...
- Cela m'est bien égal ! Je veux tout de même y aller !
- Non, vous dis-je, soupira la sous-gouvernante.
Mais Elisabeth serrait déjà les poings, bouche pincée, telle une enfant capricieuse prête à exploser de colère. Voilà bien longtemps qu'elle n'avait pas manifesté une attitude si désagréable. Marie-Madeleine, pensant lui faire plaisir, proposa :
- Aimeriez-vous assister aux répétitions ? La salle de comédie est située au bout de votre bâtiment. Je pourrais vous amener dans les coulisses, pour vous montrer la façon dont travaillent les artistes...
Dans le dos d'Elisabeth, Mme de Mackau secouait la tête et laçait des ''non'' muets que la jeune danseuse remarqua trop tard.
- Quelle excellente idée ! s’enthousiasma aussitôt la princesse. N'est-ce pas , Angélique ?
- Mais, se mis à rire Elisabeth, je sais le faire depuis longtemps !
- Eh bien, montrez-nous.
Elisabeth traversa la pièce à grand pas, ce qui fit hocher la tête à Marie-Madeleine d'un air amusé.
- Mme de Guémené a raison, vous êtes charmante de naturel ! Mais, ce que l'on attend de vous, c'est de faire des petits pas, le dos droit, la tête haute, et sans précipitation.
- Personne ne m'a jamais reproché ma démarche, se défendit Elisabeth, un peu vexée.
- Sans doute parce que votre gouvernant n'avait pas encore abordé ce sujet avec vous. Angélique, voulez-vous essayer à votre tour ?
La jeune fille se dépêcha d'appliquer les consignes. Elle avança en tenant ses jupes à deux mains, comme le faisaient les duchesses, chez la reine, le menton levé et la bouche pincée... C'étais si exagérée qu'Elisabeth ne put s'empêcher de pouffer. Pourtant, Marie-Madeleine ne fit aucune remarque à Angélique. Au contraire, elle la félicita :
- C'est un bon début, qu'il faudra améliorer. je vais vous enseigner une méthode infaillible... Veuillez m'excuser un instant.
Elle gagna l'antichambre et revint avec un grand livre de toile verte.
- Je crois que oui, répond sa mère à mi-voix.
Célestine prend sa main. Elle est si stupéfaite que, pour une fois, elle ne trouve plus rien à dire. Derrières elles, des carrioles, des fiacres, des calèches circulent en tous sens. Les Parisiens se promènent, les livreurs courent, les vendeurs ambulants interpellent les passants. Toutes les deux demeurent immobiles, silencieuses, saisies par tant de richesse et de beauté. C'est si grand, c'est si majestueux ! Ce ne doit pas être facile d'entrer dans un tel palais ! Heureusement que Célestine a des chaussons porte-bonheur... Et dans un mouvement superstitieux, elle serre contre elle la boîte de Mademoiselle Aimée.
Nuit noire. Ca se voyait à la fenêtre. C'était l'obscurité, comme les matins de collège en janvier. On était pourtant un dimanche, et en avril.
Qu'est-ce qu'il lui prenait de nous réveiller si tôt ?
ZeCrow grogna.
- Qu'est-ce qui se passe ? je demandai.
- Je ne sais pas, répondit Papa.
A sa voix, je compris qu'il n'avait pas répondu à ma question, mais à une autre.
J'entendis une incompréhension, et une sourde inquiétude.
Je le connais, je sais quand ça ne va pas…
Lorsqu'il fut sorti, TheCrow grommela, sous sa couette, avec son ton caverneux, inimitable, du matin.
- Ca y est, cet homme a basculé dans la démence sénile et dans le crime.
Mon frère à sept ans, mais pas mal de vocabulaire.
En l'occurrence, il parlait de l'heure du réveil, je suppose.
Bien sûr, comme tout les dimanches, Papa voulait que nous allions à la messe, et on râlerait, on traînerait des pieds… Mais, enfin, normalement, c'est à 11 heure, et on se fait une grasse matinée.
Un coup d'œil pour vérifier, à ma montre-chrono-altimètre-boussole : en fait, il ne nous avait pas réveillé plus tôt. Mon réveil marquait 9h30. C'était le jour qui se levait plus tard. Trop tard. Qui ne se levait pas.