Extraits

RHODOS HIC SALTA, ce qui signifiait en gros : Montre ce que tusais faire.

- Rien de grave. Ce matin, à l'école, je me suis coupée avec du papier. Bon, revenons à nos moutons : tant que tu ne pourras pas spécifier (mon Dieu, comme j'étais fière d'avoir trouvé ce mot) ces choses que tu prétends avoir découvertes, pas question que je collabore avec toi !

Gideon chercha de nouveau à m'attraper le bras.

- Mais cette entaille me semble importante. Laisse-moi voir... Nous ferions mieux d'aller trouver le docteur White. Il est peut-être encore dans la maison.

- Ce qui signifie sans doute que tu ne veux pas t'exprimer plus avant sur ce que tu as soi-disant appris.

De mon bras tendu, je l'écartai pour l'empêcher d'examiner ma blessure.

- Parce que j'ai encore du mal à mettre tout ça en ordre, dit Gideon.

Et tout comme Lucas venait de le faire, il ajouta avec une légère touche de désespoir dans la voix :

- Il me faut juste un peu plus de temps !

- Oui, comme tout le monde, remarquai-je.

Je me remis en marche. Nous étions déjà arrivés devant l'atelier de Mme Rossini ; la sortie n'était plus très loin.

- Au revoir, Gideon ! À demain matin, malheureusement.

Je m'attendais à ce qu'il me retienne, mais non. Il ne me suivit même pas.

Je grimpai au plus vite l'escalier en colimaçon. Avec pour résultat qu'une fois arrivée en haut, j'étais complètement essoufflée. J'avais bien envie de me pencher sur la rampe pour récupérer, mais je n'allais tout de même pas avouer ce moment de faiblesse. D'autant plus que Gideon ne semblait pas le moins du monde épuisé. Alors, je continuai à grimper quatre à quatre jusqu'à ce qu'il me saisisse le poignet et me force à m'arrêter. Je sursautai quand ses doigts pressèrent ma blessure.

Elle se remit à saigner.

- Tu me détestes, bon, OK, vraiment, ça ne me pose pas de problème, dit Gideon en me regardant gravement dans les yeux. Mais j'ai appris des choses qui rendent notre collaboration nécessaire. Pour que tu... afin de nous tirer sains et saufs de cette histoire.

Je cherchai à me libérer, mais il resserra sa prise.

- Et quelles sont ces choses ? demandai-je en réprimant un « aïe !

».

- Je ne le sais pas encore exactement. Mais il se pourrait bien que je me sois trompé sur les intentions de Lucy et Paul. Et c'est pourquoi il importe que tu...

Il s'arrêta net, me lâcha et fixa la paume de sa main.

- C'est du sang ?

Mince ! Surtout ne pas donner l'air d'avoir été prise en faute.

- Vous voyez ce que vous avez fait, se plaignit Mr Marley à Gideon. Maintenant, je ne sais pas ce qui va m'arr... Le protocole dit que... et si nous...

- Ne faites pas dans votre froc, Marley. Allez, viens, Gwenny, allons-nous-en !

J'affichai l'air le plus hautain (pour autant qu'on puisse le faire avec les dents de devant enfoncées dans la lèvre... je devais sans doute avoir l'air d'un castor. D'un castor hautain, toutefois...) et j'ignorai sa main.

Voyons voir... j'avais passé tout l'après-midi avec mon grand-père à élaborer des plans conspirateurs, nous avions collecté clandestinement mon sang dans le chronographe et j'étais partie en 1852, où j'avais eu une rencontre conspiratrice avec lady Tilney. D'accord, pas si conspiratrice que ça, mais tout de même interdite.

- Éloigne-le, demanda Lucas, sur le point de vomir. Tonnerre, tu as un sacré courage, une vraie Montrose, hmm. Fidèle à notre devise familiale...

- Oui, je tiens certainement ça de toi ! dis-je en riant.

Il ignorait totalement combien je l'aimais... et je ne pouvais pas le lui dire. Personne n'a envie d'entendre ce genre de chose de la part de quelqu'un avec qui on vient de passer quelques heures seulement. Je tentai de mon mieux d'ignorer la boule dans ma gorge.

Pour moi, c'était un rubis et Gideon « avait droit » au diamant, qui était si énorme qu'on aurait pu l'échanger contre une grande maison dans les beaux quartiers.

- Peur de moi ? Ce type m'a étranglée sans même me toucher... et comme il est aussi capable de lire dans les pensées, il sait bien que c'est moi qui ai terriblement peur de lui et pas le contraire.

- Il t'a étranglée ? Sans te toucher ? répéta Mr George en s'arrêtant pour me fixer d'un air choqué. Dieu du ciel, Gwendolyn, pourquoi n'en as-tu rien dit ?

- M'auriez-vous crue ?