Voyage au bout de l'enfer

En intégrant cette nouvelle équipe en tant que chef, la capitaine Lucie Delavier ne s'attendait sûrement pas à ce virage vers ce que l'occultisme peut avoir de plus sombre. Et moi non plus, j'ai appris un tas de choses qui me font froid dans le dos puisque véridiques (j'ai aussi mené ma petite enquête). Et je vous promets que vous ne verrez plus le monde qui vous entoure de la même façon. On sent bien que l'auteur s'est documenté et cette touche de réalisme ne fait que renforcer l'intensité de l'enquête.

Pourtant tout commence par la "simple" découverte du corps d'une jeune femme assassinée dans une forêt. Le quotidien, hélas, pour la brigade criminelle de Lyon. Mais ceux à quoi ils ne s'attendaient pas c'était de tomber sur une dizaine se corps enrerrés plus loin. Et là débute une enquête passionnante puisqu'il va falloir identifier des corps qui pour la plupart sont enterrés là depuis des mois. Un long travail commence pour la scientifique et les légistes qui sont décidément de plus en plus présents dans les enquêtes, ce que j'adore puisque leur rôle est on ne peut plus prépondérant. J'ai suivi avec passion la découverte des différentes identités des victimes. Et puis surtout j'ai ressenti de la douleur pour eux et leurs proches. On parle souvent peu de ce travail de la police qui est aussi de prévenir les proches que le dernier espoir qu'ils gardaient de revoir celui ou celle qu'ils aiment, en vie, s'effondre. Et ici on se prend vraiment la douleur des proches en pleine face, un parti pris qu'on voit peu et que j'ai apprécié, d'autant que cela nous rends plus humaines les victimes. Ce ne sont plus de simples cadavres mais des êtres humains qui comptaient pour d'autres personnes. De plus cela permait aussi à la police d'en apprendre plus sur les victimes et de pouvoir, dans certains cas, faire avancer l'enquete. On comprend aussi la frustration de l'équipe qui se heurte à un mur où qu'elle se tourne et notamment pour comprendre le lien qui unit ces victimes. Et cela met les nerfs de Lucie à rude épreuve car c'est loin d'être quelqu'un de patient. Il faut dire qu'elle n'a pas trés bonne opinion des hommes , à cause de son passé de militaire notamment, et qu'elle s'imagine que son équipe, uniquement composée d'hommmes n'acceptera jamais son autorité. Pourtant elle se trompe complétement, aucun de ses hommes ne pensent à lui manquer de respect et c'est plutôt son sale caractère qui rend la situation tendue au sein de l'équipe. J'ai beaucoup aimé ce parti pris : les hommes flics ne sont pas tous d'abominables mysogines. Encore une fois l'auteur casse les clichés et les codes.

Petit focus sur l'équipe de Lucie : Christian d'abord, flic plus âgé dont on comprend qu'il a sacrifié sa famille au service de son travail et que cela restera une grande blessure. Personne pondérée qui, plus d'une fois calmera le mauvais caractère de Lucie, il est pour moi le pilier de l'équipe de par son côté un peu paternel. Il ne veut d'ailleurs pas que son jeune collègue Benoit fasse la même bêtise que lui puisqu'il est marié et jeune papa. Un peu maladroit, supportant difficilement le sale caractère de sa chef, celui-ci va pourtant vite devenir indispensable à l'enquête. Quant au 4eme policier, Franck, il s'est porté volontaire pour renforcer l'équipe. Mais c'est un personnage qui, sous ses airs très impassibles, réserve de nombreuses surprises. Quant à Lucie j'avoue que sa vie privée a titillé ma curiosité. Mais malgré son sale caratère on comprend aussi qu'elle puisse avoir des appréhesions sur le fait d'être la seule femme de l'équipe d'autant plus qu'elle est leur chef et n'a pas le droit à l'erreur.

Et puis d'un coup l'enquête prend un tout autre tournant ! Et, à notre grande surprise nous allons nous diriger vers une philosophie, une dérive ésotérique qui existe vraiment et que je ne connaissais absolument pas. Ce qui est inquiétant c'est qu'elle a de nombreuses ramifications : dans les produits de beauté, l'agriculture et elle possède même ses propres écoles. Nous sommes en pleine dérive sectaire. Son nom : l'anthroposophie.

Si vous êtes curieux n'hésitez pas à aller faire un petit tour sur Internet, c'est édifiant.

Même si le résumé parlé d'ésotérisme je ne m'attendais pas du tout à cela. Et ici nous ne sommes pas dans du fantastique ou dans la tête d'un fou qui se croit incarné par quelques sombres déités. Non, l'auteur s'appuie sur des faits véridiques ce qui, une fois encore, renforce l'histoire.

De plus, il prend un pari risqué en nous donnant le nom du tueur à peu près à la moitié du récit. Là je me suis demandée ce qu'il allait bien pouvoir se passer par la suite. Et, effectivement, le revirement de l'enquête m'a complètement prise au dépourvu. L'auteur a su très habilement relancer le récit, qui aurait pu vite s'enliser dans une succession de petites découvertes, et non, il nous prend encore par surprise en nous donnant le nom de l'assassin. Mais vous vous doutez bien que l'histoire ne s'arrête pas là. Je vous ai déjà parlé de l'anthroposophie mais qui se cache derrière ce mouvement sectaire ?

Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas spoiler l'histoire. En tout cas j'ai été conquise par le parti pris de l'auteur qui fait de son roman une oeuvre originale et prends des tours et des détours auxquels on ne s'attend pas. Je suis passée par une foule d'émotions allant de l'angoisse à la douleur, de l'envie d'en savoir plus à la plus grande surprise. "Voyage au bout de l'enfer" est un récit au parti pris original et loin des clichés et qui plonge ses racines dans une réalité édifiante.

Ce livre est un polar dans le sens où on suit l’enquête aux côtés des forces de l’ordre (sauf la deuxième partie qui va en surprendre plus d’un !). Mais l’atmosphère est tellement tendue, tellement oppressante que l’on peut parler de thriller.

L’écriture de Florent rend cette histoire terriblement addictive. C’est le genre de livre qu’on a envie de terminer pour tout savoir enfin, mais qu’en même temps on aimerait faire durer plus longtemps pour rester avec les personnages et l’univers créé par l’auteur. C’est un « tourne ta page.-oh zut j’ai déjà fini ». Je sais que vous comprenez ce que je veux dire…

La couverture et le titre de ce livre ainsi que l’accroche qui fait bien son travail m’avaient fait de l’œil au salon Sang d’encre à Vienne. Comment résister à cet appel ? Et tout a tenu sa promesse. Pas un moment de déception (enfin, si, celui d’avoir terminé la lecture trop vite !) Que demander de plus ?