Anti-Macron
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extrait
Il y a un péché originel dans le macronisme, ou une malédiction, comme on veut: la trahison. Tout au long du règne, cette trahison flotte tel un spectre au-dessus du président, ou comme l'œil de Caïn qui apparaîtrait sur les murs de l'Élysée.
Pour suivre son insigne destin, Emmanuel Macron a dû, d'abord, prendre les habitudes de Iago. Il a dû changer de camp, pour choisir le sien contre celui de ses amis, travailler en secret au sein d'un gouvernement pour le remplacer, se retourner contre un président qui lui faisait confiance et évaluer sorti de l'ombre, piétiner une idée, un héritage, la gauche et son histoire, qui l'avaient pourtant favorisé au premier chef. Cette ductilité - ou cet opportunisme - explique aussi pourquoi, une fois élu, le président Macron, en principe «et de droite et de gauche», a choisi la première contre la seconde, déclaré obsolètes les principes qui l'avaient servi, répudié l 'esprit social-démocrate dont il devait être le brillant sujet et s'en débarrasser comme un vieux vêtement qui le gênait dans ses mouvements. Le macronisme n'estpas une doctrine: c'est un instrument de prise du pouvoir, réversible, amovible, convertible. Et quand ce pouvoir s'affaiblit, la défection dont il donna l'exemple est imitée par les partisans qui s'étaient ralliés par calcul. Si Macron l'a fait, pourquoi pas moi? On ne compte plus les désertions au sein du groupe En Marche à l'Assemblée, qui a perdu au fil des départs la belle majorité gagnée en 2017, ni les itinéraires disparates des candidats macroniens aux municipales, dont Cédric Villani est le symbole.
Emmanuel Macron aime le théâtre. Il en fait même le principe de son art oratoire, toujours un peu déclamé, drapé, jouant l'émotion ou l'empathie, allumant chez d'auditeur la petite ampoule rouge de la méfiance, celle qui signale l'artifice du comédien. D'où sa capacité à changer de rôle, à séduire des publics différents en adaptant son discours, à dire une chose puis une autre, à faire osciller sa politique au gré des vents ou des tempêtes, à changer de cap sans ciller, sans s 'embarrasser d'une forte conviction, en caméléon souriant, en Fregoli impavide.
Son avènement, sur le sait, a surpris son monde. On connaît la réplique prêtée à Napoléon: «Je veux bien promouvoir cet officier, disait-il, il est de grand mérite. Mais at-il de la chance? »À cette aune, un Emmanuel Macron colonel de Grande Armée aurait à coup sûr fini maréchal de France.
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Date de sortie
Anti-Macron
- France : 2020-09-23 (Français)
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Résumé
On dit parfois la politique ennuyeuse : rien de plus faux. À l’heure des réseaux et de l’info en direct, elle n’est que surprises et rebondissements, embardées et retournements. Pourquoi en laisser le récit à l’image et au son ? L’écrit ne perd pas sa fonction dans cette histoire trépidante, s’il allie rapidité et pertinence.
Journal des innovations, Libération pouvait accueillir, mieux que d’autres journaux, les lettres politiques quotidiennes en ligne qui conteraient jour après jour l’histoire de ce macronisme inédit et virevoltant, irrésistible dans son ascension, si faillible dans son déclin. Et pourquoi s’ennuyer ? Le théâtre politique est plus souvent une comédie qu’une tragédie. Cette drôlerie, cette ironie des destins, ces sarcasmes du sort devaient tisser le récit autant que les épreuves et les drames, qui n’ont pas manqué non plus.
Ce livre, où le rythme quotidien oblige à la légèreté et à la réflexion mêlés, est celui d’un éditorialiste critique à qui on a lâché la bride, assorti d’une postface qui tire les leçons de trois ans de révolution politique, de révoltes sociales et de destins brisés ou magnifiés.
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