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Le Tueur invisible. On ne le voyait jamais ni entrer ni sortir. Il apparaissait, accomplissait son œuvre de mort, puis se volatilisait.
Voix de soie, à peine plus qu’un murmure. Si sonore, pourtant. Elle semblait venir de tous les angles de la pièce. Du miroir qui surmontait la petite table. Des rideaux. Du lit aux draps bien tirés. Si blancs, dans la pénombre. Si blancs…
- Je t’attendais. Bientôt, Ariane, tu pourras te reposer.
Pour toujours.
[...]
Un froissement. Léger. Dans la salle de bains, une lampe venait de s’allumer. La lumière dessinait les contours de la porte. Quelqu’un respirait, là, derrière le battant de bois décoré de moulures. L’attendait. Depuis le jour de sa naissance, il l’attendait. Il l’avait, de loin ou de près, regardée grandir. Venir à lui.
Et il était là pour cueillir sa proie.
- Je ne vais pas rester chez toi, ne panique pas comme ça. Je comprends qu’avoir sa sœur sur le dos est loin d’être le rêve d’un homme mais il me faut un peu de temps pour me retourner.
- Sarah ?
- Ta sœur s’appelle Sarah…
Je levais la tête vers un Achir au regard bienveillant et ne pus répondre à sa question. Je me sentais désolé d’entendre que plus d’un an après notre première rencontre, je portais encore les stigmates de ma souffrance et de mes péchés. Voyant que je ne répondais pas, il se leva et déclara d’un ton bienveillant :
- J’espère qu’un jour tu seras heureux. Tu le mérites.
-Joyeux Noël, maman.
- Joyeux Noël à toi aussi, mon garçon. Tu as reçu nos cadeaux ?
- Oui. Merci beaucoup pour le pull. Tu as bien fait, il fait Moscou ici ! Et tu diras merci à Sarah pour sa toile, elle est magnifique.
- Tu lui diras toi-même, je te la passerai après.
Je ne voulais pas lui parler, je ne pouvais pas. Lui écrire était une chose, entendre sa voix en était une autre. J’avais eu assez de mal l’an dernier, je ne pouvais pas recommencer. Je mentis donc à ma mère en l’informant que je n’avais pas le temps et que mon propriétaire et ses enfants m’attendaient pour le déjeuner. Alors que j’essayais d’abréger la discussion, je constatais que la voix de ma mère se faisait plus faible.
- Maman, ça va pas ?
- Ça va mon chéri, juste un peu de fatigue, ne t’inquiète pas.
Je n’étais pas franchement rassuré et je lui demandai de prendre soin d’elle.
Je vis David sourire, visualisant probablement sa douce Johanna car ses sentiments résonnaient avec les miens, sans aucun doute. J’en profitai pour marquer une courte pause car la suite était moins belle.
- Tu as bien compris qu’elle et moi ce n’est pas possible, mais je ne t’ai jamais expliqué pourquoi.
[...]
- Elle s’appelle Sarah, elle n’est pas consciente de mes sentiments à son égard et elle ne le sera jamais, parce que c’est ma petite sœur.
- Mais tu gagneras la mienne, répondit Kelia.
- Ca ira, mec, ça sera en échange de notre première nuit qui n’a finalement pas eu lieu à cause de moi.
Il me fit un clin d’œil et je me mis à rire face aux yeux écarquillés de la jolie brune présente.
- C’est une longue histoire mais non, nous ne sommes pas gays, lui dis-je en souriant.
- C’est rassurant.
Devais-je en déduire qu’elle avait des vues sur moi ? Bien sûr qu’elle en avait et je l’avais constaté dès les premières minutes. Est-ce que je la trouvais attirante ? Totalement. Objectivement, elle était divine. Mais elle n’était pas Sarah. Et alors que cela aurait dû m’inciter à aller vers elle, cela m’empêchait de visualiser un avenir pour nous deux. J’avais déjà essayé d’oublier mes sentiments en me plongeant dans une relation vide d’émotions, cela n’avait pas marché.
J’aurais dû comprendre que quelque chose ne tournait pas rond lorsque j’ai décidé d’arrêter de fumer simplement parce que ma petite sœur n’envisageait pas de goûter des lèvres parfumées à la nicotine. J’aurais dû…
J’aurais été étonnée que mon visage puisse s’échauffer davantage. J’étais rouge comme une tomate.
- Bon, dit Slate, ça suffit. Je vais te chercher quelque chose à manger. On a reçu assez de conseils pour la journée.
Mais son oncle D n’en avait pas fini.
- Il s’est conduit comme un salopard, sache-le. Pourtant ça ne fait pas de lui un mauvais bougre. Ce garçon possède le plus grand cœur que je connaisse. Quand il aime, il aime vraiment. Il ne te laisse pas tomber, il te soutient envers et contre tout. Je le sais parce qu’il m’aime. Ne laisse pas ses erreurs passées et peut-être à venir t’empêcher d’être aimée par un cœur grand comme ça.
[...]
- Oui, répondis-je.
Sans plus réfléchir aux répercussions ni à ce que je ressentirais lorsque je verrais Slate avec d’autres filles. À cet instant-là, je pensais juste à l’effet que ça faisait de me retrouver avec lui et qu’il avait le don de dissiper ma tristesse chaque fois qu’il se trouvait dans les parages.
Il s’est rapproché de moi, a posé ses mains sur ma taille pour m’attirer encore plus près. Sans me laisser le temps de reprendre mon souffle, sa bouche revint sur la mienne alors que je m’accrochais à ses biceps, de peur que mes jambes ne se dérobent.
Ça suffisait. C’était tout ce qu’on pouvait mutuellement se promettre pour le moment. Ou peut-être à jamais. Cela me serrait le cœur et je n’aurais su dire pourquoi. Si je voulais affronter mes sentiments pour Slate, je devais accepter que tout change autour de moi. Si Crawford se réveillait, je reviendrais vers lui. Voilà tout ce que je savais.
Il paraissait totalement sincère et grave. Comme s’il s’agissait de me sauver la vie.
- Je n’en suis pas à passer une annonce non plus, répliquai-je, un rien agacée.
- Non, sérieux, crois-moi. Si tu veux sortir avec un mec, laisse-moi au moins te donner le feu vert.
Si seulement j’avais pu éclater de rire ! Il me rappelait tant mes grands frères que j’en eus le souffle coupé. Le premier type en dehors de Crawford qui m’inspire des sentiments, et voilà qu’il s’inquiétait pour moi comme pour une petite sœur. Jusqu’à cet instant précis, je n’avais pas voulu admettre que j’éprouvais des sentiments pour Slate.
Je n’y étais pas prête du tout. Il fallait que je m’en aille.
- Je, euh… je comprends. J’ai quatre grands frères. Pas besoin d’un cinquième. Mais j’aimerais rentrer. Reste là, dîne. Je… euh… on se verra plus tard.
Sans plus le regarder, je me glissai hors du box et filai vers la sortie. Il fallait que je m’évade. Comme il n’y avait aucun taxi dans les parages, je me suis mise à marcher. Une fois que je serais assez loin, j’appellerais Mae. Ou je chercherais un taxi sur Internet. Enfin n’importe quoi pour ne pas rester là.
Il a étendu les jambes aussi loin que le lui permettait le véhicule.
- Parce que c’est ce que tu voulais.
- Je n’ai jamais dit ça !
- Non, mais, parfois, Vale, tu n’as pas besoin de parler pour me faire comprendre ce que tu veux. Tu avais très bien compris pour la soirée. Je ne t’avais rien dit, alors tu es allée en boîte sans répondre à mes appels. Tu voulais que je vienne avec toi. Et je suis venu.
'Et s’il avait raison ? Si j’avais agi ainsi ?' Pourtant non, je n’en avais pas l’impression.
- Ton frère est dans ma fraternité. Je le respecte. Il n’aurait pas aimé savoir que sa sœur passait la soirée dans un club plein de mecs bourrés.
- J’aurais préféré t’accompagner.
Ça m’était sorti de la bouche malgré moi.
- J’avais un rendez-vous, rétorqua-t-il.
Ah oui ! Ça, je m’en étais rendu compte.
- Où est-elle maintenant ?
- Je l’ai laissée avec un frère.
Là, je m’en suis voulu à mort. En manquant de lui répondre, j’avais carrément gâché sa soirée. Pourtant, il était encore avec moi et m’emmenait manger des pancakes.
- Désolée.
C’était tout ce que je pouvais dire.
- Tu es sûre ? demanda-t-il, amusé.
- Oui…
- Je crois que tu as de la compagnie, me glissa-t-il à l’oreille.
Je me suis immobilisée ; du menton, il me désignait le bar où je finis par repérer Slate, armé d’une bouteille de bière, les yeux fixés sur moi.
- Qu’est-ce qu’il fait là ? demandai-je, incapable de me détourner.
- Ça semble évident…
Ce qui semblait évident, c’était l’impression que ça me procurait, ces battements de cœur, ce… frisson. Quand cesserais-je de réagir ainsi à sa vue ? Je ne pouvais pas désirer ce mec. D’autant qu’il ne recherchait pas de vraies relations.
Ni moi non plus, d’ailleurs. J’en avais déjà une.
- Tu veux lui parler ? me demanda Charlie.
'Merde.' J’avais oublié où je me trouvais.
- Euh… oui, à vrai dire.
Je me suis dirigée vers Slate, toujours incapable de détacher mes yeux de lui.
Qu’est-ce qui m’arrivait ? Ce n’était pourtant pas mon genre.
Ou si ? Je ne savais pas trop qui j’étais sans Crawford. Peut-être justement ça. Peut-être que si je n’avais pas eu Crawford dans ma vie, j’aurais été ainsi. Le genre de fille qui se laisse séduire par des playboys incapables de donner davantage qu’un peu de bon temps.
Slate devenait bel et bien mon ami.
Il m’invitait souvent à prendre un café, on se retrouvait après les cours et, pendant la semaine, on a déjeuné ensemble à plusieurs reprises. Il me faisait rire et ne demandait rien d’autre que mon amitié. Au contraire de Charlie qui continuait à faire des allusions. Pas question pour moi. Il y avait Crawford.
Slate me distrayait de ce chagrin. Quand j’étais avec lui, les choses allaient mieux. Je me sentais plus heureuse, comme si je pouvais encore ressentir de la joie. Au fond, je songeais parfois à un avenir sans Crawford. Mais ça me donnait un terrible sentiment de culpabilité.
Je ne les avais pas entendus. Mais je n’aimais pas l’idée qu’ils aient pu faire ça. C’était une atteinte à la vie privée.
- Elle n’aurait jamais dû te laisser entrer alors que j’étais au lit, lâchai-je, furieuse.
- Je suis d’accord. Je lui ai dit de ne pas recommencer.
'Recommencer… quoi ?'
- C’est-à-dire ?
Il s’est adossé à sa chaise en croisant les bras.
- Everly n’est qu’une sale égoïste. Je l’ai prévenue que si elle laissait entrer un autre type dans cette chambre pendant que tu dormais, je ferais en sorte qu’elle ne puisse pas recommencer.
Oh ! Je ne sus que répondre à ça.
- Elle sait que je ne menace jamais en l’air. Alors, je te promets que tu es maintenant en sécurité.
- Qu’est-ce que ça peut te faire ?
Je n’ai pu m’empêcher de lui asséner ça.
Il a haussé les épaules.
- Pour tout dire, je n’en sais rien. Mais c’est comme ça.
J’ai eu beaucoup d’amis garçons, qui étaient aussi ceux de Crawford. Je voyais pourquoi Slate ne nouait pas trop de liens amicaux avec les filles. Elles cherchaient autre chose avec lui.
- Il y a un début à tout. Et puis j’aurai besoin d’un ami en commençant la fac.
- On va bien s’amuser à tâcher de convaincre les gens que tu es juste une amie. Personne ne le croira.
J’ouvris ma voiture en lui souriant.
- Ça fera peut-être du bien à ta réputation.
Cette fois, j’éclatai de rire.
- Attends, j’en mangerais bien, de ce pâté en croûte !
- Alors sers-toi ! Recommence à vivre, Vale !
Jusque-là, je m’étais plutôt reproché de vivre encore. Depuis l’accident, il me semblait que je commettais une terrible erreur, rien que de vivre. Crawford ne vivait plus vraiment, alors pourquoi moi ? Mais non, j’avais tort de regarder les choses sous cet angle. C’était du pur égoïsme de ma part. Crawford m’aimait. En me punissant, je ne lui ferais pas plaisir. Il détesterait ça.
Même si je n’aimais pas entendre ça, je me rendais compte que mon frère avait raison. J’avais toujours laissé Crawford prendre les décisions à ma place. Je voulais lui faire plaisir, je craignais d’être trop égoïste. Et si j’avais tout faux ? Si je m’étais égarée en chemin ?
- C’est comme si je me retrouvais.
Je ne pouvais dire ça qu’à Knox.
- Il serait temps, rétorqua-t-il en me serrant encore le bras.
Difficile de savoir exactement qui je voulais être. Car je ne savais plus trop.
Je restais là, dans cet ascenseur, à côté de mon frère, me laissant envahir par mes souvenirs des années passées. J’avais toujours laissé Crawford me façonner. Non pas qu’il en ait eu l’intention. C’est moi qui l’avais bien voulu.
Mais il était tombé amoureux de moi telle que j’étais, non pas telle que j’étais devenue. Quand il se réveillerait, je serais prête, et je me rendais compte qu’il en serait ravi.
J’étais trop fatiguée pour être polie.
Il m’a tendu le gobelet.
- Il me semblait que ça allait de soi. J’apporte un petit café à une amie et vérifie à quelle heure elle arrive tous les jours. Sept heures pile… impressionnant !
Know avait peut-être raison. Je représentais un défi pour lui. L’ennui étant que je n’avais aucune envie de jouer. Crawford passait avant tout.
- Merci pour le café. Tu vas voir ton oncle maintenant ?
- Oh non ! s’esclaffa-t-il. Il me tuerait si je le réveillais si tôt. Il a déjà envoyé promener les infirmières qui voulaient le préparer pour le petit déjeuner à huit heures. Pas très commode, le bonhomme.
Et, grâce à Slate, elles avaient dû se sentir beaucoup mieux.
J’ai posé mon sac et me suis assise en face de lui. Inutile de se coller. Je n’allais pas relever ses défis. Au contraire, il me semblait plus avisé de carrément le lui dire :
- Knox m’a raconté que tu aimais séduire et qu’une fille comme moi pourrait représenter un défi pour toi. Alors, je t’arrête tout de suite : tu perds ton temps. J’aime Crawford et je l’aimerai toujours. C’est comme ça. Mais j’apprécie le café.
[...]
- Sais-tu ce que je faisais à cinq heures du matin, il n’y a encore pas longtemps ? demanda-t-il.
Drôle de question, complètement déplacée, pourtant j’entrai dans le jeu :
- Quoi ?
- Je me levais pour aller nourrir les poules et ramasser leurs œufs, nettoyer les stalles des chevaux – nous en avions trois – puis nourrir les chiens, avant de rentrer prendre le petit déjeuner. Oncle D buvait trop pour pouvoir se charger de ces tâches matinales, alors je devais m’en occuper avant l’école.
Ça semblait à peine croyable ; je me demandai pourquoi il me confessait ça.
Il s’est levé, un sourire sincère aux lèvres.
- Bonne journée, Vale. J’espère que ton copain rouvrira les yeux.
Et il est parti.
- C’est bon, on les a semés, éclata Ariane alors qu’il évitait un camion de livraison et s’engageait dans une petite rue à sens unique, qui leur imposerait un détour inutile.
- Qui ?
Le ton était brusque. Ariane vit que les mains de son père s’étaient crispées sur le volant.
- Les types du FBI. Ceux qui te poursuivent depuis une éternité.
- Ah oui. J’avais oublié.
Il sourit à sa fille, qui se demanda si elle avait rêvé cette tension du corps, cette crispation des mâchoires qui, tout à coup, lui avaient révélé une autre image de son père.
Celle d’un étranger aux aguets, prêt à l’affrontement – peut-être dangereux.