Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
718 092
Membres
1 029 489

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Journal (1822-1863)



Description ajoutée par partemps 2020-03-23T17:36:50+01:00

Résumé

Le Journal d’Eugène Delacroix se compose de notes prises au jour le jour, écrites à bâtons rompus, où le grand artiste jetait chaque soir au courant de la plume, sans ordre, sans plan, sans transitions, toutes les idées, les réflexions, les théories, les extases, les découragements qui pouvaient traverser son esprit toujours en travail.

Commencé en 1823 par un jeune homme de vingt-deux ans, dans la fièvre d’une vie ardente et tourmentée, ce Journal a d’abord l’allure rapide et quelque peu décousue ; à mesure que les années s’avancent, le sang s’apaise, l’esprit se mûrit et s’élève, l’expérience naît, l’horizon s’élargit, le style se précise et les aperçus succincts du début font place peu à peu à de véritables morceaux littéraires.

Ces notes qui n’étaient pas destinées à voir le jour et qui embrassent une période de plus de quarante années, se trouvent consignées sur une série de petits cahiers, de calepins et d’agendas portant chacun sa date.

L’existence de ce Journal était connue : des copies en furent prises ; à la mort de Delacroix, elles demeurèrent entre les mains de l’élève le plus fidèle, du véritable disciple du maître, le peintre Pierre Andrieu, à qui nous devons rendre ici un sincère hommage. La vénération d’Andrieu pour Delacroix avait revêtu le caractère d’une véritable religion : dépositaire de la pensée du grand peintre, il résolut de la garder pour lui seul, et, tant qu’il vécut, il se refusa à publier ces pages qu’il relisait sans cesse.

Pierre Andrieu est mort l’an dernier. Sa veuve et sa fille n’ont pas cru devoir priver plus longtemps le public d’un document si précieux pour l’histoire de l’art, et elles nous ont confié la mission de le mettre au jour. La publication actuelle est donc faite d’après les papiers remis à Pierre Andrieu. Mais pour écarter toute critique, éviter toute erreur et assurer à la pensée de l’écrivain toute son exactitude et toute son autorité, les éditeurs ont pensé qu’il était indispensable de contrôler ces notes, page par page, sur les manuscrits originaux. Le petit-neveu du grand peintre, M. de Verninac, sénateur du Lot, avec une bonne grâce et une courtoisie dont nous ne saurions trop le remercier, nous a permis de faire ce travail de vérification sur les originaux eux-mêmes, qu’il a bien voulu nous communiquer.

Si dans ce Journal certaines lacunes sont à constater, notamment pour la période de 1848, par contre nous avons eu la bonne fortune de retrouver certains carnets qu’on croyait égarés. Le fameux voyage au Maroc, dont la trace semblait perdue, appartient aujourd’hui à M. le professeur Charcot, qui nous a permis de reproduire cet épisode capital dans la carrière artistique du maître ; nous sommes heureux de pouvoir lui adresser ici l’expression de notre gratitude.

Nous avons fait également appel au souvenir des anciens amis, des élèves et des admirateurs de Delacroix ; tous se sont empressés de mettre à notre disposition les renseignements et les documents qu’ils pouvaient posséder. En nous accordant leur bienveillant concours, Mme Riesener, M. le marquis de Chennevières, MM. Robaut, Faure, Paul Colin, Maurice Tourneux, Monval, Bornot, le commandant Campagnac, nous ont aidés dans notre tâche, et c’est un devoir pour nous d’inscrire leurs noms en tête de cette publication.

Pour conserver au Journal son véritable caractère, les éditeurs ont scrupuleusement respecté les divisions du manuscrit, qu’ils publient tel qu’il a été conçu. À côté des aperçus philosophiques, des idées critiques les plus élevées, sur l’art, sur la peinture, la musique et la littérature, on trouvera une foule de notes personnelles qui nous font pénétrer dans la vie même de l’artiste ; car Delacroix a consigné dans ces cahiers tous les détails de son existence, jusqu’aux incidents parfois infimes de sa journée, ses visites, ses promenades, voire même ses dépenses, le prix de vente de ses tableaux et les procédés techniques de sa peinture. Tous ces menus faits, dont quelques-uns pris isolément pourraient paraître quelquefois de peu de valeur, constituent, réunis, un document du plus haut intérêt : il en ressort un Delacroix intime, qu’on avait pu soupçonner déjà par la correspondance recueillie par Philippe Burty et par les notes fragmentaires déjà publiées, mais qui apparaît aujourd’hui dans ces pages avec un relief saisissant. À travers ces impressions personnelles, ces sensations, ces confidences, se dégage une âme, une intelligence, un caractère de qualité tout à fait supérieure.

Pendant plus d’un demi-siècle, Delacroix a été mêlé au mouvement intellectuel de son temps. Il a connu tous les hommes illustres de la monarchie de Juillet, de la République de 1848 et du second Empire. Si l’on excepte quelques compagnons de jeunesse et d’atelier, dont l’amitié est restée fidèle à Delacroix jusqu’à la fin, mais dont la notoriété s’est effacée depuis longtemps, on trouvera inscrits dans ce Journal les noms de la plupart de ceux qui, à un titre quelconque, ont marqué leur place dans le monde des arts, de la littérature et de la politique.

À ce point de vue, on peut donc dire que le Journal de Delacroix est en même temps l’histoire d’une époque.

Afficher en entier

Classement en biblio - 3 lecteurs

extrait

Extrait ajouté par partemps 2020-03-24T00:04:26+01:00

Lundi 6 mai. — Travaillé ce jour, hier et avant-hier au comte Ugolin.

— Ce matin est venu le nommé Hubert, pépiniériste, me réclamer, au bout de deux ans et demi, le payement d’une note d’arbres fruitiers et autres, que je lui ai payée en octobre 1847. J’ai trouvé heureusement le reçu. Il n’osera pas probablement revenir.

J’ai remarqué plus d’une fois combien des actes d’une immoralité profonde étaient traités doucement par notre Code athée. Je me rappelle le fait que j’ai lu, il y a un an ou deux, d’un malheureux qui, ayant porté plainte contre sa femme, laquelle vivait authentiquement en concubinage avec son propre fils, avait été mis, lui le père et l’époux, à la porte de son domicile commun… ; la femme n’a été condamnée qu’à un mois ou deux de prison.

Mardi 7 mai. — Je n’ai pas mis le pied dehors de toute la journée, malgré le projet d’aller à Fromont.

Je me suis occupé de rechercher à mettre au net la composition de Samson et Dalila. Quoique cela ne m’ait pris que peu de temps et dans la matinée seulement, je ne me suis pas ennuyé.

Écrit à Andrieu[499], à son oncle, à Haro pour le plafond, et à Duban.

— Pourquoi ne pas faire un petit recueil d’idées détachées qui me viennent de temps en temps toutes moulées et auxquelles il serait difficile d’en coudre d’autres ? Faut-il absolument faire un livre dans toutes les règles ? Montaigne écrit à bâtons rompus… Ce sont les ouvrages les plus intéressants. Après le travail qu’il a fallu à l’auteur pour suivre le fil de son idée, la couver, la développer dans toutes ses parties, il y a bien aussi le travail du lecteur qui, ayant ouvert un livre pour se délasser, se trouve insensiblement engagé, presque d’honneur, à déchiffrer, à comprendre, à retenir ce qu’il ne demanderait pas mieux d’oublier, afin qu’au bout de son entreprise, il ait passé avec fruit par tous les chemins qu’il a plu à l’auteur de lui faire parcourir.

Mercredi 8 mai. — Travaillé toute la matinée sans entrain ; j’étais mal à l’aise, car je n’ai rien mangé jusqu’au dîner.

— Vers trois heures, je me suis décidé à faire la corvée de Fromont. J’ai beaucoup joui de cette promenade, quoique je n’aie vu du parc que ce qui se trouve depuis la porte sur la grande route, jusqu’à la serre du jardinier. J’ai vu, dans ce trajet, deux ou trois magnolias, dont un ou deux sur la fin de la floraison. Je n’avais pas d’idée de ce spectacle : cette profusion vraiment prodigieuse de fleurs énormes sur cet arbre dont les feuilles ne font que commencer à poindre, l’odeur délicieuse, une jonchée incroyable de pétales de fleurs déjà passées ou fanées m’ont arrêté et charmé. Il y avait devant la serre des rhododendrons rouges et un camélia d’une taille extraordinaire.

Revenu par Ris et pris des pâtisseries en passant. La vue du paysage au pont et en grimpant est charmante, à cause de la verdure printanière et des effets d’ombre que les nuages font passer sur tout cela. J’ai fait, en rentrant, une espèce de pastel de l’effet de soleil en vue de mon plafond.

Jeudi 9 mai. — Je crois que les pâtisseries d’hier mangées à mon dîner pour égayer ma solitude ont contribué à me donner ce matin la plus affreuse et la plus durable morosité. Me sentant mal disposé pour quoi que ce soit, j’ai, vers neuf heures, gagné la forêt et été directement jusqu’au chêne Prieur. Quoique la matinée fût magnifique, rien n’a pu me distraire de cette humeur noire. J’ai fait un petit croquis du chêne ; le frais qui commençait à s’élever m’a chassé.

J’ai été particulièrement frappé, sans en être égayé, de cette pourtant charmante musique des oiseaux au printemps : les fauvettes, les rossignols, les merles si mélancoliques, le coucou dont j’aime le cri à la folie, semblaient s’évertuer pour me distraire. Dans un mois au plus, tous ces gosiers seront silencieux. L’amour les épanouit pour le sentiment ; un peu plus, il les ferait parler. Bizarre nature, toujours semblable, inexplicable à jamais !

— Vers trois ou quatre heures, la servante m’a parlé de l’homme qu’elle avait vu entrer dans la maison des gendarmes. Le garçon de la ferme est venu avec le garde champêtre, et je me suis joint à eux pour faire une visite domiciliaire ; toute la soirée nous avons fait de grotesques préparatifs de défense en cas d’attaque de nuit ; tout a été fort heureusement inutile.

Samedi 11 mai. — J’ai reculé encore indéfiniment mon projet de départ que j’avais fixé pour aujourd’hui.

— Le matin, vu Candas dans la maison des gendarmes. Je lui ai parlé de mes projets et de ce qu’on pourrait faire. Ce lieu est charmant : il est bien dommage qu’il n’y ait pas de vignes de ce côté-là.

J’ai joui aujourd’hui délicieusement, et comme un enfant qui entre en vacances, de ma résolution subite de demeurer encore. Que l’homme est faible et facilement étrange dans ses émotions et ses résolutions !

J’étais hier soir d’une tristesse mortelle. En revenant de ma soirée, je ne rêvais que catastrophes ; ce matin, la vue des champs, le soleil, l’idée d’éviter encore quelque temps ce brouhaha affreux de Paris m’ont mis au ciel.

Heureux ou malheureux, je le suis presque toujours à l’extrême !

Lundi 13 mai. — J’ai passé ma journée tout seul et ne me suis pas ennuyé. Jenny et la servante sont allées à Paris dès le matin et sont revenues seulement à six heures.

J’étais en train de faire mon dîner, quand elles sont arrivées trempées par une pluie affreuse, qui n’a presque pas cessé tout le jour.

Je me suis plu dans l’isolement complet et le silence de cette journée.

Mardi 14 mai. — Sur l’isolement de l’homme.

« L’indépendance a pour conséquence l’isolement », Mme Quantinet me cite cet extrait de l’Adolphe de Benjamin Constant. Hélas ! l’alternative d’être ennuyé et harcelé toute la vie, comme l’est un homme engagé dans des liens de famille par exemple, ou d’être abandonné de tout et de tous, pour n’avoir voulu subir aucune contrainte, cette alternative, dis-je, est inévitable. Il y en a qui ont mené la vie la plus dure sous les impérieuses lois d’une femme acariâtre, ou souffrant les caprices d’une coquette à laquelle ils avaient lié leur sort, et qui à la fin de leurs jours n’ont pas même la consolation d’avoir pour leur fermer les yeux ou leur donner leurs bouillons cette créature qui serait bonne du moins pour adoucir le dernier passage. Elles vous quittent ou meurent au moment où elles pourraient vous rendre le service de vous empêcher d’être seul. Les enfants, si vous en avez eu, après vous avoir occasionné tous les soucis de leur enfance ou de leur sotte jeunesse, vous ont abandonné depuis longtemps.

Vous tombez donc nécessairement dans cet isolement affreux dans lequel s’éteint ce reste de vie et de souffrances.

Jeudi 16 mai. — A Paris, par le premier convoi.

Vendredi 17 mai. — Travaillé ce matin à la femme qui se peigne.

— Grande promenade dans la forêt, par le côté de Draveil. Pris en contournant la forêt par l’allée qui en fait le tour.

J’ai vu là le combat d’une mouche d’une espèce particulière et d’une araignée. Je les vis arriver toutes deux, la mouche acharnée sur son dos et lui portant des coups furieux ; après une courte résistance, l’araignée a expiré sous ses atteintes ; la mouche, après l’avoir sucée, s’est mise en devoir de la traîner je ne sais où, et cela avec une vivacité, une furie incroyables. Elle la tirait en arrière, à travers les herbes, les obstacles, etc. J’ai assisté avec une espèce d’émotion à ce petit duel homérique. J’étais le Jupiter contemplant le combat de cet Achille et de cet Hector. Il y avait, au reste, justice distributive dans la victoire de la mouche sur l’araignée, il y a si longtemps que l’on voit le contraire arriver. Cette mouche était noire, très longue, avec des marques rouges sous le corps.

Samedi 18 mai. — Le matin, travaillé à la Femme qui se peigne, que je suis en train de gâter probablement, puis au Michel-Ange.

— Vers une heure, à la forêt avec ma bonne Jenny. J’avais un plaisir infini à la voir jouir si expansivement de cette charmante nature si verte, si fraîche. Je l’ai fait reposer longtemps, et elle est revenue sans accident. Nous avons été jusqu’au Chêne d’Antain. En parcourant le clos de Lamouroux, elle me disait douloureusement : « Comment ! ne vous verrai-je jamais autrement que dans une position mince et peu digne de vous ? Quoi ! je ne vous verrai jamais un enclos comme celui-ci à habiter, à embellir ? » Elle a raison. Je ressemble en ceci à Diderot qui se croyait prédestiné à habiter des taudis, et qui vit sa mort prochaine, quand il fut installé dans un bel appartement, dans des meubles splendides, qu’il devait aux bontés de Catherine.

Au reste, j’aime la médiocrité ; j’ai le faste et l’étalage en horreur ; j’aime les vieilles maisons, les meubles antiques ; ce qui est tout neuf ne me dit rien. Je veux que le lieu que j’habite, que les objets qui sont à mon usage me parlent de ce qu’ils ont vu, de ce qu’ils ont été, et de ce qui a été avec eux.

Ai-je l’âme plus rétrécie en cela que mon voisin Minoret, qui vient d’abattre une partie du logement qu’il avait, pour construire un affreux chalet qui va offenser mes regards, tant que je vivrai ici ? Quand ce Minoret est venu succéder au général Ledru[500], il s’est hâté de jeter bas sa modeste et ancienne maison ; il aime mieux ces pierres toutes neuves qu’il a tirées de la carrière… La vieille d’Esnont en a fait autant. A la vérité, la maison lui tombait sur la tête. Cela me vaut deux constructions à la moderne, affreuses à tolérer.

Il y a, au reste, dans Champrosay, depuis quelque temps, émulation de mauvaises bâtisses. Gibert avait commencé avec sa magnifique grille. Les gens qui ont succédé au marquis de La Feuillade font recrépir la maison et ont imaginé d’y ajouter des ornements qui la rendent ridicule et lui ôtent tout caractère et toute proportion.

— Ce matin, Georges[501] est venu m’invitera dîner de la part de sa mère, qui vient pour deux jours avec Mme Barbier[502] et M. P… et son mari.

Villot vient un moment dans la journée ; nous avons été assez tristes à cause de toutes les menaces du temps.

Le soir pourtant je me suis mis en train et ai causé un peu. Revenu à onze heures. Mme Barbier est très amusante.

Lundi 20 mai. — J’ai été vers deux heures les voir jusqu’au départ de quatre heures et demie et les ai menés jusqu’au chemin de fer. Je disais à Mme Barbier que l’indigne pantalon des femmes était un attentat aux droits de l’homme.

Jeudi 23 mai. — Travaillé au Chasseur de lions et au Michel-Ange[503].

— Sorti pour aller voir Mme Quantinet. Elle est partie pour Paris…

Vers cinq heures, promenade à l’allée de l’Ermitage. Temps charmant, quoique chaud. Joui délicieusement de cette heure charmante qui m’attriste moins qu’autrefois.

J’ai découvert dans cette grande allée un petit sentier délicieux, qui conduit à des retraites charmantes. Pensé involontairement à la dame à la robe de chambre bariolée.

Le soir, clair de lune ravissant dans mon petit jardin. Resté à me promener très tard. Je ne pouvais assez jouir de cette douce lumière sur ces saules, du bruit de la petite fontaine et de l’odeur délicieuse des plantes qui semblent, à cette heure, livrer tous leurs trésors cachés.

Paris, lundi 3 juin. — Ce jour, dîné chez Bixio avec Lamoricière[504], etc. Cavaignac devait y être. Le premier est charmant et plein de véritable esprit.

— Tous ces jours-ci, je ne vois personne, enfoncé que je suis dans mon esquisse.

Jeudi 6 juin. — Passé la journée au Jardin des plantes. Jussieu[505] m’a conduit partout.

Samedi 8 juin. — Quinze jours sans avoir lien écrit ici !…

Revenu de Champrosay il y a quinze jours, jour pour jour.

Jenny y est retournée aujourd’hui pour y prendre les lunettes du maire et les lui rendre.

— Je suis resté jusqu’à midi sur mon canapé, dormant et lisant l’évasion de mon cher Casanova.

— Je me disais, en regardant ma composition du plafond qui ne me plaît que depuis hier, grâce aux changements que j’ai faits dans le ciel avec du pastel, qu’un bon tableau était exactement comme un bon plat, composé des mêmes éléments qu’un mauvais : l’artiste fait tout. Que de compositions magnifiques ne seraient rien sans le grain de sel du grand cuisinier ! Cette puissance du je ne sais quoi est étonnante dans Rubens ; ce que son tempérament, — vis poetica, — ajoute à une composition, sans qu’il semble qu’il la change, est prodigieux. Ce n’est autre chose que le tour dans le style ; la façon est tout, le fond est peu en comparaison.

Le nouveau est très ancien, on peut même dire que c’est toujours ce qu’il y a de plus ancien.

— Pour imprimer le mur de l’église, huile de lin et non autre, bouillante, blanc de céruse et non pas blanc de zinc, qui ne tient pas. L’ocre jaune serait la meilleure impression.

Lundi 10 juin. — La partie du ciel[506] — après les plus grands clairs du soleil, c’est-à-dire déjà foncé : Jaune chrome foncé blanc — blanc laque et vermillon.

La terre de Cassel et blanc forme la demi-teinte décroissante. En général, excellent pour demi-teinte.

Les clairs jaune clair sur les nuages au-dessous du char : Cadmium, blanc, une pointe de vermillon.

La partie du ciel plus orangé, à partir du cercle lumineux : Sur une préparation orangée, frôler à sec un ton de jaune de Naples, vert bleu et blanc, en laissant un peu paraître le ton orangé.

Ton orangé, très beau pour le ciel : Terre d’Italie naturelle, blanc, vermillon. — Vermillon, blanc, laque et quelquefois un peu de cadmium et de blanc.

Robe de Minerve, sur une préparation convenable : Clairs des plis peints, avec bleu de Prusse et blanc assez cru, peut-être un peu de laque. — À sec, pardessus, clairs avec blanc et chrome ; enfin ton citron. Glacer par-dessus à sec avec cobalt et laque. — Enfin, rehauts sombres et chauds avec terre d’Italie brûlée et carmin fixe.

Apollon, la robe peinte d’un ton rouge un peu fade dans les clairs, glacé avec laque jaune et laque rouge.

Localité des chairs de la Diane : Terre de Cassel, blanc et vermillon. Assez gris partout. Clairs : blanc et vermillon, un peu de vermillon.

Les reflets ton chaud, presque citron ; il y entre un peu d’antimoine, le tout très franchement.

Localité des cheveux de l’Apollon : Terre d’ombre, blanc, cadmium, très peu de terre d’Italie ou d’ocre.

Pour la tunique de la Diane, un ton de reflet analogue à celui de sa chair dans l’ombre : Antimoine, cadmium, etc.

Localité chaude des nuages sous le char : Cadmium et blanc, un peu foncé, et terre de Cassel et blanc, touché par-dessus avec ton froid de terre de Cassel et blanc (tout ceci pour l’ombre).

Demi-teinte du Cheval soupe de lait (l’Arabe passant un gué)[507] : Terre d’ombre naturelle et blanc, antimoine, blanc et brun rouge : le rouge ou le jaune prédominant, suivant la convenance.

Vendredi 14 juin. — Un architecte qui remplit véritablement toutes les conditions de son art me paraît un phénix plus rare qu’un grand peintre, un grand poète et un grand musicien. Il me saute aux yeux que la raison en est dans cet accord absolument nécessaire d’un grand bon sens avec une grande inspiration. Les détails d’utilité qui forment le point de départ de l’architecte, détails qui sont l’essentiel, passent avant tous les ornements. Cependant il n’est artiste qu’en prêtant des ornements convenables à cet Utile, qui est son thème. Je dis convenables ; car même après avoir établi en tous points le rapport exact de son plan avec les usages, il ne peut orner ce plan que d’une certaine manière. Il n’est pas libre de prodiguer ou de retrancher les ornements. Il les faut aussi appropriés au plan, comme celui-ci l’a été aux usages. Les sacrifices que le peintre et le poète font à la grâce, au charme, à l’effet sur l’imagination, excusent certaines fautes contre l’exacte raison. Les seules licences que se permette l’architecte peuvent peut-être se comparer à celles que prend le grand écrivain, quand il fait en quelque sorte sa langue. En réservant des termes qui sont à l’usage de tout le monde, le tour particulier en fait des termes nouveaux ; de même l’architecte, par l’emploi calculé et inspiré en même temps des ornements qui sont le domaine de tous les architectes, leur donne une nouveauté surprenante et réalise le beau qu’il est donné à son art d’atteindre. Un architecte de génie copiera un monument et saura, par des variantes, le rendre original ; il le rendra propre à la place, il observera dans les distances, les proportions, un ordre tel qu’il le rendra tout nouveau. Les architectes vulgaires, nos modernes architectes, ne savent que copier littéralement, de sorte qu’ils joignent à l’humiliant aveu qu’ils semblent faire de leur impuissance le défaut de succès dans l’imitation même ; car le monument qu’ils ont imité à la lettre ne peut jamais être exactement dans les mêmes conditions que celui qu’ils imitent. Non seulement ils ne peuvent inventer une belle chose, mais ils gâtent la belle invention qu’on est tout surpris de retrouver, entre leurs mains, plate et insignifiante.

Ceux qui ne prennent pas le parti d’imiter en bloc et exactement, font pour ainsi dire au hasard. Les règles leur apprennent qu’il faut orner certaines parties, et ils ornent ces parties, quel que soit le caractère du monument et quel que soit son entourage.

Afficher en entier

Ajoutez votre commentaire

Ajoutez votre commentaire

Commentaires récents


Date de sortie

Journal (1822-1863)

  • France : 1996-08-29 (Français)

Activité récente

Editeurs

Les chiffres

lecteurs 3
Commentaires 0
extraits 34
Evaluations 1
Note globale 10 / 10

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode