Un si troublant patron

Elle s’apprêtait à tirer ses cheveux en chignon quand elle se reprit. A quoi bon, maintenant ? D’ailleurs elle renoncerait aussi aux lunettes, et mettrait ses lentilles.

Mais un peu plus tard dans le bus, loin de songer à l’image qu’elle voulait donner d’elle, Liz ne pensait plus qu’à Cam Hillier. La veille déjà, le sommeil avait été long à venir : elle s’était remémoré dans le détail toutes les bévues commises pendant cette maudite soirée.

Pourtant Cam, loin de la ridiculiser, moins encore de la critiquer, avait été parfait. Il avait même su créer un climat de confiance, et elle lui avait parlé de sa vie avec une facilité étonnante.

Qu’en avait-il pensé ? Liz secoua doucement la tête. Pourquoi diable se le demander ? L’opinion de Cam Hillier était bien le cadet de ses soucis, non ? Et puis elle n’avait pas besoin de lui pour savoir que son existence n’était pas une réussite !

Après sa liaison désastreuse avec le père de Scout, son seul souci avait été d’assurer à sa fille une existence à peu près stable à défaut de vraiment confortable. Les hommes ne l’intéressaient plus le moins du monde. « Chat échaudé craint l’eau froide », se justifiait-elle souvent. De plus, si Scout lui procurait un bonheur ineffable, joindre les deux bouts était souvent angoissant, et exigeait toute son énergie. Sans parler des reproches qu’elle s’adressait à cause de sa mère, dont elle avait absolument besoin et qui, pour rester disponible, n’avait plus de vie à elle.

Alors pourquoi soudain songeait-elle à un homme comme cela ne lui était plus arrivé depuis des années ? Pourquoi se sentait-elle physiquement attirée par quelqu’un dont la personnalité ne lui plaisait que modérément — pour employer un euphémisme ?