George Smiley, Tome 9 : L'Héritage des espions

On retrouve un protagoniste déjà connu de longue date, un Peter Guillam vieillissant chapeauté par son boss historique à savoir George Smiley. D’un point de vue chronologique on se situe dans une période où le bloc soviétique existait encore mais avant la construction du mur de Berlin.

Cela traite des activités de l’espionnage britannique en ex-RDA. Quelques noms : Doris Gamp surnommée Tulipe fonctionnaire à la STASI, Alec Leamas alias Mayflower, irlandais bon teint collègue et ami de Peter, toujours quelque part derrière le rideau de fer.

La trame est un contexte de concurrence entre départements du service d’espionnage britannique : Pilotage chapeauté par Bill Haydon vs Opérations Clandestines dirigées par George Smiley et auquel appartient Peter Guillam.

Il appert que le même type de concurrence existe dans la STASI entre Mundt en contact épisodique avec UK et Fiedler en contact fréquent avec Moscou. Les deux entités essaient d’exploiter cela à leur avantage.

Et puis apparaissent des personnages plus temporaires comme Elizabeth Gold, les enfants des disparus comme Christophe Leamas, comme Karen fille de Liz, comme Gustav fils de Doris

On alterne entre des événements de 1960 accessibles via des dossiers aux archives et aujourd’hui où Peter est impliqué dans une relecture de ces événements afin d’éviter un procès à son service.

Sombre, glacial, bien que publié en 2017, ce livre reprend une thématique des premiers livres de John Le Carré, thématique développée dans « Les Chandelles Noires », l’espion qui venait du froid », « Une petite ville en Allemagne ».

Je préfère de loin les thèmes qu’il avait développés à partir de « La constance du jardinier ». Plus solaire, manifestant un souffle d’idéal.

Après avoir lu "La taupe" du même auteur, j'étais très en attente de ce roman, qui avait également une bonne critique : c'est une demi-déception, demi car John le Carré arrive à nous captiver, malgré tout.

S'il y avait déjà peu d'action dans la Taupe, la, il n'y en a carrément plus dans ce roman !

On assiste à une mise en cause des actions qu'auraient pu faire Peter Guillam, le disciple de George Smiley. le malheureux Peter se retrouve confronté entre ses engagements passés, et son souhait de s'en sortir. Il ne peut rien lâcher, car il a promis. On se sent presque mal à l'aise parfois, presqu'à la place de Peter Guillam, qui prend des coups sans pouvoir en rendre.

On sent aussi que tous ces espions se sont souvent faits manipulés, et cela laisse un gout amer !

Je me suis jeté sur ce roman dès que j’ai appris que Peter Guillam en est le personnage principal. Il a certes été difficile de se faire à l’idée que non, il n’est désormais plus le jeune agent que l’on a pu connaître auparavant ; et justement, en ce sens, il en sort grandi, mûr. Dès « La Taupe », je me suis attaché à lui malgré son caractère de ‘ladykiller’ et cette nouvelle aventure l’a rendu encore plus attendrissant à mes yeux.

L’un des points forts des histoires de M. le Carré est l’absence d’effusions de sang et de violences inutiles. Certes, il existe des allusions Spoiler(cliquez pour révéler)à la violence domestique que subit Tulipe, ce qui n’est pas sans laisser le lecteur de marbre, mais le roman reste intelligent et propre. Pas besoin de massacres en série pour émouvoir le lecteur. De simples mots savamment choisis font l’affaire, et le Carré l’a bien compris.

À mon humble avis, tous les lecteurs trouveront leur compte dans ce bouquin : les amateurs des œuvres de le Carré prendront plaisir à suivre Guillam, Smiley et Alec (pour la toute dernière fois ?) ; les novices à la recherche d’un bon roman d’espionnage découvriront une plume agréable et une histoire riche en tous points. Qu’ils ne se laissent pas abuser par les commentaires que « La Taupe », notamment, a pu recevoir : ce roman-ci n’est pas aussi complexe que d’autres et il se lit relativement vite. Si vous n’avez jamais osé lire du John le Carré, commencez par celui-ci !

Pour conclure, il est clair que l’auteur tente de nous exposer ici l’évolution que le monde souterrain de l’espionnage a subie. Pour le meilleur ou pour le pire ? À vous de voir…