L'héritage Enchanteur, Tome 2 : Délivrance

Chapitre 1

—Très bien, je viendrai avec toi.

L’ange face à moi, parut satisfait de ma réponse.

—Mais pas maintenant ! Ce soir on fête l’anniversaire de Max et je compte bien y aller.

Et comme pour appuyer mes dires, la voix guillerette de Kriss retentit dans le couloir :

—Val ! Bouge tes fesses ! T’as plus que vingt minutes et on s’en va !

Le vague sourire de satisfaction de Sabriel disparut, remplacé par un regard furibond. Sans plus m’intéresser à lui, je me dirigeai vers la salle de bains.

—Très bien, je te suis.

Je stoppai net mon mouvement sur la poignée de la porte. Je me tournai pour lui faire face, les bras croisés.

—Comment ça, tu me suis ?

Il leva un sourcil, en croisant les bras lui aussi, en me regardant comme si j’avais l’air d’une idiote qui ne comprenait rien. Il fit un pas, puis un autre, jusqu’à ce que la courte distance entre lui et moi, se résume à quelques centimètres. Aussitôt, sa chaleur corporelle m’enveloppa telle une caresse. Cet homme avait le don de me hérisser, mais il me faisait aussi un autre effet, pas encore identifié. Il était un être surnaturel, un ange guerrier, un ange de la mort, et bien qu’il soit prétentieux et excessivement possessif, je devais bien admettre que son enveloppe charnelle n’était pas désagréable à regarder.

—Tu dois comprendre que, puisqu’Adam a disparu on ne sait où depuis presque un an et demi, c’est à moi qu’on a assigné ta protection. Donc, je dois te suivre où que tu ailles. Dans ce monde ou dans l’autre.

Face à sa mine renfrognée lorsqu’il m’expliquait ceci, je commençai à regretter moi aussi, mon acte de bravoure quand il avait fallu le soigner avec mon essence vitale. Je décroisais donc les bras et lui dis :

—Trouve-toi quelqu’un d’autre ! Parce que l’idée que tu me colles aux basques ne m’enchante pas vraiment. Protecteur ou pas.

Surtout lui. Même sans rêves érotiques, je restai une femme avec des besoins. Et il m’était difficile de rester insensible devant un homme tel que lui. Il fit un pas de plus, me retrouvant à sentir son souffle chaud sur ma bouche. Je serrai les dents pour éviter un truc stupide.

—Crois-moi, ce n’est pas de gaîté de cœur. Cela me met dans une position délicate.

La tension dans sa voix éveilla ma curiosité.

—Dans ce cas, ne le fait pas.

—Je n’ai pas le choix.

Je gardai la bouche fermée, crispée pour éviter de rétorquer une chose idiote du genre « on a tous le choix » ou alors « mon pauvre choupinou ». Mais je lui lançai néanmoins un regard noir. Il m’observa en silence, pendant plusieurs secondes, me mettant au défi de répondre. Ce type était du même bois qu’Adam : un chasseur. Un tueur. Je ne fis rien, j’en restais là. Pour cette fois.

J’ouvris la porte de la salle de sport pour me ruer sous la douche. Je me lavai rapidement, avant de m’enrouler dans une serviette pour aller prendre mes habits dans ma penderie. J’eus un sursaut quand je découvris Sabriel planté au milieu de ma chambre. Résignée, je ne dis rien. Je pris un tailleur pantalon noir avec une chemise blanche, des sous-vêtements et mes escarpins noirs. En refermant les portes miroirs de mon dressing, je croisais le regard de l’ange. Posté devant la fenêtre, comme un soldat au repos : bras croisés dans le dos et jambes légèrement écartées. Peut-être était-il un soldat dans une autre vie ?

—Tu vas vraiment me surveiller ?

—Je ne vais pas me mêler de ta vie, ni de ton intimité. Je ferai ce qu’on m’a dit de faire. Ne t’en fais pas, je resterai hors de vue. Ce sera mieux pour tout le monde.

Je soupirai. Que pouvais-je dire d’autre ? Je filais vers la salle de bains pour m’habiller en vitesse. Je me fis une queue de cheval. Un peu de mascara, un peu de gloss. Mes boucles d’oreilles. J’étais prête.

—N’oublie rien. Ta sœur arrive.

Je m’asseyai sur mon lit pour enfiler mes chaussures quand Kriss ouvrit la porte, sans se donner la peine de frapper.

—Qu’est-ce que tu fous ? Tout le monde t’attend !

Je n’eus pas le temps de répondre que son regard dériva vers l’ange. Elle marmonna en agitant la main. D’un geste fluide elle le balança au mur dans une position inconfortable.

—Kriss ! Qu’est-ce que tu fais ?

—C’est plutôt à moi de te demander ça ? Pourquoi un type avec une épée dans le dos se trouve dans ta chambre ?

—Ce type vient de Saoghal. Et il est là pour… me protéger.

D’un coup d’œil, je regardais Sabriel, qui dans sa position désagréable attendait qu’on daigne s’occuper de lui.

—Kriss, s’il te plaît. Libère le.

—Tu es sûr ? Ce type à l‘air bizarre et je ne veux pas qu’on te fasse du mal.

Ses yeux noisette lançaient des éclairs. Je lançai à Kriss un regard appuyé.

—C’est bon, il est du côté des gentils. N’est-ce pas ?

Il marmonna un oui.

—Comme tu veux, soupira-t-elle.

Elle fit de nouveau un petit moulinet de la main et un bruit de chute indiqua que Sabriel avait recouvré ses mouvements.

—Trop aimable, marmonna ce dernier.

—Tu as de la chance que Val soit là pour défendre tes jolies fesses, et s’il n’y avait pas la loi du retour par trois, j’aurais fait pire que ça.

Effectivement, en dépit des clichés hollywoodiens, jamais ô grand jamais, une sorcière ne commettrais un tel acte. Le manifeste Wicca leur interdit de faire du mal, à qui que ce soit. Y compris à elles-mêmes, sauf pour se défendre. La loi du triple retour précise que tout le bien qu’une personne accomplit lui revient fois trois. Règle qui s’appliquait aussi au mal. Donc, aucune vraie Wicca ne prend le risque de faire le mal et encore moins de tuer. Les sorcières ne pratiquaient pas la magie noire. Seules les charnas, ces sorcières s’étant détournées des principes de la Wicca, s’adonnaient aux arts occultes les plus maléfiques.

La magie du sang. La pire de toutes.

Je m’avançai vers elle pour lui prendre les mains.

—Arrêtes de te faire autant de soucis pour moi, lui dis-je à voix basse. Il n’est pas là par hasard, fais-moi confiance.

—En toi j’ai confiance, mais lui, non. (Elle me dévisagea avec inquiétude). Tu ne sais pas ce que tu fais.

Un malaise s’empara de moi. Le don de clairvoyance de Kriss était plus que fiable. Elle pouvait prédire les numéros du loto aux chiffres près si elle le voulait. Ma chère sœur le détailla attentivement sans rien dire. Puis enfin, se tournant vers moi :

—Ça y est ? On peut y aller ?

—Bien sûr !

Je regardai l’ange, qui ne dit rien. Puis je suivis Kriss. Au passage je pris mon sac avec mon portable et ma veste. En refermant la porte de ma chambre, je remarquai qu’il avait disparu et qu’il flottait dans l’air un peu de magie.