L'innovation destructrice

Difficile de se retrouver dans ce mélange de propos paradoxaux et de raisonnements surprenants. Après avoir expliqué fort logiquement que l'innovation, indissociable de la logique capitaliste, est destructrice de sens et avoir remarqué par exemple page 112 que "plus vous avez une vie intérieure riche, plus vous êtes structuré par des valeurs non seulement morales, mais culturelles et spirituelles stables et fortes, moins vous éprouvez le besoin de consommer à tout propos" l'auteur avance page 120 que "grâce au libéralisme tant décrié et pourtant si aimable nous vivons la naissance d'un nouveau visage de l'humanisme" non sans avoir amalgamé la recherche de sens avec une nostalgie mortifère des "motifs traditionnels du sacrifice collectif, violent et massif [] Dieu, la patrie ou la révolution". Le capitalisme y est présenté comme le seul système capable de promouvoir la démocratie. En Page 56 de l'"hostilité séculaire de l'église envers le capitalisme", un raisonnement sidérant, établit que si le Pape François critique le capitalisme ce serait parce que cette pensée est plus dangereuse que le comunisme pour l'Eglise ce dont je suppose il faudrait tirer la conclusion (après avoir tacitement admis que l'Eglise est le fer de lance de l'obscurentisme) que le capitalisme est un puissante force émancipatrice. Je suppose que l'explication alternative, à savoir qu'en dénonçant les excès d'un capitalisme qui se soucie peu de l'humain l'Eglise ne fait que renouer avec la cohérence de son message essentiel qui est la compassion et l'amour du prochain, semble trop simpliste à l'auteur. Passons sur la critique de la pensée écologique qui ne serait qu'une sacralisation de la peur.

Bref cet ouvrage, j'en demande pardon, m'a semblé incompréhensible ou absurde au choix. A moins d'imaginer faire le chemin contraire, celui d'un penseur conditionné par notre époque à voir le bien absolu dans cette version si particulière du progrès que propose la mondialisation capitaliste, qui en perçoit les paradoxes et les contradictions et qui tente de les résoudre sans aucunement y parvenir. Oui Luc Ferry nous décrit magistralement comment la mise au pas de l'homme par la logique économique incarnée dans le capitalisme fait de l'innovation l'instrument de la création de nouveaux besoins aux seules fins de nourir la machine économique dans un renoncement complet à la recherche de sens. Puis il conlu (parce qu'il "appartient à la droite républicaine" p110 ) et parce qu'à ses yeux le capitalime ne peut être mauvais, que cette perte de sens est salutaire! Et d'appeler de ses voeux la réconciliation de "l'innovation et du sens" sans pour autant expliquer ce qui la rendrait possible.

Il concède fort justement, que de nouvelles catégories sont nécessaires pour penser ce "deuxième humanisme". Mais n'est-ce pas précisément ce qui manque à cet ouvrage qui semble opposer de façon binaire un mythe du capitalisme démocratique progressiste et émancipateur à toute forme de pensé qui voudrait le dépasser?

Un petit recueil des questionnements que nous avons à nous poser sur l'avancée de l'innovation et ce que cela engendre dans la destruction de nos repères et nos valeurs.

Vision intéressante sur l'avenir de la France dans son évolution et sa position face à la mondialisation.