Le serment du maori

Anna respira profondément et se força à observer ce qui se passait entre Christian et la femme maorie.

Hine montra à nouveau son ventre, le caressa et l'enlaça de ses deux mains. Ce faisant, elle parlait à son amant, un genre de psalmodie en langue étrangère, et elle avança d'un pas vers lui. Mais Christian fit des gestes pour l'éloigner. Hine lui tendit les mains et cria dans la langue de Christian et Anna :

- Père ! Mère ! Enfant !

Mais une fois de plus, il la repoussa. Hine atterrit encore de tout son long dans le sable. Au lieu de la secourir, il s'approcha d'elle, menaçant, et, sans crier gare, lui balança un coup de botte dans le ventre. Anna porta sa main juste à temps devant sa bouche pour se retenir de crier, car ce qu'elle venait de voir était trop pour elle. Christian était planté debout, les jambes écartées au-dessus de la femme pliée en deux dans le sable, et lui donna encore un violent coup de pied dans l'estomac. Hine geignit de douleur comme un animal blessé.

Anna avait envie de vomir de dégoût et d'effroi, mais elle réussit à contenir sa nausée.

Elle détourna les yeux et rampa à reculons jusqu'à ce qu'elle soit hors de vue. Là, elle se releva et courut comme si elle avait la mort à ses trousses, jusqu'à ce qu'elle atteigne enfin le chemin menant à la cité. Les larmes ruisselaient sur son visage. Elle courut les bottines à la main jusqu'aux premières maisons. Des cailloux pointus lui tailladaient la plante des pieds, mais Anna était mue par un seul désir : rentrer à la maison avant lui.

Pendant un moment, elle craignit d'avoir couru dans la mauvaise direction, mais peu après elle reconnut la cabane. Puisant dans ses dernières forces, elle réussit à monter les marches étroites jusqu'à la chambre. Puis elle arracha ses vêtements et balança ses bottines sous sa chaise. Ce fut seulement lorsqu'elle eut remonté le couvre-lit jusqu'à son nez que les images de ce qu'elle venait de vivre l'assaillirent violemment. Elle eut soudain très froid et se mit à trembler. Elle claquait des dents. Que signifie donc tout cela, se demanda-t-elle, quoi exactement ? Mais plus elle y réfléchissait, plus la réponse s'imposait clairement à elle : Christian avait vécu dans cette maison en couple avec Hine et maintenant que son épouse était réapparue, il n'avait plus besoin de cette femme maorie. Et encore moins de son enfant. Il voulait s'en débarrasser. D'elle et de son bébé à naître. Et, si besoin était, par la violence la plus crue.