Destins, Tome 1 : Les porteuses de secrets

— Bon, voilà, dit le curé, pressé de mettre fin à tout le malaise qui s’était installé. J’ai besoin d’une famille exemplaire, croyante et dévouée pour me rendre un énorme service. J’ai immédiatement pensé à vous. Je n’irai pas par quatre chemins : j’ai une cousine, sœur Saint-Irénée, qui est religieuse à Montréal. Sa congrégation reçoit des… jeunes filles dans le besoin, sans ressources et qui, sans son aide, finiraient dans de bien délicates situations. Parmi elles, il y a une jeune fille aux qualités remarquables, pieuse, vaillante…

— Pourquoi vous nous dites tout ça, monsieur le curé ? Allez droit au but, beurrez pas tant épais ! l’interrompit Jean, qui sentait qu’il mettait les pieds dans quelque chose de louche et compliqué.

— Laisse parler monsieur le curé, Jean, lui dit sa femme en faisant de gros yeux devant l’impolitesse de son mari.

— Oui, donc, normalement les sœurs essayent de faire engager ces filles comme bonnes ou les aident à trouver du travail en ville, mais pour l’instant, c’est difficile. Ma cousine m’a donc demandé si une famille à la campagne pouvait l’accueillir en attendant qu’une position de bonne se présente. J’ai pensé que puisque vous attendez du nouveau, vous pourriez bénéficier d’une aide à la maison. Qu’en pensez-vous ?

— Mais on a pas les moyens de se payer ça, nous autres. Et j’avoue que d’avoir une étrangère dans la maison, ça me dérangerait… Jean sentait ses pieds s’engluer dans la mélasse et ne savait comment s’en sortir.

— Elle est prête à travailler pour le gîte et le couvert en attendant autre chose. L’important, c’est de la placer pour lui éviter un mauvais sort. En ville, c’est facile de faire de mauvaises rencontres…