Etonnures

La balance au design épuré, toute transparente, posée sur une estrade entre le mur et la baignoire en lieu et place de l’ancien bidet, s’impose ici tel un major général de l’Empire ! Le décorum qui l’entoure est significatif de son importance dans cette habitation. Sur fond de peinture laquée bleue sont accrochées des reproductions d’une main de justice et d’un bâton de commandement ! La petite estrade en palissandre permet à l’objet de pesée d’apparaitre dans toute sa gloire.

Catherine ne peut décoller ses yeux du chiffre fatidique. En quelques secondes elle sent les larmes envahir son regard bleu. Douloureusement et en silence. La jeune femme s’apprête à vivre une sombre journée. Une véritable défaite. Elle vit en cet instant sa propre campagne de Russie ! Tel Napoléon Ier battant en retraite en 1812. Elle, l’étudiante passionnée d’histoire voit et vit le chiffre qui s’affiche comme une blessure profonde, plutôt une perte définitive. C’est pourquoi elle songe à l’Empereur, miné, au retour de son expédition apocalyptique.

Que dire de cette balance ! Elle s’apparente à un cosaque ! Une balance qui la balance. Un pèse-personne qui lui arrache son identité face à cet homme qu’elle commençait par aimer. Véritablement, sincèrement, admirablement…

En cette fin de matinée aux allures printanières, Quentin lui avait fixé rendez-vous chez lui. Arrivée pile à l’heure au domicile de l’avocat -à Neuilly-sur-Seine- grâce au taxi qu’il lui offre, Catherine poussait avec hâte la grille de la petite résidence moderne donnant sur le 78 boulevard Victor Hugo. Une heure avec lui, dans ses bras, c’est peu mais agréable.

La porte de l’appartement s’ouvre, il l’embrasse furtivement sur les lèvres, lui propose un café puisqu’il termine le sien. Elle le renvoie tendrement à sa tasse de décaféiné avec un clin d’oeil, tout en lui faisant comprendre grâce à un mouvement sensuel de la bouche qu’elle l’attend vers la chambre. Mais auparavant, elle doit se déshabiller et se peser …..

(extrait