La génération spontanée des grumeaux

Il ne marche plus.

Je le lui ai pris des mains.

Je regarderai ça tout à l’heure. Avec mon père, lorsqu’il sera enfin réveillé. Au cas où sa céphalée ait persisté malgré la réparation du sèche-linge.

Emily, accaparée par la construction d’une tour en manuels d’anatomie et de physiologie humaine à côté de mon petit cahier, n’a pas relevé ma phrase.

Elle connaissait bien la famille Gardens.

Lauren a salué ma mère et mon frère en les embrassant une main posée sur leur épaule, auréolée de la douceur bienveillante qu’elle semble diffuser à chaque instant de sa présence, puis s’est assise face à moi, un livre d’histoire de l’Art sous les yeux.

Le silence s’est installé.

C’est le moment qu’a choisi mon père pour débarquer en grommelant, drapé dans sa robe de chambre en soie bleue comme un empereur romain dans sa toge. Il s’est figé à

la vue de notre tablée et s’est raclé la gorge.

Hum.

Bonjour à tous.

Bonjour

Arnold mon chéri, a fait ma mère. As-tu bien dormi ? Comment se porte ton mal de tête ?

Ma mère a cette étrange habitude de personnifier des éléments qui n’auraient pas lieu de l’être, dans son discours il ne sera jamais illogique qu’un mal de tête se porte bien.

Mon père s’est renfrogné et s’est dirigé vers la cafetière.

J’ai désigné le robot mixeur d’un signe de la main.

Tiens papa, Emily t’a apporté du paracétamol. On le partage celui-ci par contre, je croyais t’avoir dit que je voulais jeter un coup d’œil au sèche-linge moi aussi.